Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit d’asile et, plus généralement, l’immigration sont des questions sensibles. Notre Haute Assemblée a eu à en connaître en 2007, avec l’étude du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile. La semaine passée encore, un débat sur ce thème était organisé au sein de notre assemblée et une proposition de loi socialiste était âprement débattue à l’Assemblée nationale.
Dès 2007, dans le rapport qu’il remettait au nom de la commission des lois, notre collègue François-Noël Buffet souhaitait que la réforme de la Cour nationale du droit d’asile fût l’occasion d’engager une réflexion plus large sur le champ de compétence de cette juridiction.
La CNDA étant la juridiction spécialisée en matière d’asile, c’est avant tout dans un souci de cohérence qu’il convient de lui confier également les recours contre les décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile. En effet, la loi de 2007 attribuait la compétence relative à ces recours aux tribunaux administratifs, mais leur expertise est naturellement moins assurée dans ce domaine que celle de la CNDA, qui est une juridiction spécialisée.
Par conséquent, selon moi, cette réforme introduit une simplification et une rationalisation nécessaires.
Elle constitue une avancée en faveur des droits des demandeurs d’asile, puisque ces derniers verront leurs recours examinés par des magistrats spécialisés. Dans la même optique, je tiens à saluer l’adoption en commission d’un amendement tendant à allonger le délai de recours pour le porter de quarante-huit à soixante-douze heures. Cela répond, me semble-t-il, à une critique récurrente des associations d’aide aux demandeurs d’asile.
Permettez-moi également de souligner l’apport de la commission pour encadrer l’appréciation du caractère manifestement infondé de la demande.
Le contentieux de l’asile a connu de fortes évolutions ces dernières années, principalement depuis la réforme de 2007.
Malgré la création du référé-liberté en 2000, le nombre des recours était resté très résiduel jusqu’en 2007. À la veille de la réforme, seulement quatre-vingt-douze de ces référés avaient été formés.
En 2008, après l’adoption du caractère suspensif du recours sous la pression de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, a eu lieu une explosion du nombre des recours, voire une systématisation de ceux-ci, avec l’aide d’avocats spécialisés ; c’était prévisible ! De fait, les recours ont décuplé. On est en effet passé de moins d’une centaine de requêtes à plus de mille requêtes par an et, depuis le début de l’année 2009, cette inflation semble perdurer, puisqu’une centaine de requêtes seraient formées chaque mois.
Ces chiffres démontrent les évolutions rapides de ce contentieux particulier et la nécessité d’un traitement par des magistrats spécialisés, afin de garantir une efficacité maximale dans l’examen des recours, que la réponse soit positive ou négative.
Cette proposition de loi m’apparaît donc justifiée.
Cela étant, le succès d’un transfert du contentieux de l’asile à la frontière à la CNDA ne sera bénéfique que si certaines conditions sont réunies.
Il faut que la réforme de la CNDA prévue par la loi de 2007 soit suffisamment rapide et approfondie. Or, même si la loi de finances initiale pour 2009 prévoit les crédits nécessaires à l’augmentation du nombre de magistrats permanents au sein de la Cour, ce nouveau recrutement a été « calibré » sans tenir compte d’un transfert du contentieux de l’asile prévu dans la présente proposition de loi.
À mon tour, je rappelle que l’obligation de statuer dans un délai de soixante-douze heures – il est vrai que c’est une demande de la commission – imposera d’organiser des permanences.
Tous ces éléments illustrent la nécessité de prévoir un renforcement préalable des effectifs et des moyens de la CNDA. J’observe d’ailleurs que tout allongement des délais de jugement augmente les dépenses liées à la prise en charge des demandeurs d’asile telles que, entre autres, les frais d’hébergement et l’allocation temporaire d’attente. Par conséquent, limiter le nombre de magistrats pour des raisons budgétaires ne ferait qu’accroître les coûts par ailleurs.
Pour terminer, je souhaiterais m’adresser amicalement à mes collègues du groupe socialiste. Je le rappelle, cette proposition de loi a un objet technique précis : le transfert d’un contentieux des tribunaux administratifs vers une juridiction spécialisée.