Les prérogatives et les responsabilités de l'INC ont été réduites, pour faire de l'institut un service purement technique de recherche, qui réalise des études comparatives. Cette tâche est, en soi, très utile, mais la capacité d'expression autonome de l'INC a pratiquement disparu, tandis que les associations de consommateurs se sont multipliées. La fonction de défense des consommateurs a même été confiée à des syndicats de producteurs, ouvriers notamment, ce qui est tout bonnement ridicule !
Je me souviens m'être attaqué jadis aux pneus Michelin, et avoir vu alors défiler dans mon bureau les syndicalistes de cette entreprise, qui me reprochaient de ruiner leur travail. Je leur ai répondu qu'un défenseur des consommateurs devait tout de même se soucier des accidents mortels qui se produisent sur les routes ! Confier la défense des consommateurs aux producteurs est tout à fait équivoque.
Dès lors que l'on multiplie les organismes investis d'une même mission d'intérêt général, ceux-ci passent plus de temps à se concurrencer les uns les autres qu'à faire progresser la cause qui leur a été confiée. Il s'agit là d'un phénomène habituel dans notre pays, que nous pouvons observer également dans le syndicalisme, et dont les associations de consommateurs fournissent un autre exemple.
Mes chers collègues, vous noterez que les actions consuméristes ont pratiquement disparu depuis bon nombre d'années. Je dois, toutefois, rendre hommage à Que Choisir ?, qui est restée une authentique association de consommateurs, menant des actions courageuses, mais c'est l'exception qui confirme la règle.
Nous n'entendons jamais parler des autres organisations de consommateurs, dont les actions locales sont utiles, certes, mais qui ne mènent plus de combats nationaux. Le consumérisme s'affaiblit donc à l'échelle du pays, ce qui est une grande erreur dans un régime économique que nous voulons - du moins je le souhaite, pour ma part - libéral.
Une économie libérale repose sur la compétition, qui doit s'établir non seulement entre les entreprises qui produisent, mais aussi entre les consommateurs et les producteurs, dont la confrontation améliore le rapport qualité- prix des biens. Dès lors que l'un des deux compétiteurs est affaibli, ou même n'existe plus, la confrontation ne se produit pas et nous assistons à des dérives semblables à celle que celle que j'ai évoquée, et qui est désolante.
Monsieur le garde des sceaux, je me permets de vous suggérer de revoir le statut de l'INC, afin de lui restituer certaines des prérogatives qui lui avaient été confiées à l'origine par M. Michel Debré. Cela ne serait pas très difficile à réaliser.
Une telle démarche rendrait un grand service à la cause des consommateurs, qui, encore une fois, me paraît être d'intérêt général.