Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 30 mars 2006 à 9h30
Engagement national pour le logement — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur, vous êtes aujourd'hui saisis en deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement, texte que vous connaissez bien, pour avoir, voilà peu de temps, passé de nombreuses heures à l'examiner.

Si vous l'aviez déjà fortement enrichi, les députés en ont fait de même, en ajoutant une trentaine de nouveaux articles. Le texte qui revient en discussion aujourd'hui au Sénat comporte quatre-vingt-dix articles : sur cet ensemble, douze articles ont été votés conformes et n'ont plus à être examinés. L'essentiel du travail n'est donc pas terminé. Mais, finalement, nous ne pouvons que nous en réjouir. Si nous n'avons pas demandé l'urgence sur un sujet aussi important que le logement, c'est parce que nous pensons qu'une deuxième lecture donnera au Parlement, notamment au Sénat, un temps précieux d'approfondissement et de mise au point finale de ce texte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de revenir quelques instants sur les objectifs du Gouvernement, que j'ai déjà eu l'occasion de présenter.

Nous sommes dans une situation de crise du logement, en raison des retards de construction accumulés tout au long de la précédente décennie et observés pour toutes les formes d'habitat et pour tous les secteurs. La réponse essentielle à cette situation ne peut donc que résider dans un accroissement massif de l'offre nouvelle de logements.

Tel est bien le fond de l'ensemble de notre politique de l'habitat, en complémentarité avec le programme de rénovation urbaine, qui consiste à améliorer radicalement, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, la situation du logement dans nos quartiers.

Ce développement de l'offre doit toucher l'ensemble des segments de la chaîne du logement, car les besoins sont importants sur chacun d'entre eux, qu'il s'agisse de l'hébergement d'urgence, du logement social, du locatif intermédiaire, de l'accession sociale et du secteur libre.

À cette fin, la politique que nous avons mise en place, avec des moyens financiers importants et la mobilisation de tous les partenaires, a donné des résultats tangibles.

Ainsi, en 2005, plus de 80 000 logements sociaux ont été financés, soit le double par rapport à 2000. Conformément aux objectifs inscrits dans de la loi de programmation pour la cohésion sociale et afin de pouvoir rattraper le retard accumulé, il est maintenant nécessaire de faire passer la production annuelle de tels logements de 80 000 à 100 000, puis à 120 000 dans trois ans.

Dans le domaine de l'accession à la propriété, nous avons amélioré considérablement les conditions d'accès aux prêts à taux zéro, dont le nombre est passé de 80 000 en 2004 à 200 000 en 2005.

En outre, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, a financé près de 30 000 nouveaux logements locatifs privés à loyers maîtrisés.

En définitive, le plan de cohésion sociale est donc mis en oeuvre de manière très précise. Je tiens à le souligner, car je me souviens très bien de mes propos lors de la présentation du plan de cohésion sociale devant la Haute Assemblée. En évoquant les logements sociaux et les seuils fixés, à savoir 80 000, puis 100 000, puis 120 000, dont 20 000 aidés par l'ANAH, j'avais rappelé que certains m'avaient comparé à Harry Potter, car, selon eux, lui seul aurait pu promettre de tels objectifs prétendument inatteignables ! Or, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes bien en train de réussir !

Globalement, car le logement est un tout, selon les derniers chiffres connus, la construction de logements est passée de 277 000 voilà huit ans à 310 000 il y a quelques années, puis à 412 000 en 2005, et le nombre de logements autorisés atteint aujourd'hui 512 000. Personne ne peut le contester, cela représente un niveau inégalé en France depuis vingt-cinq ans.

Mais il nous faut aller plus loin si nous voulons réellement répondre aux besoins dans la durée. Il s'agit de prendre toutes les mesures complémentaires indispensables pour passer à une production annuelle de 500 000 logements, pour obtenir un triplement des logements sociaux dans les trois ans, conformément, d'ailleurs, à la loi de programmation pour la cohésion sociale, et, enfin, pour intervenir sur 60 000 logements par an dans le parc privé, dont 40 000 logements conventionnés, c'est-à-dire sociaux.

Telle est l'ambition du pacte national pour le logement, dont certains outils sont déjà mis en oeuvre : la délégation interministérielle, l'allongement à cinquante ans des prêts bonifiés accordés par la Caisse des dépôts et consignations, la dissociation du foncier et de la partie construction.

Il s'agit, d'abord, de libérer du foncier, pour pouvoir construire. Un inventaire des terrains de l'État disponibles a été fait, qui permettront la construction de 30 000 logements, dont plus de la moitié en Île-de-France.

Des prêts fonciers ont été mis en place par la Caisse des dépôts et consignations. Trois opérations d'intérêt national, comportant une forte dimension logement, sont d'ores et déjà lancées en Île-de-France, à la suite de la décision prise lors du Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires du 6 mars dernier.

