Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 11 janvier 2007 à 9h30
Prévention de la délinquance — Article 35

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Nous allons, en période préélectorale, effectuer la quatrième réforme de l'ordonnance de 1945, qui est annoncée depuis cinq ans. La préparation du projet de loi a donc pris un certain temps.

Avant de nous précipiter dans cette énième réforme, un rappel s'impose à nous. Je veux parler d'un des concepts fondamentaux en la matière, qu'il serait préférable de ne pas négliger quand on veut réformer : le concept de prévention. Le Petit Larousse en donne la définition suivante : « Ensemble des mesures prises pour prévenir un danger, un risque, un mal, pour l'empêcher de survenir. »

Or, qu'a fait le Gouvernement depuis 2002 ? L'état des lieux est malheureusement très négatif. De déconstruction en déconstruction, la remise en cause des valeurs sur lesquelles reposaient jusque-là le jeu social et l'équilibre de l'action préventive a engendré un affaiblissement de la cohésion du système social.

Alors qu'ont été supprimés la police de proximité, les emplois-jeunes dans les collèges et lycées, les aides aux associations de quartiers et le dispositif TRACE - trajet d'accès à l'emploi - destiné aux jeunes les plus en difficultés, alors qu'on s'oriente vers une conception répressive, et non préventive, de la justice des mineurs, il faut rappeler que le législateur de 1945 affirmait que la protection et l'éducation des mineurs constituaient les missions essentielles de l'État. L'article 2 de l'ordonnance consacre ainsi la primauté de l'éducatif pour les mineurs, ce qui a été rappelé par le Conseil constitutionnel.

Ce projet de loi dénature l'esprit même de l'ordonnance de 1945 en opérant un glissement vers le dispositif pénal de droit commun et en axant ses dispositions essentiellement sur le champ répressif. Il institue une justice expéditive pour les mineurs, nous l'avons vu hier avec la composition pénale, en créant le jugement à délai rapproché. Dans tous ces cas, il n'est pas tenu compte de l'état de minorité des mis en cause.

On peut d'ailleurs se demander si ce projet de loi est en adéquation avec l'article 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui stipule : « les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, [...] qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société ».

L'esprit même de notre politique en matière de prévention de la délinquance doit être respecté sur le fond, et non seulement sur la forme, mes chers collègues. En effet, la délinquance des jeunes ne doit pas être l'antichambre de la grande délinquance, voire de la criminalité.

Il est donc essentiel que la procédure pénale et ses dispositifs visant spécialement la justice des enfants donnent la possibilité aux magistrats, en particulier aux magistrats spécialisés, de faire une analyse approfondie de la situation de chacun des enfants en cause.

Il est clair que le texte qui nous est proposé va à rebours de l'esprit de l'ordonnance de 1945.

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