Le projet de loi intitulé « Engagement national pour le logement » est un texte attendu et important, et nous vous donnons acte, monsieur le ministre, de l'avoir présenté devant le Parlement.
Lors de la première lecture, le Sénat l'a enrichi considérablement. Et sur un nombre de points cruciaux, parfois difficiles, nous avons émis des votes concordants, quelquefois unanimes. Sur un sujet comme celui de l'habitat, nous avons fait la preuve de l'importance que le Sénat accorde aux grands intérêts des collectivités territoriales et des citoyens.
L'Assemblée nationale - nous aurions pu avoir quelques inquiétudes - a poursuivi dans la même voie. Bien que nous ne soyons pas d'accord avec l'ensemble des votes qu'elle a émis, le texte a été de nouveau étoffé.
Nous sommes donc maintenant, en ce début de deuxième lecture, devant un projet de loi intéressant, novateur, parfois même courageux sur quelques points, et qui, pourtant, reste largement insuffisant compte tenu de l'urgence.
Il apparaît, en outre, qu'il y a un désaccord de fond au sein de notre assemblée - il suffit d'écouter les débats tels qu'ils se sont engagés pour le comprendre - sur l'importance que nous accordons à gauche à ce que l'article 55 de la loi SRU ne soit pas dénaturé - je dis bien « dénaturé » -, ce qui ne signifie pas qu'il ne puisse pas être explicité, peut-être même, à certains moments, enrichi.
Mais la loi doit s'appliquer sur l'ensemble du territoire. Elle est un gage d'égalité pour les citoyens. En vous prévalant du fait qu'alors qu'un certain nombre de communes ne se sont pas acquittées de leur devoir - généralement, très généralement, des communes de droite - il y a, par ailleurs, une croissance plus importante de l'habitat social sur le reste de la France, vous démontrez, monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous le dire, que la ségrégation continue à s'amplifier, et vous comprendrez que nous ne puissions vous suivre sur cette voie.
Je reviens à l'urgence. Regardons lucidement la situation. Ne nous contentons pas de paroles d'experts, ou de paroles d'élus locaux, ce que nous sommes tous. Désormais, des jeunes, de plus en plus nombreux, des salariés ayant de petits revenus - sans parler des Français qui vivent de minima sociaux - sont exclus de l'accès au logement ou repoussés de plus en plus loin de leur lieu de travail. Leurs revenus, qu'il s'agisse de l'accès à la propriété ou de la location, sont amputés. Il faut regarder les chiffres qui nous sont fournis.
Alors que les revenus des salariés et des retraités stagnent, la part du logement dans la dépense familiale est de plus en plus importante. Elle va devenir bientôt exorbitante, ingérable pour les familles des classes moyennes. Je l'avais dit lors de la première lecture : nous ne parlons pas seulement des plus jeunes ou des plus démunis. Nous parlons désormais, pour certaines régions, dans tout le sud de la France - et j'en sais quelque chose en tant que maire -, de très larges catégories de Français. C'est donc à cela qu'il faut s'attaquer.
Les loyers flambent. Le prix du foncier devient exorbitant. Les prix de vente de l'immobilier connaissent des progressions déraisonnables, hors de toute validité économique. Les experts le reconnaissent, mais les Français en font l'amère constatation.
Et devant cette situation, les municipalités se trouvent trop souvent impuissantes, quand elles ne sont pas attaquées, voulant faire une politique courageuse de maîtrise du foncier, par des promoteurs privés peu scrupuleux qui font de l'accaparement de la plus-value un enjeu politique.
De ce point de vue, allons-nous tolérer longtemps, mes chers collègues, que, parmi les professionnels de l'immobilier, il y ait, outre beaucoup de gens respectables, un certain nombre d'agences immobilières et de promoteurs privés poussant sans arrêt à la hausse, désignant à la vindicte populaire ces maires qui osent essayer d'empêcher que la plus-value soit tout entière accaparée par eux et par un propriétaire foncier, lequel n'a économiquement aucune raison d'être payé au-delà de ce que représente l'évaluation des Domaines, fût-elle légèrement ou un peu plus largement augmentée ?
Voilà, mes chers collègues, la réalité que nous vivons en tant qu'élus locaux, et il va bien falloir que le Sénat, qui est la chambre des collectivités locales, se saisisse aussi de ce problème, non pas pour légiférer, mais pour engager un débat ferme, et responsabiliser, moraliser et contrôler, si nécessaire, une profession dont les dérives pèsent sur la crise du logement.