Le taux des prêts a été réduit au cours de l'année et leur durée allongée. À cet égard, 328 communes d'Île-de-France ont été transférées de la zone 2 à la zone 1, ce qui permet d'améliorer grandement les conditions de financement de ces opérations.

Par conséquent, chacun le reconnaît, les moyens financiers nécessaires pour construire sont en place.

Il s'agit, ensuite, de maîtriser la charge des loyers. La mise en place, depuis le 1er janvier dernier, du nouvel indice de révision des loyers évitera des variations conjoncturelles erratiques de ces révisions. Même si la situation évolue en réalité assez peu sur une longue période, nous éviterons ainsi d'avoir à déplorer des évolutions brutales.

Il s'agit, encore, de répondre à l'urgence des mal logés : d'une part, le programme national de travaux de sécurité pour les centres d'hébergement d'urgence a été financé ; d'autre part, le lancement des programmes de construction de places d'urgence et de résidences hôtelières à vocation sociale a été adopté dans le cadre de l'ordonnance « lutte contre l'habitat indigne ».

Comme ce rapide inventaire l'a mis en évidence, nous restons extrêmement actifs sur le front du logement, ce qui explique les résultats heureux actuellement observés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque chacun, ici, connaît bien le contenu de ce projet de loi, je me contenterai de résumer les principales mesures envisagées.

L'idée centrale est de répondre à une demande formulée par les collectivités locales depuis vingt ou trente ans : d'une manière générale, il faut rendre rationnel l'acte de construire pour tous, et ce sur tous les plans, qu'il s'agisse du financement, des décisions, des recours et de la fiscalité.

À cet égard, la première mesure demandée par toutes les collectivités porte sur le remboursement aux collectivités, dès la première année, de l'exonération de TFPB, la taxe foncière sur les propriétés bâties, dont bénéficient les opérations de logement social.

La deuxième mesure est la possibilité offerte aux collectivités de majorer la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains constructibles, lorsque les tensions du marché sont fortes.

La troisième mesure, elle aussi largement demandée, concerne la baisse de la TVA à 5, 5 % pour l'accession sociale à la propriété dans les quartiers en rénovation urbaine. Vous le savez, l'allongement de la durée des prêts de la Caisse des dépôts et consignations et la baisse des taux nous permettent de lancer les opérations souhaitées, notamment la maison à 100 000 euros ou l'appartement à 80 000 euros, avec un prix de remboursement en acquisition sociale égal au coût total du loyer dans un organisme HLM. Le tout est bien entendu soumis à des conditions de ressources au moins aussi strictes que dans le locatif social.

La quatrième mesure vise à créer un nouveau produit d'investissement locatif intermédiaire, que certains ont appelé le « Borloo populaire » et qui correspond à une demande unanime. Le dispositif Robien est maintenu : nous avons bien conscience que son succès a permis de relancer le logement, mais cet outil doit être quelque peu recentré. En complément, nous avons en effet besoin d'un produit complémentaire, qui tienne compte, à la fois, des plafonds de ressources et des efforts sur les loyers faits par les propriétaires.

La cinquième mesure est la déduction forfaitaire de 30 % pour les logements vacants remis sur le marché avant 2007. Il s'agit d'une opération ponctuelle, pour inciter les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché.

La sixième mesure vise à l'élargissement du rôle de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, afin qu'elle développe le conventionnement sans travaux dans le parc locatif existant.

La septième disposition a pour objet l'interdiction des coupures d'eau, d'électricité et de gaz pour les ménages en grande difficulté pendant la période d'hiver.

La huitième et dernière mesure est le renforcement des mécanismes d'attribution de logements sociaux en faveur des ménages les plus défavorisés.

Enfin, un article du projet de loi prévoit les principes d'une réforme des sociétés anonymes de crédit immobilier, afin d'amplifier leurs actions d'intérêt général, notamment en matière d'accession sociale à la propriété, et les moyens financiers qu'elles y consacrent. Nous sommes convenus, avec les parlementaires, qu'un travail devait être conduit avec un comité des sages, travail qui a été engagé entre la première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale et la deuxième lecture au Sénat. Nous voulons aborder cette question dans une totale transparence et préciser le projet de cette famille du logement social.

Grâce aux débats qui ont eu lieu au cours des premières lectures, c'est donc un projet de loi complet qui vous est soumis. Dans la continuité de l'ensemble du programme de logement français, il apporte des réponses nombreuses et pertinentes aux facteurs qui actuellement freinent la mise en oeuvre de notre politique du logement.

Nous avons la volonté de surmonter ces derniers et nous sommes sur la voie de la réussite. Le projet de loi portant engagement national pour le logement nous permettra d'avancer plus vite sur cette voie. Il apporte les compléments attendus.

Je rappelle que le logement est l'un des trois facteurs clés contribuant à l'équilibre de toute personne et de toute famille. Tous les piliers de ce secteur doivent faire l'objet d'améliorations. Ils constituent une sorte de chaîne et ne peuvent pas être opposés les uns aux autres.

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