Quant au budget d'équipement des forces armées, il est essentiel qu'il ne fasse pas l'objet d'annulations en cours d'année. Le collectif budgétaire a permis cette année de compenser à 30 millions d'euros près - c'est peu, eu égard à la masse des crédits - les annulations qui avaient pu intervenir dans le cadre des décrets d'avance, de sorte qu'il n'y a pas eu de réduction de ce budget au cours de l'année 2004.
Madame la ministre, vous avez inscrit 75 millions d'euros d'autorisations nouvelles pour les OPEX. Celles-ci ne couvriront pas, nous en sommes parfaitement conscients, la dépense prévisible. Il faudra donc faire en sorte que les mêmes règles de budgétisation que cette année soient appliquées au cours de l'année prochaine.
En tout cas, il ne faut pas, à mon avis, allonger la durée des programmes. Un tel allongement se traduit en effet par des coûts supplémentaires et non pas simplement, contrairement à ce que l'on peut penser, par le report de la dépense dans le temps. Comme le XXVIe rapport du comité de fabrication d'armement le démontre parfaitement, les économies que l'on pense réaliser sont généralement plus que compensées par les pertes engendrées par l'obsolescence des matériels.
Après la consolidation de l'effort militaire, j'en arrive logiquement au second aspect de ce budget de la défense, à savoir la préparation de la réforme budgétaire. J'envisagerai deux questions essentielles : l'enjeu de l'application de la LOLF, c'est-à-dire la nouvelle structure du budget de la défense, d'une part, et les financements innovants, en particulier le programme des frégates de la marine, d'autre part.
La mise en place de la LOLF constitue un défi pour le ministère de la défense.
Il faut tout d'abord concilier les responsabilités financières voulues par la LOLF avec les impératifs du commandement militaire. Il ne faudrait pas faire renaître la vieille querelle de la plume et de l'épée !
Il faut ensuite rendre compatibles une approche organique, chaque chef d'état-major étant responsable de la préparation des forces, une approche opérationnelle, lorsque les forces passent sous le commandement du chef d'état-major des armées, et une approche transversale, qui vise à rendre plus efficaces certains services comme l'informatique, l'immobilier ou le parc automobile.
Permettez-moi de formuler quelques observations sur les choix déjà effectués et sur ceux qui sont en cours concernant la structuration du budget et le choix des responsables.
Le premier choix essentiel est celui de la création d'une mission unique « défense », qui couvre 77 % du budget, c'est-à-dire l'essentiel du budget du ministère, soit 35, 6 milliards d'euros.
Certains considèrent qu'une masse aussi importante ne permettrait pas le contrôle budgétaire. Personnellement, je ne suis pas sensible à cet argument. Je considère en effet que le Parlement retrouvera au contraire, dans le cadre de cette mission, la possibilité d'amender la répartition des crédits entre fonctionnement et investissement. Je ne pense donc pas qu'il y ait là un capitis diminutio.
Le choix fondamental, dans le cadre de cette mission « défense », est l'existence de deux grands programmes : le programme 2 « Préparation et emploi des forces », qui pèse 21 milliards d'euros de crédits et le programme 3 « Equipement des forces », qui représente 10 milliards d'euros de crédits.
Il me paraît essentiel que la frontière entre les dépenses d'équipement, l'ancien titre V, et le nouveau programme « Equipement des forces » ait été revue. On va sortir du titre V actuel les crédits de maintien en condition matérielle des équipements et les munitions.
C'est une bonne chose. Il faut que cesse un jour en comptabilité nationale, à Eurostat et, par voie de conséquence, pour les critères de Maastricht, cette fiction consistant à considérer les dépenses d'équipement militaire comme des dépenses de consommation courante ! Ces dépenses s'étalent dans le temps, et il faudra les traiter comme telles dans le cadre budgétaire.
La question de la responsabilité est évidemment posée. Vous avez choisi à juste titre, madame le ministre, de confier au chef d'état-major des armées le pouvoir d'arbitrage entre les différences actions pour le programme « Préparation et soutien des forces » ; pour le programme « Equipement des forces », ce sera une co-responsabilité partagée entre le chef d'état-major des armées et le délégué général à l'armement. Certains s'étonnent de cette dualité. Pourtant, il est bon que le chef d'état-major des armées soit présent dans les deux cas.
Je me permets néanmoins d'attirer votre attention sur une difficulté, madame le ministre. Cette fonction de responsabilité n'est acceptable que si elle est comprise comme une fonction décisionnelle de haut niveau éclairée par le conseil des systèmes de forces judicieusement mis en place. Les responsables de budgets opérationnels de programme qui, dans les autres ministères, n'ont qu'une fonction interne à l'administration, devraient alors conserver, me semble-t-il, une place éminente de « gouverneurs de crédits » soumis en tant que tels au contrôle du Parlement. C'est peut-être là un étage supplémentaire dans l'organisation de la loi organique relative aux lois de finances ; mais, compte tenu de l'organisation des forces armées, cela me paraît nécessaire.
Pour terminer, j'envisagerai le problème des financements innovants. C'est toute la question du financement des investissements. Et vous savez, mes chers collègues, que le budget de la marine a toujours fait preuve d'innovation en ce domaine. La distinction entre autorisations de programme et crédits de paiement date de l'avant-guerre, et elle a été opérée dans le cadre du budget de la marine.
Or, ici, nous avons une difficulté essentielle. Il s'agit aujourd'hui de lisser dans le temps le paiement du programme des frégates multi-missions pour lequel est ouverte dans ce budget une autorisation de programme de 1, 7 milliard d'euros, ce qui portera in fine la provision globale à 4, 4 milliards d'euros par mobilisation pour l'essentiel « d'autorisations de programme des années antérieures dormantes », c'est-à-dire non affectées. Or, cet énorme programme n'est pas doté d'un échéancier de crédits de paiement !
Ce programme, qui fera prochainement l'objet d'un arbitrage du Premier ministre, soulève trois problèmes.
Il pose tout d'abord un problème d'équipement militaire : la construction de huit frégates dans un premier temps - dix-sept frégates, à terme -, en partenariat avec l'Italie, est nécessaire au renouvellement de la flotte de surface et à la restauration de ses capacités opérationnelles. Il faut savoir que les frégates actuelles n'ont pas fait l'objet de refonte à mi-vie. Ces huit premières frégates multi-missions sont de plus indispensables à la sécurité du groupe aéronaval ainsi que des SNLE lors du passage du goulet de Brest.
Ce programme pose également un problème économique : la réalisation avec l'Italie de ce plan de dix-sept frégates nous permettra d'avoir des coûts substantiellement plus bas.
Ce programme pose enfin un problème financier parce que la marine, qui a pris en charge une partie des dépenses de restructuration de la direction des constructions navales, n'aura plus les crédits nécessaires pour ce plan.
D'où l'idée d'un étalement des paiements qui pourrait se faire par l'absence d'un paiement d'acompte avant la livraison et peut-être, après la livraison, par un étalement sur une dizaine, voire une vingtaine d'années. L'arbitrage devra être pris rapidement par le Premier ministre.
A cet égard, la position de la commission des finances est la suivante.
Premièrement, ce financement lissé ne doit pas être une facilité. Il doit avoir comme contrepartie des coûts et des avantages importants. Si la direction des constructions navales s'engage à prendre à sa charge, pendant six ans, certains risques d'indisponibilité, nous pouvons aller dans cette direction...