Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la première lecture de ce projet de loi, force est de constater que le contexte dans lequel nous débattons a fortement évolué.
La question du logement ne peut être totalement détachée de l'ensemble des préoccupations de nos compatriotes, au premier rang desquelles figure l'emploi, singulièrement l'emploi des jeunes.
Quant au fond, ce projet de loi se plaçait à l'origine dans le prolongement de la loi de programmation pour la cohésion sociale et tentait dans le même temps d'apporter une réponse aux événements que les quartiers les plus sensibles ont connus cet automne.
Depuis, nous avons débattu du projet de loi pour l'égalité des chances, dont l'une des mesures les plus emblématiques soulève depuis plusieurs semaines une large désapprobation - c'est le moins que l'on puisse dire.
Ce débat sur le logement, quant à lui, illustre le décalage croissant entre la réalité de la situation vécue par nos compatriotes et le contenu des dispositions législatives que le Gouvernement entend mettre en oeuvre. Nous nous devons ici de rappeler quelques-uns des termes de la situation.
La loi du marché, qui s'applique sans partage, se double bien souvent de toutes les discriminations, frappant de plein fouet des milliers et des milliers de familles aujourd'hui contraintes à la précarité de leurs conditions de logement. Plus de 3 500 000 personnes vivent en situation de surpeuplement, plus de 800 000 sont hébergées par des tiers, famille ou amis, et 800 000 ménages ne doivent de ne pas dormir dehors qu'à des solutions précaires d'hébergements divers. C'est dire l'immensité des problèmes !
Quelles réponses sont apportées à ces questions ?
Lors de la première lecture, nous avons examiné un texte relativement ramassé comptant 11 articles et reprenant pour l'essentiel les termes d'un projet de loi, dit « habitat pour tous », qui avait lui-même été en quelque sorte « concentré » puisqu'il comportait plus de 40 articles. Le texte issu de nos travaux en première lecture, avec 63 articles, était sensiblement augmenté et sa cohérence commençait à souffrir de la multiplication des angles d'approche.
La lecture effectuée par l'Assemblée nationale a ajouté de nouvelles dispositions au projet de loi, nous amenant à la validation de 14 articles et laissant dans le champ de cette présente lecture plus de 80 articles les plus divers.
À dire vrai, la complexité du texte est désormais telle qu'il est difficile pour quiconque de définir les éléments centraux des dispositifs décrits. Quelques lignes de force peuvent toutefois être dégagées.
La crise du logement est grave, multiforme, et touche des couches de plus en plus larges de la population, qu'il s'agisse des jeunes, des ménages les plus modestes, des familles de salariés, dans les villes du territoire les plus marquées par la tension du marché - sujet que nous évoquions encore hier soir avec la proposition de loi sur la vente à la découpe.
Et que fait-on ? On réforme les offices d'HLM en dissolvant leurs missions de service public, on transforme l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat en agence de location immobilière intermédiaire, on crée pour les investisseurs un nouvel outil d'incitation fiscale plus favorable encore que le dispositif Robien. Bien que les deux tiers des demandeurs de logement aient des ressources inférieures à 60 % des plafonds de ressources d'accès au logement social, on déploie une énergie considérable à vider de son contenu l'article 55 de la loi SRU, c'est-à-dire celui qui prévoit que les collectivités locales doivent compter sur leur territoire 20 % de logements sociaux.
L'adoption de l'amendement Ollier - du nom du président de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale -, qui vise à permettre de comptabiliser au titre des 20 % les logements en accession sociale à la propriété et les logements HLM vendus, a soulevé une vague de protestations de la part de tous ceux qui, au quotidien, luttent pour le plein exercice du droit au logement ; notre collègue Thierry Repentin vient de faire une brillante démonstration de l'absurdité que représenterait cette mesure.
Sur la question de la construction de logements, il nous faut évidemment procéder à l'analyse de la situation, qui est loin d'être aussi séduisante que l'on tente de nous le faire croire. Ainsi, en 2005, plus de 400 000 logements auraient été construits dans notre pays. Cela conduit évidemment à s'interroger sur les aspects divers de cette situation.
En effet, parmi ces logements figurent, selon certaines sources, près de 70 000 logements financés par le dispositif Robien, c'est-à-dire à des loyers souvent proches de 1 500 euros mensuels pour des logements familiaux et de 1 000 euros pour des studios ou des logements pour jeunes couples ; une part importante de ces logements, nous le savons - et cela vient d'être dénoncé -, est inoccupée. L'argent public est donc aujourd'hui utilisé à construire des logements vides ; quel paradoxe !
S'agissant du logement social, le Gouvernement procède à une habile opération consistant à assimiler les logements financés aux logements réalisés, alors que l'on sait parfaitement qu'il existe souvent un décalage entre les deux.
Cela étant, devant l'importance de la demande, comment ne pas pointer le fait que les objectifs programmés dans le cadre de la loi dite de « cohésion sociale » ne sont pas atteints - il manque plus de 10 000 logements financés ! - et que l'augmentation la plus significative en la matière concerne les programmes en prêt locatif social, les PLS, c'est-à-dire ceux pour lesquels l'aide de l'État est la moins importante et où les loyers sont, de fait, les plus élevés ?
Ainsi, de 2002 à 2004, pour s'en tenir au logement social, le nombre de logements en PLA intégration est passé de 5 034 logements financés à 7 674, tandis que celui des logements PLUS est passé de 39 268 à 45 437... Les PLAI et PLUS, logements véritablement sociaux destinés, notamment les PLAI, aux demandeurs les plus modestes, constituaient plus de 80 % des logements financés en 2002 ; ils n'en constituent plus que 70 % en 2005.