Intervention de Serge Vinçon

Réunion du 6 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Défense

Photo de Serge VinçonSerge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Comme l'an passé, il vous aura fallu, madame la ministre, batailler ferme pour pouvoir nous présenter aujourd'hui un bon budget 2005 pour la défense. Dans sa majorité, notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en a d'ailleurs recommandé l'adoption à notre Haute Assemblée.

Ce projet de budget est, en effet, positif pour plusieurs raisons.

La première est qu'il respecte, pour la troisième année consécutive, les prescriptions de la loi de programmation militaire. Cette innovation, qui mérite d'être saluée, reflète tout d'abord, et ce n'est pas rien, le respect du Parlement, qui l'a votée.

Ensuite, ce budget exprime la persévérance de l'effort financier en faveur tant du renouvellement que du maintien en condition opérationnelle de nos équipements. On s'écarte donc enfin de la logique suivie durant des années des ponctions intempestives effectuées sans compensation sur le titre V et qui ont tant pesé sur le calendrier d'exécution de certains de nos grands programmes.

Nos armées ont reçu cette année ou recevront l'an prochain des équipements nouveaux, attendus depuis longtemps. Je n'évoquerai que certains d'entre eux.

Dans le domaine de la conduite, du commandement, de la communication et du renseignement, celui des capacités dites « C3R », on peut saluer le lancement dans quelques jours du satellite d'observation Hélios II, élément essentiel d'une capacité nationale et européenne d'évaluation autonome des situations. Et, dans quelques mois, le lancement du satellite de communication Syracuse III viendra aussi conforter nos ressources dans ce domaine.

Il faut saluer ici le résultat d'efforts importants consentis depuis plusieurs années pour permettre à notre pays de tenir le rôle de nation cadre dans les opérations de l'Union européenne. C'est donc aussi un signal politique qui est ainsi délivré à nos partenaires de l'Union, comme de l'OTAN.

Toujours dans le même souci de privilégier les capacités stratégiques de renseignement, vous avez, madame la ministre, réorganisé la démarche pour le développement de drones d'observation, avec le lancement du programme de démonstrateur Euromale, qui permettra l'entrée dans nos armées des premiers drones MALE vers 2010.

J'ajoute que c'est dans ces deux domaines centraux des moyens spatiaux et des drones que la France est pays pilote de projets dans le cadre du plan d'amélioration des capacités de la défense européenne.

S'agissant de la projection et de la mobilité, il faut saluer l'admission au service actif, en 2005, du Mistral, bâtiment de projection et de commandement de la marine, grâce auquel il sera possible d'engager, depuis la mer, un groupement interarmées blindé léger de 1 400 hommes.

En ce qui concerne l'évolution de notre capacité de projection et de mobilité, j'ai cependant deux motifs d'interrogations.

Tout d'abord, les retards subis dans le calendrier de l'A 400 M, dont les premiers exemplaires ne seront livrés en nombre significatif qu'à partir de 2011, poseront dès l'année prochaine à l'armée de l'air, avec le retrait des Transall les plus anciens, un problème important de capacité qu'elle devra résoudre d'une manière ou d'une autre.

S'agissant ensuite du NH 90, nous nous étions félicités de votre décision de lancer une étude pour examiner la possibilité d'avancer la livraison à l'armée de terre de cet hélicoptère, actuellement prévue pour 2011, de préférence à la réalisation d'investissements importants pour la rénovation des Puma et des Cougar. Malheureusement, la décision prise avant votre arrivée au ministère apparaît aujourd'hui difficilement réversible, mais je reste perplexe quant aux raisons avancées pour expliquer le choix effectué à l'époque. On constate en effet chaque jour, à la lumière des nouveaux types de conflits, l'importance primordiale de disposer de la capacité de transport et de mobilité optimale que permettent les hélicoptères de nouvelle génération.

Par les crédits de fonctionnement qu'il prévoit, ce projet de budget permettra également des avancées positives.

Il s'agit d'abord de la poursuite de l'amélioration de la condition militaire, dans la mesure où l'attention portée à la situation matérielle des femmes et des hommes de la défense est indissociable de l'accent mis sur la qualité des équipements qu'ils servent.

