Intervention de Daniel Dubois

Réunion du 30 mars 2006 à 9h30
Engagement national pour le logement — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Daniel DuboisDaniel Dubois :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer l'esprit de dialogue dont a fait preuve notre rapporteur, qui a eu, parfois, à gérer des allers-retours délicats et qui a constamment gardé le souci de l'équilibre ainsi que le sens de sa propre responsabilité et de ses convictions.

Nous voici réunis pour l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement. Le mot « engagement » souligne sans équivoque la volonté forte du Gouvernement de sortir de la crise du logement que notre pays connaît depuis de trop nombreuses années.

La politique du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, porte aujourd'hui ses fruits : alors que l'on construisait environ 300 000 logements en 2000, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, ce chiffre dépasse aujourd'hui la barre des 400 000.

En matière de logement social, nous sommes passés de 42 000 logements construits en 2000 à 80 000 en 2005, même si le logement dit intermédiaire, financé en PLS, c'est-à-dire en prêt locatif social, y tient une place non négligeable.

Les efforts que vous avez entrepris méritent donc d'être salués.

C'est aussi le cas pour la politique que vous menez en faveur des zones urbaines sensibles avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Nous savons que votre tâche est difficile et que vos objectifs sont ambitieux. La crise des banlieues nous a rappelé, s'il en était besoin, qu'il était urgent de s'engager dans cette voie.

Vous savez, monsieur le ministre, pouvoir compter sur le soutien du groupe UC-UDF pour toutes ces actions.

Cependant, au-delà du projet de loi qui nous est soumis, il me paraît essentiel de rappeler quelques principes sur lesquels doit s'appuyer une politique du logement. Ils sont à mes yeux au nombre de trois : l'équilibre, la durée et la simplification.

Je tiens, en particulier, à insister sur la notion d'équilibre, qui doit guider nos réflexions et nos décisions.

L'équilibre, c'est, tout d'abord, l'équilibre entre l'offre et la demande.

Nous savons aujourd'hui que, pour sortir de la crise que nous traversons, il faut retrouver un équilibre entre l'offre et la demande et, surtout, sortir de la pénurie d'offre qui est l'objectif principal des politiques du logement de ces trois dernières années.

Le Gouvernement a entrepris de rattraper le retard pour retrouver cet équilibre indispensable, qui constitue sans aucun doute la clef de tous nos maux.

Toutefois, cet équilibre doit aussi se combiner avec l'équilibre entre la location et l'accession à la propriété, qui s'inscrit dans l'objectif du parcours résidentiel, lequel est lui-même une composante du droit au logement.

Le logement est indiscutablement un élément majeur de cohésion sociale. Avoir un toit, c'est l'assurance d'avoir une existence sociale, c'est le cadre de vie et d'expression d'une famille.

Offrir à tous un cadre propice au parcours résidentiel passe donc par cet équilibre entre la location et l'accession à la propriété, cette dernière en constituant l'aboutissement.

C'est pourquoi, vous le comprendrez, je serai très attentif au débat concernant l'article 55 de la loi SRU.

Vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur : la France est aussi l'un des pays européens où le taux de propriétaires est le plus faible. Elle ne compte en effet que 56 % de propriétaires, contre 74 % en Grèce, 78 % en Irlande ou encore 83 % en Espagne, pour ne prendre que ces exemples.

Il faut rattraper ce retard sans pour autant faire de la propriété l'unique objectif de nos politiques du logement et, surtout, en évitant d'opposer accession et location.

Aujourd'hui, mes chers collègues, vous n'ignorez pas que le prix du logement neuf a augmenté en moyenne de plus de 50 % en dix ans et qu'il est désormais impossible, en accession ou en location, de construire à moins de 1 000 euros le mètre carré habitable.

C'est pourquoi il me paraît incontournable aujourd'hui de soutenir, comme vous le faites, l'accession pour les primo-accédants afin d'offrir à toute personne la possibilité de réaliser son propre parcours résidentiel. Le prêt à taux zéro mais aussi la TVA à 5, 5 % en sont des outils moteurs.

Il est un autre équilibre indispensable : l'équilibre entre le privé et le public. Les deux domaines d'activités sont complémentaires et les opérateurs qui y expriment leur savoir-faire sont tous des acteurs du parcours résidentiel, comme l'est aussi le bailleur privé qui a investi dans un logement à louer.

C'est pourquoi il faut veiller, monsieur le ministre, à sauvegarder la capacité pour chacun d'agir dans un espace ouvert. C'est la raison pour laquelle notre groupe est opposé aux décisions unilatérales qui limiteraient les possibilités opérationnelles des crédits immobiliers locaux. Ils sont, grâce à leur savoir-faire, un véritable trait d'union entre l'activité privée et l'activité publique.

Quant aux sociétés d'HLM, nous sommes convaincus qu'il faut leur laisser un champ d'action suffisamment large pour qu'elles puissent rester les porteurs d'une véritable politique de mixité et de diversité sociales.