Devant un texte dont j'approuve une partie très importante, quelle est l'attitude à avoir, monsieur le ministre ? Elle est simple : c'est essayer de l'améliorer encore, de l'améliorer toujours. Je ferai donc une série de propositions que j'énumère.
Pour le principe et pour poser le problème dans toute sa dimension, et en sachant que c'est un amendement d'appel et pas plus, je proposerai un moratoire d'un an des loyers, simplement pour donner un signal, pour dire qu'on ne peut pas continuer à laisser ainsi enfler la spéculation.
Plus fondamentalement, je proposerai qu'on revienne sur cette proposition, commune à plusieurs groupes, d'un fonds de garantie pour les propriétaires, du moins ceux qui ont passé des conventions, par exemple avec l'ANAH, pour certaines catégories de population, donc, et pour certaines catégories de location qui sont complètement encadrées par l'intérêt général.
Monsieur le ministre, - et c'est peut-être plus novateur, je ne crois pas, en effet, que cela ait été proposé - je me suis attaché à regarder de près le problème de la restitution de la caution. Je proposerai cette chose évidente, c'est que, sauf litige, lors de la remise des clés, il y ait restitution de la caution. Pourquoi un délai de deux mois, quand, en plus, il est souvent allongé de façon abusive ? Non ! On remet les clés, le logement est vacant, un autre locataire peut entrer. Eh bien, la caution est rendue. Ce serait une avancée considérable dans le climat très difficile entre locataires et propriétaires.
Sur le fond du logement social, j'ai exprimé tout à l'heure ma pensée. Je ferai simplement une suggestion lors d'un amendement : il faudrait, monsieur le ministre, majorer la place des prêts pour les catégories les plus défavorisées - les PLAI, par exemple - dans le décompte du 20 % de logements sociaux. Ainsi, ces communes seraient récompensées de leurs efforts.
De même, pourquoi ne pas bonifier le montant de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, pour encourager la bonne volonté de toutes les communes dont le nombre de logements sociaux dépasse les 20 % ?
Et puis, je proposerai cette chose évidente : c'est que, dans toutes les communes où les 20 % ne sont pas atteints, pour tout nouveau programme de construction, il y ait deux logements sociaux par tranche de dix. Ne pas prendre cette mesure, ce serait accepter que le retard ne soit pas rapidement comblé.
S'agissant du partage de la plus-value foncière, nous avons fait tous ensemble une avancée considérable, significative, et je sais bien que, du côté du ministère des finances, on n'était pas forcément d'accord. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de nous avoir permis d'émettre ce vote qui a été conforté. Il faut quand même aller un peu plus loin. C'est ce que je proposerai pour montrer la voie du futur.
J'aborderai aussi un sujet qui n'a pas été évoqué jusqu'ici et qui commence à faire problème : ce sont les aires de stationnement que je prends au sens du code de l'urbanisme, c'est-à-dire les parkings privés dans les immeubles. Il y a trop souvent détournement du document d'urbanisme. Je m'explique : lors du dépôt du permis de construire, le demandeur a prévu les places de stationnement exigées par le PLU. Cela lui permet d'éviter d'acquitter la taxe afférente à l'absence d'aire de stationnement. Puis, dans les huit jours qui suivent, le local est transformé en chambre ou en salle de jeux pour les enfants. Est-ce normal ?
De façon comparable, certains achètent un logement avec un droit de stationnement dans un parc privé situé à moyenne distance et revendent la place de stationnement indépendamment du logement. Évidemment, les communes connaissent ensuite des problèmes de stationnement insurmontables !
De même que la loi a confié aux communes le contrôle des équipements privés en matière d'assainissement, de même, sur la question du stationnement, la collectivité devrait être dotée d'une capacité de suivi dans la mise en oeuvre du permis de construire. Sans cela, on assiste à un détournement de la loi, un détournement connu, amplifié.
Ces deux mesures simples permettraient d'améliorer le quotidien de la vie municipale.
Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaiterais, d'un mot, plaider pour que la politique du logement reste sur ses deux pieds : le locatif, qui n'est pas seulement social, et l'accession à la propriété. Ce projet de loi donne tout à coup l'impression - mais ce n'était pas votre volonté, monsieur le ministre - de n'être plus qu'une ode aux petits propriétaires.
Tant mieux si les petits propriétaires sont nombreux !