Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 6 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Défense

Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier les deux rapporteurs spéciaux pour la qualité de la présentation de leurs exposés. Je vais essayer de répondre à leurs questions en me situant à chaque fois dans le contexte de la politique que j'entends mettre en oeuvre.

L'actualité de ces dernières semaines est venue confirmer l'absolue nécessité pour notre pays d'avoir une défense susceptible de protéger notre territoire, mais également nos concitoyens, où qu'ils se trouvent dans le monde. Je tiens à remercier la Haute Assemblée du soutien qu'elle a apporté aux militaires français qui se trouvent en Côte d'Ivoire et qui ont eu à faire face à des épreuves particulièrement difficiles, que ce soit, d'une part, l'attaque totalement injustifiée et délibérée contre notre position à Bouaké et, d'autre part, les difficultés rencontrées pour venir en aide à nos compatriotes et à l'ensemble des étrangers qui ont été victimes d'exactions, de vols, de pillages ou de viols au cours des journées d'insurrection qui ont secoué Abidjan.

Votre reconnaissance, votre action sont, pour les militaires qui se trouvent dans ces conditions difficiles, un soutien important, et je vous en remercie.

Ce budget intervient donc dans un contexte qui, au-delà même de la Côte d'Ivoire, est celui d'un monde instable, d'un monde dangereux.

Le budget de la défense fait, depuis 2002, l'objet d'un effort tout particulier de la part de la nation. C'est important pour nous et cela a des répercussions qui dépassent le domaine militaire, puisque ce budget est également l'un des éléments qui contribuent à la crédibilité de notre pays sur le plan international et qui nous permet de jouer un rôle majeur dans la construction de l'Europe de la défense, laquelle a fait un bond qualitatif considérable depuis 2002. C'est également un élément important pour l'économie française, même si cela n'a été abordé qu'indirectement jusqu'ici, puisqu'il est évident que tout ce qui est matériel, tout ce qui concerne l'entretien fournit des activités à nos entreprises et, par conséquent, des emplois.

Vos questions portent sur deux sujets. Tout d'abord, ce budget permet-il de répondre à l'accomplissement des missions qui nous sont confiées et, ensuite, comment s'inscrit-il dans la nouvelle définition des budgets de l'Etat. J'essaierai donc de répondre à ces deux grandes catégories de questions.

Pour la première fois de toute l'existence des lois de programmation militaire, le projet de loi de finances pour 2005 respecte totalement, pour la troisième année consécutive, le projet de loi de programmation militaire.

C'est la constance de cet effort qui nous permet de poursuivre la modernisation et le renforcement de notre outil de défense.

Nous le faisons sous différentes formes. M. Fréville m'a interrogée sur notre effort en matière de dissuasion. Ce dernier est bien moins important qu'il y a quelques années, puisque nous sommes aujourd'hui à environ un peu moins de 20 % du titre V alors que nous étions largement au double voilà encore quelques années ; il convient de poursuivre cet effort. D'abord parce que, en matière de dissuasion, une pause n'a pas de sens dans la mesure où il faut entretenir et renouveler les matériels afin d'éviter leur obsolescence.

Au-delà, le but même de la dissuasion, c'est d'avoir une crédibilité qui dissuade d'éventuels adversaires de porter atteinte à nos intérêts vitaux. Cela nous oblige donc à aller dans le sens d'une modernisation qui permet de rendre cette dissuasion totalement crédible.

Le problème du M 51, c'est moins la miniaturisation que l'allongement de la portée de ce missile et la précision de ce dernier.

Aujourd'hui, nous avons en face de nous des gens qui, nous connaissant bien, peuvent se dire que, pour préserver des millions de vies, nous hésiterons à répondre à une attaque. Or, l'hésitation est quelque chose de mortel. A partir du moment où ces gens savent que nous possédons des missiles d'une grande précision, pouvant donc nous permettre de viser leur propre centre de pouvoir et de décision en évitant les dégâts très larges qui ne manqueraient de se produire autour, ils savent aussi que nous n'hésiterons pas à faire usage de cette arme. C'est là où notre crédibilité est plus grande.

Le M 51 nous permet de répondre à ce besoin, de conserver notre crédibilité et une totale efficacité de notre dissuasion.