Oui, il faut stimuler la mobilité dans les logements sociaux ! Oui, il faut rompre avec les abus inacceptables qui empêchent de répondre à toutes les demandes et sollicitations les plus légitimes ! Oui, il faut faire sortir du parc social les personnes dont les revenus supporteraient largement le prix du marché privé !

Cependant, comme je le disais, il faut garder la mesure, faute de quoi nous perdrions de vue cet impératif d'équilibre social, en écartant du parc HLM les personnes dites de classe moyenne, empêchant ainsi un brassage nécessaire de population.

Notre groupe présentera donc des amendements afin d'éviter qu'après la constitution de quartiers ghettos nous ne créions petit à petit, sans y prendre garde, par la paupérisation de leur clientèle, des sociétés d'HLM ghettos.

L'équilibre doit aussi régir les droits entre propriétaires et locataires.

Au risque de paraître iconoclaste, j'estime que les solutions pour dépasser cette crise du logement résident également dans cet équilibre. Il s'agit sans aucun doute de l'équilibre le plus délicat à trouver, dans la mesure où il touche à deux principes constitutionnellement protégés, à savoir le respect de la propriété privée et le respect du droit au logement.

En tout état de cause, c'est à l'État d'assurer ce droit au logement sans faire porter cette responsabilité de façon un peu insidieuse aux collectivités territoriales ou aux structures HLM.

C'est faute de direction claire et précise dans ce domaine que nous laisserons libre court à des comportements de repli à la fois des propriétaires-bailleurs et des locataires.

Le logement est aussi un outil d'aménagement du territoire. J'en viens donc à l'équilibre qui doit régner entre le milieu urbain et le monde rural.

Les différents programmes de construction entrepris depuis quelques années ne doivent pas se faire au détriment de l'un ou de l'autre, ils doivent, au contraire, s'intégrer dans une politique d'aménagement du territoire globale et équilibrée qui n'oublie aucune de ses composantes.

En particulier, je crois capital de ne pas oublier le milieu rural, que ce soit dans la programmation des constructions ou dans l'adoption des différentes mesures que nous prenons pour encourager l'offre.

Ce constat est d'autant plus important quand on sait que 75 % de la population a droit à un logement HLM et que, dans les départements ruraux, le chiffre monte généralement à 90 %. Ces taux révèlent, si besoin en était, que la problématique du logement concerne l'ensemble des populations, que ce soit celles des agglomérations ou celles des zones rurales.

C'est pourquoi j'avais proposé de réformer le zonage. Je sais que cette évolution relève du domaine réglementaire, mais je tiens à insister sur ce déséquilibre, en particulier pour la délimitation des zones C.

En effet, sont regroupées dans ces zones des périphéries d'agglomérations qui, parfois, ont elles-mêmes des ZUS et présentent de grandes disparités, lesquelles entraînent un réel déséquilibre dans le montage financier des opérations, ce qui nécessite des participations financières des communes rurales, ainsi que la mobilisation non négligeable de fonds propres des sociétés d'HLM.

La réforme du zonage, qui, je le sais, a un coût, serait une excellente initiative en faveur du développement équilibré de notre territoire.

Le deuxième principe est celui de la durée et de la délégation.

Nous en sommes, en quatre ans, à la quatrième loi sur le logement. Est tant que législateur, nous avons la lourde responsabilité de rendre opérationnels tous les outils permettant d'augmenter et d'accélérer les rythmes de construction. C'est là, bien entendu, une évidence, mais le fait de le rappeler ne me semble pas inutile, dans la mesure où nous le perdons de vue de temps en temps.

À trop vouloir en faire, au lieu de trouver cette indispensable lisibilité sur la durée nécessaire aux opérateurs, nous créons un tissu réglementaire de plus en plus complexe, qui, parfois, freine les ambitions plutôt qu'il ne les stimule.

Il serait selon moi nécessaire que, en nous appuyant sur un diagnostic partagé, nous sachions bâtir sur la durée un cadre d'action qui s'appuiera à la fois sur la dynamique des territoires - lesquels, avec leur PLH, leur programme local de l'habitat, s'inscrivent dans de véritables stratégies de développement du logement -, sur les outils de politique foncière que sont les établissements publics fonciers qui permettent la constitution sur la durée de réserves foncières et, enfin, sur une réelle délégation des aides à la pierre.

Le troisième principe concerne, quant à lui, la simplification administrative.

Alors que plus de 500 amendements ont été déposés au Sénat pour la deuxième lecture de ce texte, je tiens à dire ici que si nous ne savons pas, comme le Gouvernement vient de le faire pour les permis de construire, simplifier les procédures, nous ne gagnerons pas la bataille de l'efficacité opérationnelle dont ont besoin les opérateurs pour construire plus et plus vite.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion