Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 20 octobre 2009 à 14h30
Débat sur la situation des départements d'outre-mer — Ii. - point de vue des groupes politiques

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la mission commune, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la crise qui a affecté la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion, notamment, au début de l’année 2009 a révélé les aspirations profondes de nos compatriotes outre-mer, mais aussi une incompréhension mutuelle entre la métropole et ces territoires lointains, pourtant intimement liés à notre histoire.

Il faut avoir le courage de dire que nous aurions dû, depuis longtemps et collectivement, repenser ce lien au-delà des évolutions statutaires, dont la France détient le record depuis 1945. Ce défaut d’esprit de responsabilité a laissé prospérer de fausses idées et des sentiments ambigus de part et d’autre, exacerbés aujourd’hui par la crise mondiale.

Reconnaissons-le, la volonté de l’État français, à l’égard de l’outre-mer, a souvent été de « ne pas faire de vagues ». Pareille attitude est à la fois la cause et la conséquence de son déficit de légitimité dans ces territoires.

En réalité, nous avons du mal à échapper au couple culpabilité-réparation, sur lequel se sont fondées les relations politiques et économiques entre la métropole et les territoires ultramarins. Il n’est, dès lors, pas vraiment étonnant que l’opinion publique hexagonale soit partagée entre compassion et exaspération.

L’évocation de l’outre-mer se fait trop souvent en termes de chômage, d’insécurité, d’échec scolaire, de drogues, de catastrophes climatiques, sans doute pour mieux justifier qu’il coûte cher à la France. Cependant, prenons garde à ne pas laisser croire qu’il est plus une charge qu’un profit.

Les outre-mer sont non pas des vestiges du passé, mais des acteurs du futur. Au lieu de ne voir que les contingences de l’histoire, les Français doivent considérer l’ouverture au monde qu’ils représentent. Ces territoires propulsent notre pays au troisième rang des puissances maritimes mondiales, lui procurent l’essentiel de son patrimoine écologique, contribuent de façon significative à l’élaboration de sa puissance spatiale et nucléaire, lui assurent notoriété et sympathie dans les bassins régionaux voisins.

L’outre-mer est donc une chance pour la France, tout comme la France est une chance pour l’outre-mer. Je crois que les populations ultramarines doivent le reconnaître. Elles éprouvent aujourd’hui un certain ressentiment à l’égard de la République, sans doute en raison des souffrances et de l’humiliation infligées par la colonisation, mais peut-être est-il temps de sortir des vieux schémas et d’une rhétorique ancienne qui, loin de faire progresser la cause des outre-mer, conduisent à exacerber les tensions et à diviser les peuples. Ce n’est pas en défiant la République française que la compassion et l’exaspération de certains se mueront en attention et en respect !

Quoi qu’il en soit, nous devons entendre le signal de détresse que les Antilles, notamment, ont adressé à la France en début d’année. Derrière la question du pouvoir d’achat à l’origine de la crise, c’est en réalité la structure de l’économie locale qui est en cause. Chacun sait qu’elle est l’héritage de la période coloniale et se caractérise par une forte concentration dans certains secteurs, de telle sorte que la concurrence joue peu et que la formation des prix n’est pas toujours transparente.

Il y a aussi la question identitaire. Elle n’est certes pas spécifique aux outre-mer, mais elle y revêt une importance toute particulière compte tenu de leur histoire.

Le Gouvernement n’est, évidemment, pas resté sourd à cet appel : une loi pour le développement économique des outre-mer a été adoptée en mai dernier, tandis que des états généraux étaient lancés, dont les conclusions ont été rendues début octobre.

Le Sénat a également souhaité apporter sa contribution. Le rapport établi au nom de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, présidée par Serge Larcher, avance des propositions concrètes et intéressantes. Les leviers d’action sont nombreux : réappropriation de l’économie par le soutien aux initiatives locales, transparence des prix, continuité territoriale, égal accès aux soins, formation et insertion professionnelle des jeunes, projets structurants, etc.

Il nous faut aussi travailler encore sur la mémoire, en regardant en face cette histoire commune : entre la France et les outre-mer, c’est finalement une histoire de passions. Il y a là une superbe page à écrire, celle de la diversité culturelle, où l’État français doit tenir toute sa place, rien que sa place.

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