Avons-nous tiré les conséquences de 2001, m'a-t-on demandé monsieur le sénateur ? Oui, nous les avons tirées, et ce d'autant plus que nous étions, avant même 2001, pratiquement les seuls à attirer l'attention sur le risque d'attentats de ce type. Nous le faisions parce que la France a été le premier pays occidental à être victime sur son propre territoire d'attentats de masse, en 1986 et en 1996.

C'est pourquoi, dans notre modèle d'armée 2015, nous avons intégré ce genre de choses et, bien entendu, au fur et à mesure, nous tenons toujours compte et des retours d'expérience et des besoins qui peuvent exister.

Nous faisons donc ce qu'il faut pour prendre en compte la totalité des problèmes de lutte contre le terrorisme. La lutte contre le terrorisme, ce sont des moyens militaires, des moyens policiers, des moyens diplomatiques, des moyens financiers et douaniers, et également des moyens humains d'aide au développement d'un certain nombre de pays. S'agissant de ce dernier point, n'oublions jamais que le terrorisme s'appuie sur la notion d'injustice et, notamment, sur les écarts de développement qui peuvent exister entre certains pays. C'est la raison pour laquelle le Président de la République insiste beaucoup sur la nécessité d'aider au développement d'un certain nombre de pays.

Mais, en attendant, il est vrai aussi que nous devons nous protéger. Nous ne pouvons donc pas éliminer l'option militaire. Pour les opérations que nous menons en Afghanistan, en particulier dans le sud de ce pays, ou dans la corne de l'Afrique, avec nos moyens maritimes, il est indispensable de disposer des matériels nécessaires. Les 15, 3 milliards d'euros d'autorisations de programme doivent le permettre.

Bien entendu, ces autorisations de programme ouvrent des perspectives dans le cadre de la loi de programmation militaire, mais nous ne pouvons aujourd'hui utiliser que les matériels dont nous disposons, ce qui implique que nous fassions un effort tout particulier pour leur maintien en condition opérationnelle, sujet que vous avez également évoqué.

Comme cela a été dit, un redressement important de nos matériels était nécessaire. Les efforts que nous faisons se traduisent dans les faits avec un redressement de disponibilité de 8 % pour la flotte de surface, de 5 % pour les avions de combat et un redressement en OPEX pour le matériel de l'armée de terre, probablement le plus vieillissant, qui atteint quand même 90 %.

Monsieur Fréville, vous m'avez demandé si l'on ne pouvait pas faire pour l'armée de terre une SIMMAT, à l'image de la SIMMAD. L'idée a été abandonnée en 2002, mais la direction centrale qui s'occupe du matériel de l'armée de terre est en pleine réorganisation pour obtenir exactement les mêmes résultats.

Sur le plan financier, l'effort que nous avons fait en 2004 se poursuivra en 2005. De ce point de vue, nous devrons poursuivre cet effort sur une longue durée.

Monsieur Trucy, vous avez parlé, au-delà des matériels, de l'activité, en soulignant que ce domaine avait connu certaines difficultés en 2004. Ces dernières tiennent essentiellement, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, au fait qu'il nous a été demandé de faire la trésorerie des OPEX cette année, ce qui a représenté un effort particulièrement lourd. L'armée de terre, notamment, qui est la première a être sollicitée par les OPEX, a dû prendre sur ses activités de quoi assurer la trésorerie des OPEX.

Au remboursement partiel des OPEX en 2003, s'ajoutait l'absence de budgétisation, et tout cela a effectivement entraîné la suppression d'un certain nombre d'exercices qui étaient jugés comme moins prioritaires ou moins essentiels. Cette situation n'est bien entendu pas satisfaisante ; c'est la raison pour laquelle, en 2005, elle sera améliorée.

Elle le sera d'abord grâce un remboursement intégral des OPEX, si vous voulez bien voter la loi de finances rectificative qui le prévoit.

Par ailleurs, avec l'aide de la Haute Assemblée - je tiens d'ailleurs à l'en remercier -, seront inscrits dès le début de 2005, sur la ligne budgétaire OPEX, 100 millions d'euros, qui vont apporter une certaine souplesse.

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