Il s'agit ensuite du financement des OPEX en loi de finances initiale. Certes, les 100 millions d'euros inscrits à ce titre sont loin de correspondre à la réalité des surcoûts annuels dus à ces opérations ; il reste que la démarche est très positive dans son principe, comme l'est d'ailleurs l'abondement prévu en loi de finances rectificative pour 2004 des sommes nécessaires à la couverture de ce surcoût, qui mobilise des ressources extérieures au budget de la défense.

La défense s'implique d'ailleurs aussi, vous nous l'avez expliqué en commission, madame la ministre, dans l'indispensable effort d'économies de fonctionnement partagé par l'ensemble des acteurs publics, et les restructurations de plusieurs services de votre ministère ou l'externalisation de certaines fonctions en témoignent.

Il reste qu'il arrive - et ce fut le cas en 2004 - que la gestion des crédits de fonctionnement se heurte encore en cours d'année à des mesures de gel provisoire ou aux conséquences des reports de charges, qui peuvent avoir des effets négatifs directs, notamment sur l'entraînement des forces.

Notre attention a par ailleurs été attirée sur les inquiétudes concernant les effectifs, s'agissant en particulier de l'armée de terre. Vous nous avez dit, madame la ministre, avoir reçu des garanties, et vous-même avez pris des engagements pour que de telles craintes ne se concrétisent pas en 2005. Nous vous faisons confiance.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'esprit de la loi de programmation comme celui de ce projet de budget s'inscrivent résolument dans la promotion d'une capacité européenne de défense. Cette défense européenne s'affirme d'ailleurs chaque jour davantage dans la réalité opérationnelle, comme en Bosnie-Herzégovine, où l'Union européenne a, voilà quelques jours, pris le relais de l'OTAN.

Notre pays s'implique tout aussi fortement dans les opérations conduites par l'OTAN elle-même, où ce sont d'ailleurs bien souvent des contingents européens qui, comme au Kosovo, forment l'essentiel des forces déployées. Il n'est pas non plus indifférent de voir que, simultanément, deux officiers généraux français exercent le commandement de deux missions majeures de l'OTAN, au Kosovo et en Afghanistan.

Tout cela illustre l'engagement de notre pays dans le fonctionnement d'une organisation atlantique au sein de laquelle, pourtant, la position particulière de notre pays reste malheureusement mal perçue à l'extérieur et demeure parfois l'objet d'une suspicion politique durable.

La création en 2004 d'une force européenne de gendarmerie et celle des groupements tactiques viennent encore illustrer la vitalité de l'ambition européenne de défense dont notre pays aura été le constant promoteur. Il a su, madame la ministre, traduire ses paroles en actes dans l'intérêt de la paix.

Bien sûr, beaucoup reste à faire. L'Agence européenne de défense et d'armements se met au travail et devra jouer le rôle de catalyseur dans les domaines où les capacités européennes sont encore déficientes. Il lui faudra aussi oeuvrer à la définition des règles qui permettront la création d'un véritable marché européen de l'armement : l'examen du Livre vert de la Commission européenne sur les marchés publics de la défense en sera prochainement l'occasion.

Je terminerai mon intervention en évoquant la polémique sur les récents et tragiques développements de la crise ivoirienne.

Chacun sait que, si nos forces sont présentes dans ce pays, c'est à la seule fin d'y rétablir et de tenter d'y préserver la paix civile, comme la communauté internationale le leur a demandé. Depuis près de deux ans, elles se sont acquittées de cette mission, sous votre autorité, avec un professionnalisme exemplaire, au prix des sacrifices que l'on connaît.

Voilà un mois, dans une situation particulièrement difficile et dans un climat de violences et de menaces explicites, nos forces ont été conduites, pour remplir leur devoir de protection des civils placés sous leur garde, à exercer leur droit de légitime défense. La responsabilité des pertes humaines, qui sont, vous l'avez dit, autant de morts en trop, est à rechercher chez ceux qui ont délibérément déclenché cet enchaînement de violences et qui n'ont pas su, ou pas voulu, l'interrompre à temps.

Je voudrais donc redire ici notre confiance et notre solidarité envers tous nos militaires, auxquels il revient, avec vous, madame la ministre, d'empêcher l'aggravation d'une crise pour permettre la reprise d'un dialogue politique plus urgent et nécessaire que jamais.

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