Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 11 janvier 2007 à 9h30
Prévention de la délinquance — Article 35

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

L'article 2 de l'ordonnance de 1945 prévoit que « le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui sembleront appropriées. Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l'exigent, soit prononcer une sanction éducative à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans, conformément aux dispositions de l'article 15-1, soit prononcer une peine à l'encontre des mineurs de 13 à 18 ans en tenant compte de l'atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9. Le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. »

Tout tient dans l'expression : « ils pourront cependant », qui fixe bien, y compris dans la loi Perben I de 2002, l'ordre des choses.

On comprend, à la lecture de ce texte, qu'affirmer que la priorité législative est éducative ne veut pas dire que la loi interdise la répression à l'encontre des mineurs d'âge, comme cela est trop régulièrement affirmé. La loi fixe une orientation de base ; elle n'ignore pas l'intérêt d'une démarche d'autorité et de répression pour les enfants.

Les réformes successives ont tendu à accroître la maîtrise du parquet sur le déroulement de la procédure, notamment par le développement de la convocation par un officier de police judiciaire, ou OPJ, pour la mise en examen ou jugement, mais aussi à développer des réponses rapides. Je citerai par exemple la pratique du déferrement permettant la mise en examen au sortir de la garde à vue, le prononcé de mesures provisoires pouvant aller jusqu'au contrôle judiciaire et à la détention provisoire, la création par la loi Perben I de la procédure de jugement à délai rapproché ou encore la faculté donnée au parquet d'imposer au juge des enfants de faire comparaître le mineur dans un délai d'un à trois mois.

La loi Perben I a également créé de nouvelles mesures, dites sanctions éducatives, pouvant être prononcées à partir de l'âge de dix ans. Elle a, en outre, élargi le domaine de la contrainte en créant les centres éducatifs fermés et en élargissant les possibilités de placement sous contrôle judiciaire et de détention provisoire concernant les mineurs âgés de treize à dix-huit ans.

L'ordonnance de 1945 est une véritable boîte à outils qui permet de faire du « sur mesure ». Toutefois, pour l'appliquer dans de bonnes conditions, il faut évidemment des moyens. Or, comme le disait Claire Brisset, ancien défenseur des enfants, « avec 2 % du budget de l'État consacré à la justice on ne peut rien faire de bon ».

Qu'est-ce qui justifie que l'on traite ainsi de la délinquance des mineurs ? S'agit-il du constat d'échec d'une politique qui a pourtant conduit à « muscler » les textes ? Les pouvoirs publics se réjouissaient pourtant encore récemment d'une baisse de la délinquance en général et de la délinquance des jeunes en particulier ! Le texte que nous examinons aujourd'hui arrive donc à contretemps.

Par coordination avec notre proposition précédemment exprimée, nous nous opposons à l'application de la composition pénale aux mineurs âgés de treize ans. Aucune garantie n'est en effet prévue par ce texte pour assurer, dans le cadre de la composition pénale, la prise en compte de l'état de minorité. En réalité, cet état est nié par l'ensemble des dispositifs proposés.

Le juge des enfants, dont le rôle est d'accompagner judiciairement l'évolution du mineur avec le concours des services éducatifs qu'il désigne se trouve de plus en plus cantonné dans un rôle d'homologation. Est-ce bien là l'image de la justice de notre pays que nous devons donner aux jeunes mineurs qui se trouvent en situation de délinquance ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion