Intervention de Gélita Hoarau

Réunion du 20 octobre 2009 à 14h30
Débat sur la situation des départements d'outre-mer — Ii. - point de vue des groupes politiques

Photo de Gélita HoarauGélita Hoarau :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que de propos contradictoires entend-on, d’année en année…

La durée et, parfois, la violence des événements ayant secoué les DOM ont révélé l’ampleur du malaise qui affecte nos économies, les classes les plus défavorisées, ainsi que les catégories sociales insérées dans le monde du travail et, ce qui est plus récent, les couches moyennes.

Deux constats sont aujourd’hui unanimement partagés, portant l’un sur la gravité de la crise, l’autre sur l’inefficacité des réponses apportées jusqu’à présent. Cette évidence est également admise par le chef de l’État, qui a donc proposé la tenue d’états généraux de l’outre-mer, et par le Gouvernement, qui les a mis en œuvre.

Notre assemblée, pour sa part, a eu raison d’organiser une mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer. Elle l’a fait au moment opportun, ce qui est tout à son honneur. Je tiens à dire que j’ai été honorée d’en faire partie. Je veux souligner ici la qualité du travail accompli par l’ensemble des membres de la mission, en particulier son président, Serge Larcher, et son rapporteur, Éric Doligé.

En ce qui me concerne, je me suis efforcée d’apporter ma modeste contribution, d’une part en tant que membre de la mission, d’autre part dans le cadre des états généraux, au nom de ma formation politique. Nous ne pouvons pas dissocier ces deux rendez-vous, puisqu’ils ont été décidés concomitamment à la suite des événements ultramarins.

Préalablement, rappelons la gravité de la crise, notamment à la Réunion.

En effet, le chômage ne cesse de croître. Chaque jour, des pertes d’emplois viennent ajouter à l’important chômage structurel que nous connaissions déjà. Cette situation est encore aggravée par la fin d’une série de grands travaux et par la rupture qui, du fait d’obstacles juridiques volontairement accumulés, interdit aujourd’hui que le relais soit pris par d’autres grands chantiers, pourtant entièrement financés.

Sachez-le, 52 % des Réunionnais vivent avec un revenu inférieur à 817 euros mensuels, soit le seuil de pauvreté en métropole, 30 000 demandes de logement restent insatisfaites au moment même où les mises en chantier s’effondrent, 900 liquidations d’entreprise, dont 350 dans le secteur du BTP, ont été recensées par la chambre de métiers au cours des huit premiers mois de 2009. Par ailleurs, le nombre d’illettrés, estimé à 120 000, ne décroît pas.

Pour toutes ces raisons, nous proposons des mesures immédiates en termes de créations d’emplois, de réalisation de logements et d’amélioration du niveau de vie, pour répondre aux attentes des plus démunis.

Ainsi, la création de deux grands services, dédiés l’un au traitement des risques environnementaux et à la sauvegarde de la biodiversité, l’autre à l’aide à la personne – qu’il s’agisse des personnes âgées, des handicapés ou de la petite enfance –, serait, selon nous, une piste à suivre en vue de la création rapide de milliers d’emplois. En outre, la mise en place d’un plan d’urgence de construction de logements doit être une priorité.

Concernant l’amélioration du niveau de vie, les conclusions de l’atelier des états généraux sur les prix ainsi que les propositions de la mission parlementaire doivent être mises en œuvre. Néanmoins, nous n’atteindrons une baisse significative et durable des prix des marchandises que lorsque nous nous orienterons résolument vers des échanges Sud-Sud en nous approvisionnant au plus près et en rompant avec le colbertisme qui a toujours marqué nos échanges commerciaux.

Les revenus conditionnent eux aussi le niveau de vie. Or, le fait que les bas revenus, les revenus indexés, les minima sociaux soient largement répandus dans les DOM montre que nous ne bénéficions pas d’une politique harmonieuse des revenus, ce qui est incompatible avec un projet de développement durable. À cet égard, la mission du Sénat apporte une contribution s’agissant des revenus dans la fonction publique. Il serait intéressant, madame la secrétaire d’État, que les états généraux se positionnent sur cette question.

