Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 30 mars 2006 à 9h30
Garantie de la conformité du bien au contrat — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il arrive qu'une commissaire aux finances s'intéresse au droit de la consommation. Vous allez comprendre assez rapidement pourquoi !

Nous devons aujourd'hui nous prononcer sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 17 février 2005 qui est une transposition de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 tendant à harmoniser, sur certains points, le droit de la consommation.

L'objet de l'ordonnance est d'offrir au consommateur, lorsqu'il acquiert un bien auprès d'un professionnel, la possibilité d'intenter simplement une action en responsabilité contractuelle contre le vendeur dans l'hypothèse où le bien ne correspond pas à ce qu'il est en droit attendre. C'est ce qu'on appelle la garantie de conformité.

Déposé devant le bureau de l'Assemblée nationale, le 7 mai 2005, soit il y a près d'un an, le projet de loi de ratification n'a été examiné par l'Assemblée nationale que le 22 mars dernier. Bizarrerie du calendrier parlementaire, une semaine après, le Sénat en débat aujourd'hui, en raison sans doute de la condamnation de la France, par la Cour de justice des Communautés européennes, le 14 mars 2006, pour défaut de transposition, à une astreinte de 31 650 euros par jour.

L'ordonnance prévoit un nouveau régime qui pourrait remplacer les deux actions actuelles - l'action en garantie de conformité du bien au contrat et l'action en délivrance conforme - par une seule action. Or la transposition ne tend à modifier que le code de la consommation. Il s'agit d'une transposition libérale.

Il me semble pourtant que la directive unifie le régime de l'action en gommant la distinction entre l'action en garantie des vices cachés et l'action pour délivrance non conforme, ce qui modifie le code civil et le code de la consommation. Le choix qui a été opéré consiste à ne modifier que le code de la consommation.

Or je ne sais pas si une telle démarche est vraiment conforme à l'esprit de la directive, dont l'objet est d'assurer la protection du consommateur. C'est d'ailleurs dans cet objectif que mon groupe votera ce projet de loi, et ce d'autant que l'Assemblée nationale a renforcé encore les dispositions protectrices.

La philosophie à laquelle j'adhère me semble différente de celle de M. Fauchon. C'est souvent de la législation européenne que découle l'amélioration des droits des consommateurs. L'Assemblée nationale les a renforcés puisque l'article 2 du projet de loi, tel qu'il a été rédigé à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, a pour objet de modifier l'actuel article 1386-7 du code civil, selon lequel, si le producteur de biens est inconnu du consommateur, c'est le vendeur qui est responsable. L'article 2 modifie les conditions d'exonération de la responsabilité du fournisseur en cas de défaut de sécurité du produit qu'il a fourni. M. Fauchon n'a peut-être pas lu la dernière version de l'Assemblée nationale !

Cet article prévoit que, de la même manière, si le producteur du bien est inconnu du consommateur, c'est le vendeur qui est responsable à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.

Il crée donc un nouveau cas de responsabilité qui devrait permettre aux consommateurs de se défendre plus efficacement.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel, devenu l'article 3, selon lequel il est prévu d'étendre aux contrats de réparation la prorogation de la durée de garantie commerciale offerte par le vendeur lorsque la remise en état du bien vendu ne peut intervenir rapidement.

Toutes ces mesures vont dans le sens d'une amélioration des droits du consommateur. On peut toutefois s'interroger à trois égards.

Tout d'abord, le dernier vendeur de la chaîne peut courir un risque, car il est souvent fragilisé. Il s'agit souvent d'une PME, voire d'une toute petite entreprise, d'un artisan, d'un franchisé ou d'un concessionnaire, qui a peu de recours par rapport au fournisseur ou au producteur.

Ensuite, on aurait pu choisir d'unifier le code de la consommation et le code civil. Pourquoi laisser coexister trois actions ? Cela peut paraître surabondant !

Enfin, il subsiste une interrogation sur le contenu de la présomption de connaissance du consommateur. L'article L. 211-8 prévu par l'ordonnance pour le code de la consommation dispose : « L'acheteur est en droit d'exiger la conformité du bien au contrat. Il ne peut cependant contester la conformité en invoquant un défaut qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer lorsqu'il a contracté. » Nous verrons quel sera le contenu que la jurisprudence donnera à cette notion.

En conclusion, le dispositif prévu s'inscrit dans le droit fil des réflexions relatives à la consommation, qui sont entamées depuis de nombreuses années.

Sous le gouvernement de Lionel Jospin, en 2002, un groupe de travail avait été chargé de réfléchir à la transposition de la directive. Nous y arrivons. Il s'était plutôt prononcé en faveur d'une action nouvelle unique en garantie de conformité alors que trois actions sont maintenant prévues.

En conclusion, l'ordonnance constitue un progrès pour le consommateur, et la nécessité de transposer la directive, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, ne laissait, en termes de délai, que peu de marge de manoeuvre à la discussion.

Par ailleurs, il me semble que les consommateurs sont aujourd'hui encore démunis pour faire respecter leurs droits. Je sais que le président de la commission a organisé sur ce sujet une table ronde, il y a quelques semaines, ici même.

En conséquence, mon collègue Richard Yung, membre de la commission des lois, l'ensemble du groupe socialiste et moi-même pensons qu'une réflexion tendant à améliorer les outils de défense des consommateurs s'impose dans les litiges opposant notamment les consommateurs aux professionnels.

La réflexion du groupe de travail, mis en place à la demande du Président de la République, sur ce que nous appelons le recours collectif, et sur ce que d'autres nomment l'action collective, doit se poursuivre. Nous déposerons une proposition de loi sur ce sujet.

Les consommateurs sont confrontés à de vraies difficultés, notamment à la multiplication de petits litiges ; on ne peut pas les laisser dans une telle situation !

J'espère que l'occasion qui nous est donnée ici de débattre de ce sujet se renouvellera. Un tel problème ne connaît pas, me semble-t-il, les différences partisanes.

Des actions récentes sont présentes à notre esprit. Nous devons améliorer les droits des consommateurs pour aider ces derniers à mieux se défendre. Je pense que le recours collectif en constituera un moyen.

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