Madame le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà un an, notre assemblée adoptait en première lecture un projet de loi portant réforme du crédit à la consommation. Après un passage à l’Assemblée nationale, ce texte, économiquement urgent et socialement prioritaire, s’est enrichi de dispositions aussi innovantes que diverses.
Bien entendu, l’objet principal demeure, puisqu’il s’agit de mieux encadrer les conditions d’accès au crédit, de mieux protéger les consommateurs et de responsabiliser davantage les professionnels du crédit.
Je rappellerai quelques chiffres : quatorze millions de Français font appel au crédit à la consommation, neuf millions au crédit renouvelable et, parmi eux, chaque année, plus de 213 000 déposent un dossier de surendettement, soit un taux d’augmentation de plus de 18 % entre 2008 et 2009.
En effet, non seulement le nombre de nos concitoyens surendettés va croissant, mais cette tendance socio-économique s’accompagne d’un phénomène de banalisation particulièrement dangereux. Différentes études laissent à penser que, à ce jour, plus de sept millions de personnes, c’est-à-dire 15 % de la population, seraient insolvables.
Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs alertent régulièrement les pouvoirs publics sur les véritables « pièges » financiers dont nombre de nos compatriotes sont victimes. Le vieil adage qui voulait jadis que l’on ne prête qu’aux riches est désormais contredit, puisque ce sont bien les plus pauvres ou les plus fragiles qui sont endettés. Ce constat dressé, nous devons bien admettre que le remède législatif à un tel fléau a tardé à venir. Et nous ne pouvons que le regretter.
Devant l’ampleur d’un phénomène allant jusqu’à saper les bases de la société contemporaine et un dispositif législatif devenu inopérant, le Sénat, en première lecture, n’est pas demeuré inerte, loin s’en faut, et a enrichi le texte initialement proposé par le Gouvernement, en y apportant des exigences d’encadrement du crédit accrues et une plus grande protection des ménages les plus exposés aux risques liés à l’endettement.
Le crédit à la consommation bien utilisé est légitime et mérite toute l’attention du législateur. Le Sénat, pour la seconde fois, devra y apporter toute sa force pour rendre ce texte encore plus efficace afin d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.
Rappelons que, dans son rapport annuel de 2010, la Cour des comptes affirme que « la politique française de lutte contre le surendettement est déséquilibrée, le dispositif légal visant à traiter la situation individuelle des surendettés plutôt qu’à prévenir le surendettement ».
Toutefois, l’enjeu fondamental de notre débat, de cette réforme, a trait à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur. Contracter un crédit est un engagement non seulement pour l’emprunteur, mais aussi pour le prêteur. Il faut privilégier une coresponsabilisation des deux acteurs du prêt.
On voit bien trop souvent des organismes peu regardants accorder des crédits à des personnes dont la situation financière n’offre manifestement aucune garantie de remboursement. Dès lors, le fichier national de l’endettement se justifie et a toute sa place.
Comment ne pas adhérer à l’esprit même des dispositions proposées, qui devraient avoir pour effet non pas de tarir le crédit à la consommation – ce serait une très grave erreur – mais de le maîtriser ?
Avec l’apport de nouvelles mesures adoptées au Sénat puis à l’Assemblée nationale le projet de loi privilégie l’accès à un crédit responsable, faisant une part véritable à l’information du consommateur. Plusieurs dispositions auront une véritable portée. Je pense, notamment, à l’allongement du délai de rétractation, à la séparation des destinations de la carte de fidélité ou au remboursement imposé d’une partie du capital. Autant de mesures dont les familles françaises pourront bénéficier rapidement, en tout cas, je l’espère.
En première lecture, mon groupe avait proposé trois amendements que le Sénat a adoptés, afin de renforcer l’information du prêteur à l’emprunteur. Je me réjouis que l’Assemblée nationale ait maintenu en l’état le premier amendement et ait conservé l’esprit des deux autres en dépit de quelques modifications rédactionnelles. Bien entendu, les progrès apportés par le texte demanderont à être vérifiés au quotidien et sur le terrain.
Soulignons également l’amélioration introduite par le texte dans le fonctionnement des commissions de surendettement, disposition qui devrait permettre à ces dernières d’accélérer les processus d’examen des dossiers et de prendre des décisions relevant jusqu’à présent de la compétence du juge. Cette mesure de simplification des procédures ne peut que favoriser le règlement de dossiers souvent difficiles, tout en veillant à l’accompagnement des personnes fragilisées par leur situation financière.
Il est grand temps que, grâce au renforcement des règles applicables en matière de publicité, qu’il s’agisse des encarts publiés dans les magazines de programmes TV ou des publicités faisant l’objet de mailing, il ne soit dorénavant plus possible de faire croire au consommateur que le recours au crédit peut améliorer sa situation financière.
Le renforcement des conditions d’obtention d’un crédit, par le biais d’une vérification accrue et systématique de la solvabilité de l’emprunteur, devrait contribuer à limiter les cas de surendettement. Les prêteurs ne doivent plus échapper à leurs responsabilités.
Concernant le taux de l’usure, les dispositifs adoptés en première lecture, même s’ils peuvent ne pas paraître tout à fait satisfaisants, permettent d’accroître l’attractivité du crédit amortissable et de réduire la part du crédit renouvelable.
Dans ces conditions et face à l’urgence de la situation, madame le ministre, mes chers collègues, les membres de mon groupe et moi-même demeurerons attentifs à nos travaux en séance publique. Aussi, nous espérons que, à l’issue de l’examen des articles, nous pourrons prendre, sur ce projet de loi portant réforme du crédit à la consommation, la même position que celle que nous avions adoptée en première lecture, et ainsi l’approuver à l’unanimité.