Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 21 juin 2010 à 15h00
Réforme du crédit à la consommation — Discussion générale

Christine Lagarde, ministre :

Voilà un autre consommateur équipé d’un crédit renouvelable souscrit voilà plusieurs années. Depuis, il a connu un accident de la vie – perte d’un emploi, divorce ou maladie –, comme les trois quarts des quelque 800 000 ménages qui connaissent actuellement une situation de surendettement. La crise a mis tous les budgets sous tension et la tentation peut être forte de tirer sur un crédit renouvelable qui ne ferait qu’aggraver sa situation d’endettement. Aujourd’hui, rien n’empêche une fuite en avant.

La loi prévoit désormais un rendez-vous annuel de solvabilité qui oblige les banques à vérifier des éléments de solvabilité pour suspendre la réserve de crédit si la situation du consommateur s’est détériorée.

Mais, me direz-vous, tous les rendez-vous du monde, toutes les obligations de la Terre n’empêcheront pas les accidents. Comme je l’ai dit au début de mon propos, les dépôts de dossiers de surendettement ont augmenté de 15 % en un an. C’est pourquoi j’ai aussi voulu inscrire dans ce projet de loi un certain nombre de mesures pour lutter contre le surendettement et essayer de le prévenir.

Face à des difficultés d’endettement, la solution peut être parfois, on le sait, de faire appel à des rachats de crédits : un certain nombre d’officines se spécialisent aujourd'hui dans ce domaine. Mieux vaut parfois un gros crédit dont on connaîtra les modalités de remboursement qu’une multitude de petits crédits dans lesquels on ne s’y retrouve pas.

Ces rachats-là doivent être encouragés à la condition qu’ils soient vraiment responsables. Le projet de loi vise à encadrer les rachats de crédits pour les rendre plus transparents. La loi prévoit que la banque qui rachète des crédits a l’obligation de proposer au consommateur d’effectuer pour son compte toutes les démarches pour clore les crédits antérieurs.

Quand on prend la peine de regrouper des crédits, il faut être responsable et veiller à ce que les anciennes réserves de crédit puissent être réellement closes, sinon on risque de se retrouver avec des crédits rachetés, mais avec un certain nombre de réserves encore en activité.

Pour certains toutefois, même un rachat de crédit n’y fera rien. Le consommateur dépose alors un dossier en commission de surendettement. Actuellement, s’il est propriétaire de sa résidence, la porte de la commission de surendettement lui est parfois fermée. Les assises régionales du surendettement que j’avais demandé à la Banque de France d’organiser en juin 2009 l’ont clairement démontré : dans certaines régions, les commissions de surendettement excluent les ménages surendettés dès lors qu’ils sont propriétaires de leur logement.

J’ai voulu que la commission de surendettement soit accessible à tous car être propriétaire n’est pas une raison suffisante pour n’avoir aucun recours quand on connaît de vraies difficultés d’endettement et quand on sait que la vente du domicile n’est pas forcément la solution à la situation.

Le consommateur entre maintenant dans une procédure de surendettement. Cette procédure doit être le temps de l’accompagnement pour résoudre les difficultés d’endettement et non, bien sûr, le temps du harcèlement. Or actuellement, on le sait, dès lors qu’un ménage dépose un dossier, il est bien souvent harcelé par des sociétés de recouvrement diverses, par des huissiers, qui font évidemment tous leurs efforts, au dernier moment, dans la dernière ligne droite, pour essayer de recouvrer les sommes qui peuvent être récupérées.

Le projet de loi prévoit de suspendre les procédures de saisie-exécution engagées par les créanciers dès la recevabilité du dossier.

Le temps de la procédure est aussi bien souvent celui de l’incertitude : il est difficile de se remettre en selle, de rechercher un emploi quand on ne sait pas de quoi demain sera fait. Le projet de loi vise à diviser par trois la durée des procédures de rétablissement personnel. Nous proposons que ces procédures, qui durent actuellement un an et demi, soient ramenées à six mois.

Il faut que les choses aillent vite pour aider les personnes qui connaissent des difficultés d’endettement à rebondir. Aujourd’hui, une personne qui est en plan de surendettement est inscrite au FICP, le fichier des incidents de remboursement des particuliers, pendant dix ans. Pendant toute cette période, la personne fichée au FICP aura beaucoup de difficultés pour souscrire un crédit et même parfois des difficultés dans les relations avec sa banque. Pour faciliter le rebond des personnes en difficulté, le projet de loi prévoit de diviser par deux la durée du fichage, qui passe donc de dix ans à cinq ans. Il réduit également de dix ans à huit ans la durée des plans de surendettement.

Telles sont les questions que ce projet de loi, largement enrichi par vos contributions, permet de résoudre : le consommateur qui souscrit un crédit à la consommation sera plus éclairé, avec des choix plus larges, et bénéficiera d’un amortissement systématique sans être la victime de la carte de fidélité, véritable cheval de Troie.

Par ailleurs, toutes les mesures relatives au surendettement sont déterminantes et il faut impérativement qu’elles puissent entrer en œuvre rapidement.

Le dernier volet de ce projet de loi, important lui aussi, et auquel vous êtes vous aussi très attaché, monsieur le président de la commission spéciale, concerne le dispositif du microcrédit, dont on sait pertinemment qu’il est utile, qu’il est utilisé et permet à un certain nombre de nos concitoyens qui veulent démarrer une activité de remettre le pied à l’étrier.

Cet outil de financement, qui, on le sait, est efficace, était largement utilisé pour financer des initiatives de microcrédit hors du territoire français. Grâce à notre projet de loi, nous pourrons dorénavant également développer ces activités de microcrédit sur le territoire français.

Parallèlement, les banques françaises ont annoncé le 25 janvier une initiative pour développer le microcrédit. Afin de suivre l’efficacité de cette initiative, le projet de loi prévoit que les banques publient chaque année un bilan de leurs activités dans ce domaine.

Monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi nous éloigne sans doute un peu des problèmes du moment, mais il nous plonge au plus près des préoccupations de nos concitoyens et parfois de leurs difficultés quotidiennes. À cet égard, il me semble extrêmement utile et j’espère vivement que nous pourrons progresser rapidement dans sa mise en œuvre.

J’avais indiqué devant la commission spéciale que je m’efforcerais d’agir rapidement, monsieur le président : je m’engage à ce que les quatorze décrets et les quatre arrêtés nécessaires à la mise en œuvre de ce projet de loi – si le Sénat le vote – soient pris avant la fin de l’année 2010.

Un calendrier de mise en œuvre des différents blocs de législation que vous serez amenés à examiner aujourd'hui a été élaboré, afin que les mesures en matière de publicité, de surendettement et, enfin, de modification en profondeur du crédit à la consommation puissent entrer dans notre arsenal législatif et profiter à nos concitoyens le plus rapidement possible.

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