Intervention de Gérard Collomb

Réunion du 30 mars 2006 à 9h30
Engagement national pour le logement — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Gérard CollombGérard Collomb :

Monsieur le ministre, je suis sûr -et de nombreux points de votre projet de loi le montrent - que, s'agissant du problème du logement, nous partageons souvent les mêmes interrogations et que nous pouvons partager les mêmes analyses.

Le premier constat commun est qu'il existe aujourd'hui, pour toutes sortes de raisons, démographiques, sociologiques, économiques, une véritable crise du logement, qui touche presque toutes les catégories de la population. Il nous faut donc construire et les dispositions que vous avez prises dans ce projet de loi, en matière de foncier, me semblent aller dans le bon sens.

En effet, lorsque les communes changent un zonage, il me semble normal qu'intervienne un partage de la plus-value réalisée. Lorsque les communes réalisent des infrastructures publiques qui change la valeur du terrain, il me semble également normal que la plus-value soit partagée.

Le deuxième constat - et c'est le témoignage répété de l'abbé Pierre - est que, dans la crise généralisée du logement, la crise du logement social est particulièrement aiguë ; chacun sait bien que, dans nos villes, l'attente est longue pour bénéficier d'un logement social.

Mais à ces deux premières données s'en ajoute une autre : le risque, qui serait mortel, de la fracture dans nos territoires entre une ville riche, prospère, dynamique, et des banlieues ou des quartiers qui seraient en voie de paupérisation, de marginalisation et de ghettoïsation.

Cette fracture est lourde de dangers pour notre société. Les événements de novembre l'ont montré, l'intrusion d'éléments extrêmement violents dans les manifestations étudiantes contre le CPE le confirme, les statistiques officielles du ministère de l'intérieur le soulignent, qui, si elles constatent un recul de la délinquance, montrent en même temps une montée très importante de la violence et des faits de plus en plus graves.

Monsieur le ministre, si cette fracture devait s'accentuer, elle marquerait sans doute, je le crains, le début d'une véritable scission de notre société.

Le problème de ces quartiers ou de ces communes devient un problème de fond, un véritable problème national, vous le savez, monsieur le ministre, comme le sait M. Jean-Louis Borloo, qui connaît maintenant toutes les grandes agglomérations françaises. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a mis en place cette politique de renouvellement urbain visant à instaurer partout la mixité sociale.

Mais, monsieur le ministre, « déghettoïser » un certain nombre de nos territoires, leur apporter à nouveau une certaine mixité sociale, passe par un impératif : il faut que nous puissions réaliser des logements sociaux dans les communes et dans les quartiers qui en sont dépourvus ou qui en ont peu, en nous fixant des objectifs qui soient à la hauteur des ambitions affirmées.

C'est ce à quoi tendait l'article 55 de la loi SRU, qui n'est pas l'article couperet qu'ont voulu décrire ceux qui trouvent toujours un prétexte pour ne rien bouger. Cet article fixait aux communes l'obligation d'atteindre, dans le temps, la limite de 20 % de logement social.

Cet article a fait l'objet, au cours des années, d'assauts constants pour en obtenir la suppression ou, en tout cas, pour en réduire la portée.

Monsieur le ministre, Jean-Louis Borloo et vous-même avez souvent résisté à ces assauts. Mais finalement, en première lecture à l'Assemblée nationale, M. Ollier a réussi à faire passer son amendement, qui change assez fondamentalement la portée de cet article en introduisant dans le décompte des logements sociaux les logements en accession à la propriété.

Monsieur le ministre, qu'on ne nous fasse pas de faux procès. Personnellement, je ne suis pas opposé à l'accession sociale à la propriété ; nous allons d'ailleurs réaliser de telles opérations dans mon agglomération. Mais ces logements ne concernent pas les mêmes personnes que celles que voulait protéger l'article 55 de la loi SRU.

C'est pourquoi cet amendement a provoqué un tollé dans le pays, chez tous qui sont concernés par la question du logement social.

Je pense d'abord à l'abbé Pierre, à qui l'on avait rendu un hommage hypocrite quelques heures avant de mettre à mal tout ce qui constitue son message et son action.

Je pense ensuite à diverses associations. Permettez-moi de prendre un exemple dans la ville de Lyon. Lundi dernier, le père Bernard Devert, qui a créé l'association Habitat et humanisme, spécialisée dans la construction de logements sociaux pour les familles modestes et très modestes, organisait un rassemblement pour demander le retrait de l'amendement Ollier. Il a écrit à Jean-Louis Borloo une lettre empreinte de gravité, mais aussi de sensibilité, pour confirmer cette demande de suppression.

Ce rassemblement, qui a eu lieu dans un endroit assez symbolique, une cour des Canuts qui a été récemment réhabilitée par cette association, a vu la participation de personnalités de sensibilités diverses. Il y avait, par exemple, le cardinal Barbarin que sans doute personne dans cette enceinte ne considère comme un gauchiste outrageux.

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