Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur Buffet, mesdames, messieurs les sénateurs, le préambule de la Constitution de 1946 nous le rappelle, « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République », et ce principe de valeur constitutionnelle guide, comme la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, l’action des pouvoirs publics dans le domaine de la protection des droits de l’homme.
Notre pays est fidèle à sa tradition d’accueil ; il constitue un refuge pour les femmes, les hommes et les enfants que des persécutions ou des menaces graves chassent de leur pays d’origine.
À toutes celles et tous ceux qui, parfois, contestent notre action, je tiens à rappeler quelques éléments de nature à souligner le rôle exemplaire de la France et l’importance des efforts consentis au titre de la solidarité nationale.
Notre pays est le premier pays européen en termes de demandeurs d’asile – 42 299 demandeurs d’asile en 2008, réexamens et mineurs accompagnants compris, soit une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente, ce qui est important – et le troisième dans le monde, derrière les États-Unis et le Canada.
L’an passé, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a admis sous sa protection 11 141 personnes, répondant ainsi favorablement à 36 % des demandes. Peu de pays sont aussi généreux !
Le ministère dont j’ai la responsabilité consacre plus de 300 millions d’euros, c'est-à-dire plus de la moitié de son budget, au financement de la politique d’asile.
Derrière ces chiffres, il y a une réalité, celle du soutien accordé aux demandeurs d’asile.
Dans notre pays, les demandeurs d’asile bénéficient d’un hébergement. Ainsi, 196 millions d’euros sont versés chaque année aux centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA. Le nombre total de places a augmenté de plus de 30 % entre 2004 et 2008, s’établissant aujourd’hui à 20 410 places, et la création de 1 000 nouvelles places est programmée entre 2010 et 2012.
Par ailleurs, 30 millions d’euros sont consacrés à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et 12 millions d’euros sont versés aux centres provisoires d’hébergement, les CPH, pour les demandeurs qui ont obtenu le statut de réfugié, mais qui doivent être accompagnés pour faciliter leur insertion dans la société française.
L’accompagnement des demandeurs d’asile représente encore 30 millions d’euros versés au titre de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, 3 millions d’euros pour leur accompagnement social et plus de 1, 5 million d’euros au titre des subventions octroyées aux associations qui leur viennent en aide.
L’accompagnement des demandeurs d’asile, c’est enfin, pour le ministère de la santé et des sports, le bénéfice de la couverture maladie universelle, la CMU, ou de l’aide médicale de l’État, l’AME.
La politique de la France en matière d’asile se déploie également dans le champ communautaire avec le double objectif, mentionné dans le Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté le 16 octobre 2008 pendant la présidence française de l’Union européenne, d’une plus grande solidarité et d’un plus haut niveau de protection.
Ce sont ces objectifs que la France défend dans les discussions en cours sur la refonte des instruments juridiques applicables dans le domaine de l’asile, ce qu’il est convenu d’appeler, dans le jargon européen, le « paquet asile ».
Nous visons notamment l’instauration, si possible en 2010, et au plus tard en 2012, d’une procédure d’asile unique, avec des garanties et des statuts communs pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire.
Sur le court terme, la création, en 2009, d’un bureau européen d’appui en matière d’asile est en bonne voie. Cette structure à vocation opérationnelle, qui était l’un des objectifs du Pacte européen, permettra d’aider les pays de l’Union européenne confrontés à une forte pression migratoire. La création d’un bureau européen d’appui traduit l’un des axes forts de la politique européenne en matière d’asile consistant à poursuivre, sur le terrain, les efforts d’harmonisation réalisés en droit.
La politique européenne de la France dans le domaine de l’asile vise aussi à une meilleure répartition de la « charge du fardeau ».
Après avoir accueilli, au titre de la solidarité internationale et en relation avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, des ressortissants irakiens appartenant à des minorités menacées dans leur pays, la France s’apprête à accueillir, au mois de juillet prochain, 80 personnes ayant obtenu à Malte le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de ses aspects techniques et juridiques que M. le rapporteur vient d’analyser parfaitement dans son excellente présentation, la réforme qui vous est aujourd’hui présentée répond aux mêmes finalités que celles qui sous-tendent les réalisations qui viennent d’être rappelées. Il s’agit, à chaque fois et dans la mesure du possible, d’améliorer l’accueil et la prise en charge des demandeurs d’asile.
La proposition de loi de M. Buffet soumise à votre examen vise à unifier le contentieux de l’asile, aujourd’hui malheureusement éclaté, au sein de la juridiction administrative, entre les tribunaux administratifs et la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.
