Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 11 janvier 2007 à 9h30
Prévention de la délinquance — Article 39 bis

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Cet article a été ajouté par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Il s'agit, en fait, de permettre au juge d'écarter plus facilement le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs de seize ans lorsque ceux-ci sont en état de récidive légale.

De plus, le juge des enfants n'aurait plus à justifier sa décision si celle-ci était motivée par la récidive légale, ce qui est assez surprenant.

La dérogation au principe de l'atténuation de responsabilité pénale doit être exceptionnelle et le juge ne peut donc y déroger que dans des hypothèses strictement encadrées. Selon le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale, qui a d'ailleurs été constitutionnalisé en 2002, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent prononcer à l'encontre des mineurs âgés de plus de treize ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue.

Ce principe est apparemment devenu tout à fait insupportable pour le ministre de l'intérieur, qui n'a de cesse de vouloir le remettre en cause.

Nous sommes inondés de déclarations, toutes plus virulentes les unes que les autres, contre l'ordonnance de 1945 et les principes qu'elle porte : inadaptation, laxisme, impunité.

Or, la mission sénatoriale de 2000, dont il n'a jamais été vraiment tenu compte, soulignait pourtant très clairement qu'au lieu de modifier la loi mieux vaudrait prévoir des moyens pour appliquer l'ordonnance de 1945.

La remise en cause de cette ordonnance, en particulier du principe de l'atténuation de la responsabilité pénale, qui est un des fondements de la justice des mineurs, constitue le cheval de bataille du ministre de l'intérieur, mais aussi, je le constate, du ministre de la justice.

Je citerai l'article 1er de la Convention internationale des droits de l'enfant : « Au sens de la présente convention, un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plutôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »

L'article 40 de la convention précise : « Les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle [...] et qui tienne compte de son âge. »

Nous sommes donc particulièrement inquiets du sort de notre justice des mineurs. Nos craintes se confirment lorsque M. Philippe Houillon, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, évoque une remise en cause partielle de l'excuse de minorité et une solution d'étape. Nous ne sommes pas dupes : la prochaine étape est la suppression pure et simple de l'excuse de minorité pour les mineurs de seize ans et, a fortiori, l'abaissement de la responsabilité pénale à seize ans.

Le Gouvernement cherche désespérément, depuis cinq ans, à calquer la justice des mineurs sur celle des majeurs et nous y arrivons, hélas ! de manière progressive. Cette dérive est très dangereuse. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter notre amendement de suppression de l'article 39 bis.

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