Nous abordons ici le chapitre consacré à la prévention de la délinquance des mineurs.
La présente réforme de l'ordonnance du 2 février 1945, une ordonnance réformée encore et encore, serait, à vous en croire, justifiée par l'augmentation de la délinquance des mineurs. Des mineurs de plus en plus jeunes seraient mis en cause pour des actes de plus en plus violents et la loi entretiendrait leur impunité.
De tels constats doivent, à notre sens, être relativisés. D'abord, la part des mineurs dans les personnes mises en cause dans la délinquance constatée par les services de police et de gendarmerie est passée, entre 1994 et 2004, de 14 % à 18 %. En 2005 par exemple, 143 000 procédures traitées par les parquets ont mis en cause des mineurs. Il convient de rapporter ce chiffre aux 1 400 000 affaires susceptibles de faire l'objet de poursuites de la part des parquets. Il n'y a donc pas à proprement parler d'accroissement notable de la violence des mineurs.
Ensuite, le taux de réponse pénale aux affaires impliquant des mineurs est passé de 77, 7 % à 85 % entre 2000 et 2005 alors qu'il est de 77 % pour les majeurs. On ne peut donc pas non plus parler d'impunité pour les mineurs, d'autant que la loi Perben I a créé de nouvelles mesures : sanctions éducatives dès l'âge de dix ans, mise en place des centres éducatifs fermés, les CEF, possibilités élargies de placement sous contrôle judiciaire et de détention provisoire pour les mineurs âgés de treize à seize ans. En conséquence, il n'existe pas d'impunité pénale systématique en dessous de l'âge de treize ans comme on voudrait nous le faire croire. Tout mineur doué de discernement peut être déclaré coupable d'infraction pénale.
Quant à l'atténuation de peine liée à la minorité, il est bon de souligner qu'elle n'est pas absolue. En effet, la cour d'assises ou le tribunal pour enfants peuvent l'écarter pour les mineurs de plus de seize ans lorsque la gravité des faits ou la personnalité des mineurs le justifient.
L'article 35, que nous proposons de supprimer, prévoit d'étendre aux mineurs la mesure de composition pénale qui existe dans le droit pénal des majeurs depuis la loi d'orientation et de programmation de la justice de 2002.
Étant opposés à cette mesure pour les majeurs, nous le sommes aussi pour les mineurs, d'autant qu'aucune garantie n'est prévue pour assurer dans ce cadre la prise en compte de l'état de minorité du mis en cause, sauf en ce qui concerne l'accord des représentants légaux. Par exemple, le projet ne prévoit pas d'enquête sur la personnalité du mineur.
En ce qui concerne le juge des enfants, dont le rôle est d'accompagner judiciairement l'évolution d'un mineur en lien avec les services éducatifs, il se trouve cantonné à un rôle d'homologation.
L'article 35 tend également à modifier la procédure de jugement à délai rapproché, instaurée il y a quatre ans seulement et transformée ici en « présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs ». On se dirige ainsi tout droit vers une sorte de comparution immédiate des mineurs sur le modèle de ce qui existe pour les majeurs, alors même que cette procédure fait l'objet de vives critiques en raison des atteintes qu'elle porte aux droits de la défense.
Nous estimons par conséquent qu'il est inopportun d'étendre une telle procédure aux mineurs.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir adopter notre amendement de suppression de cet article, qui n'apporte aucune solution réelle et durable s'agissant de la prévention de la délinquance des mineurs.
J'ajoute que le fait le plus marquant, en ce qui concerne l'évolution du traitement de la délinquance des mineurs, réside dans la diminution du seuil de tolérance, notamment celui de nos institutions. Or, ce n'est pas la délinquance des mineurs qui a fondamentalement changé, mais le regard que la société porte sur elle.