Cette réforme fait partie, comme vous l’avez souligné, des recommandations émises dans le rapport intitulé Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire présenté en 2008 par la commission placée sous la présidence de Pierre Mazeaud, mais elle avait déjà été identifiée, en 2007, comme une piste d’amélioration de notre dispositif juridique par votre sénateur François-Noël Buffet, auteur de la présente proposition de loi, dont je veux saluer ici la très grande expertise sur l’ensemble des questions relatives à l’asile et à l’immigration.
Comme il le souligne, le système actuel n’est pas satisfaisant. Le dépôt d’une demande d’asile est normalement subordonné à la présence du demandeur sur le territoire national. Toutefois, tous les demandeurs d’asile ne disposent pas des documents et visas exigés par les textes pour entrer en France. Dans ce cas, le demandeur est maintenu en zone d’attente, le temps de déterminer si sa demande n’est pas « manifestement infondée », ainsi que l’ont indiqué M. Buffet et M. le rapporteur.
Cet examen, conduit sous le sceau de l’évidence, doit être succinct ; il est mené par l’OFPRA, qui transmet son avis au ministre chargé de l’immigration, à qui il appartient d’autoriser ou non le demandeur à entrer sur le territoire. Dois-je préciser à celles et ceux qui craindraient l’arbitraire que ces avis, qui ne lient pas juridiquement l’autorité administrative, sont, en pratique, toujours suivis ? Je le dis et je le redis avec force, à l’instar de ce que faisait mon prédécesseur, je suis systématiquement les avis émis par l’OFPRA. Il n’y a pas d’exemple contraire !
En cas de rejet, la décision ministérielle peut être aujourd’hui contestée devant le président d’un tribunal administratif. Après la réforme visant à donner un caractère suspensif au recours, le nombre des requêtes, formées pour l’essentiel par les étrangers maintenus dans les zones d’attente de Roissy et d’Orly, s’est établi en 2008 à 1 048. Toutefois, lorsque l’OFPRA se prononce sur le fond de la demande d’asile présentée par un étranger admis à séjourner sur notre territoire, ses décisions de refus ne peuvent être contestées que devant la Cour nationale du droit d’asile, qui a succédé en 2007 à la Commission des recours des réfugiés, la CRR.
La réforme qui vous est proposée doit permettre à la CNDA, juridiction spécialisée, plus qualifiée en la matière que le juge administratif de droit commun, d’examiner l’ensemble des requêtes concernant l’asile. Notre dispositif y gagnera en cohérence, en lisibilité et en crédibilité.
M. le rapporteur a parfaitement répondu aux inquiétudes qui ont pu se manifester à l’annonce de cette réforme importante : une compétence renforcée n’entraîne pas nécessairement un examen plus sélectif des demandes ; elle en permet, en revanche, un traitement plus sûr et plus crédible.
L’économie de la réforme a été très clairement exposée par l’auteur de la proposition de loi ainsi que par M. le rapporteur ; mais nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir. Je me contenterai donc d’indiquer ici que les caractéristiques essentielles de la procédure n’ont pas été substantiellement modifiées – procédure d’urgence, juge unique, recours suspensif –, si ce n’est pour améliorer le délai de recours, qui a été porté de quarante-huit à soixante-douze heures, une amélioration approuvée par la commission des lois et à laquelle je souscris.
Cette avancée – car il s’agit bien d’une avancée ! – me paraît, en revanche, ôter toute justification à la suppression de la mention prévoyant la motivation de la requête, qui figure aujourd’hui dans le code. C’est le seul point sur lequel le Gouvernement se démarque légèrement de l’excellent travail de M. le rapporteur. Par conséquent, il vous proposera un amendement à l’article 1er de la proposition de loi et, par coordination, un autre à l’article 5, visant à réintroduire dans le texte cette règle générale de procédure contentieuse.
Le transfert à la CNDA du contentieux de l’asile à la frontière sera mis en œuvre au plus tard en 2011, mais l’allongement du délai de recours pourra entrer en vigueur sans tarder, ainsi que vous l’avez souhaité.
Cette réforme s’accompagne enfin d’un renforcement et d’une professionnalisation accrue de la Cour nationale du droit d’asile.
Ainsi, l’examen de la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures a permis au Sénat, au mois de mars dernier, de procéder à la création de 10 postes de juge permanent au sein de la CNDA.
J’ai la profonde conviction que ce transfert du contentieux apparaîtra très rapidement comme une évidence non seulement à l’ensemble des personnes participant à l’accueil et à l’accompagnement des demandeurs d’asile, mais, au-delà, à toutes celles qui pensent que la France doit continuer de traiter correctement celles et ceux qui demandent, au nom de la liberté, l’asile à la République française parce qu’ils sont pourchassés dans leur pays.