Outre ces mesures immédiates que j’ai rapidement énumérées, nous devons nous mettre à même de relever les grands défis du monde, tels qu’ils se posent à nous : les changements climatiques et leurs conséquences, la crise énergétique, la crise alimentaire, la globalisation des échanges commerciaux, la crise économique et financière, la progression démographique, etc. Il nous faut inventer un type de développement créateur de richesses et d’emplois, respectant notre environnement et notre identité culturelle.

C’est la raison pour laquelle nous prônons un projet tendant notamment à nous assurer l’autonomie énergétique à l’horizon de 2025. Cette proposition rejoint d’ailleurs les ambitions de l’État exprimées dans le projet GERRI et le projet « Île verte » de la Réunion économique. Nous devons aussi viser l’autosuffisance et la sécurité alimentaires, en coopération avec nos voisins.

La politique de grands travaux – route du littoral, prolongement de la route des Tamarins vers le Sud, tram-train, etc. – doit aboutir sans tarder. Outre qu’elle répond aux exigences en matière de déplacements et d’aménagement du territoire, elle représente un gisement d’emplois considérable dans le secteur des travaux publics et du bâtiment. Rappelons que la construction de la route des Tamarins a représenté plus de 3 000 emplois directs et indirects. La fin de ce chantier, liée à d’autres considérations, fait que le secteur du BTP connaît désormais une grave crise.

Par ailleurs, un projet de développement durable doit comporter une dimension identitaire. À cet égard, je me réjouis que, dans leur synthèse, les états généraux aient retenu, pour la Réunion, le projet de la MCUR, la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise, tant combattu chez nous. À ce propos, permettez-moi de dire à quel point je suis fière que, depuis le 1er octobre 2009, l’UNESCO ait inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité notre maloya, cette musique, cette danse des esclaves que j’aimerais enfin voir enseignée dans nos écoles.

Nos économies traditionnelles se trouvant en crise ou menacées – je pense notamment à l’échéance de 2014 pour le règlement communautaire du sucre et de la banane, au maintien ou pas des aides européennes à leur niveau actuel, au devenir de l’octroi de mer –, il nous faut nous orienter résolument vers ce qu’il est convenu d’appeler l’économie de la connaissance dans les domaines des énergies renouvelables, de la santé, de la formation, du numérique, de l’ingénierie des services aux entreprises et à l’administration, qui doivent devenir pour nous des pôles d’excellence. Telles doivent être nos priorités pour faire face à la crise et aux accords de partenariat économique que l’Union européenne est en train de passer avec les pays ACP voisins de la Réunion.

À ce stade de la discussion, nous devons évoquer les difficultés des collectivités, dont la situation financière s’avère de plus en plus tendue. Les préconisations conjointes de la région et du département de la Réunion dans leur contribution aux états généraux sont à retenir : « Innover, faire émerger de nouvelles ressources et mieux utiliser les ressources existantes est absolument nécessaire. La réflexion doit porter notamment sur les possibilités de taxation des plus-values foncières et des jeux de hasard, sur l’adaptation d’une “fiscalité verte” à la situation locale. »

Faire des propositions pour sortir chacun de nos DOM de la crise et pour mettre ceux-ci sur la voie du développement durable, du développement endogène, c’est appeler à la responsabilité. Chacun, chacune doit apporter sa contribution : c’est ce que je fais présentement.

Dès lors qu’un projet est arrêté collectivement, se pose la question de sa mise en œuvre, autrement dit de la gouvernance. Que faut-il proposer pour que les Réunionnais mettent en application eux-mêmes un plan qu’ils ont eux-mêmes élaboré ? À cette question, deux réponses sont possibles.

Soit on ne propose rien, et l’on s’en remet aux décisions que prendront les métropolitains pour les régions et les départements de métropole. Ce repli sur ce que l’on appelle, sans connaître exactement son contenu, le droit commun – tout en exigeant d’ailleurs des dérogations multiples qui vident cette notion de son sens – ne peut s’interpréter que comme un refus de prendre ses responsabilités.

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