Comment ne pas déplorer le dénuement dans lequel se trouvent les exécutifs locaux qui souhaitent développer une politique volontariste en faveur du logement abordable.
Ceux-ci souffrent d'une pénurie d'outils fonciers, outils que nous souhaitons favoriser en allégeant les procédures de création, notamment sur les établissements publics fonciers locaux. Ils souffrent également d'une absence de base légale fondant la pratique de nombreuses communes, administrées souvent par des élus de gauche, mais aussi parfois de droite, tendant à imposer un minimum de logements sociaux dans chaque nouveau programme.
La crise des moyens trouve aussi sa traduction dans une baisse des capacités d'intervention foncière des communes et des EPCI en raison du renchérissement du marché de l'immobilier, avec une augmentation des prix de 25 % pour la seule année 2004, et dans l'absurdité des impôts fonciers, lesquels pénalisent les communes qui construisent et favorise celles qui détiennent du foncier constructible sans l'utiliser, en attendant une nouvelle montée des prix.
Je note néanmoins avec satisfaction deux petites avancées obtenues en première lecture : d'une part, la répartition de la plus-value, dont bénéficient en partie les communes, et, d'autre part, le système tendant à favoriser la fluidité du marché foncier. Je vous en donne acte, monsieur le ministre.
S'agissant de la crise de la dérégulation des marchés, en Île-de-France, les prix du mètre carré dans l'habitat ancien ont crû de 75 % en quatre ans dans certaines communes et les maisons ont vu leur prix doubler en cinq ans sur l'ensemble du territoire national. Or, vous en conviendrez, les revenus de nos concitoyens n'ont pas augmenté dans les mêmes proportions.
Nous constatons également une flambée des prix de l'immobilier et un emballement du marché qui aboutit au blocage des parcours résidentiels. L'inflation immobilière a engendré l'une des principales inégalités de notre République. Elle grève le pouvoir d'achat ; elle interdit à nos concitoyens le choix de leur résidence ; elle paralyse la mobilité sociale.
Le poids du logement dans le budget des ménages devient insupportable. Le prix moyen du mètre carré dans le locatif libre s'envole. Pour un ménage avec un enfant, se loger dans un trois-pièces de 75 mètres carrés représente 36 % des revenus. Nous courons le risque de l'endettement et la croissance est menacée.
Nous ne comprenons ni votre entêtement à ne pas aider davantage la pierre, et notamment le logement social, ni votre volonté de maintenir dans le dénuement les 6 millions de ménages auxquels vous refusez une revalorisation équitable des aides à la personne.
La dérégulation et la flambée des prix se sont accompagnées de la prolifération des marchands de sommeil. Des avancées sont attendues dans ce projet de loi afin de lutter contre l'habitat insalubre et indécent. Elles devront se concrétiser au travers d'outils adaptés en termes tant de gouvernance que de champ d'application.
Il n'est nul besoin de stigmatiser une fois de plus le logement social en inventant un permis de louer uniquement dans les zones urbaines sensibles qui, en général, comportent un parc de logement social bien entretenu tant par les collectivités locales que par leurs opérateurs, c'est-à-dire les organismes de logements sociaux. Lorsqu'un immeuble brûle en France, c'est rarement dans une ZUS et il s'agit tout aussi rarement de logement social.
Enfin, nous connaissons une crise de la solidarité nationale. La remise en cause, par l'Assemblée nationale, de l'article 55 de la loi SRU est inacceptable et condamnable. Il est en effet proposé que soit pris en compte pendant cinq ans, dans le calcul des 20 % de logements sociaux, les logements HLM vendus à leurs occupants, ainsi que les logements neufs en accession à la propriété financés par des aides de l'État. Bravo pour la subtilité !
À la clé, des logements extraits de facto du parc de logements sociaux disponible et des logements acquis à 2 700 euros le mètre carré à Marseille, à 4 300 euros le mètre carré à Suresnes, à 5 000 euros le mètre carré à Boulogne-Billancourt ou à 5 500 euros le mètre carré à Paris seront comptabilisés dans le logement social !