Intervention de Éric Besson

Réunion du 6 mai 2009 à 14h30
Entrée sur le territoire français au titre de l'asile — Adoption d'une proposition de loi

Éric Besson, ministre :

Il n’existe pas de délit de solidarité en France. J’aurai l’occasion d’y revenir, mais je le dis d’emblée.

Certains d’entre vous le savent – je l’ai déjà souligné voilà quelques jours, à l’occasion du débat que vous avez initié, madame Escoffier, ce dont je vous remercie –, le délit de solidarité n’est pas une création récente. Il y a onze ans, Noël Mamère et un certain nombre d’associations reprochaient en effet à Jean-Pierre Chevènement et au Gouvernement ce qu’ils appelaient le « délit d’humanité », à savoir le fait que des associations et des particuliers étaient susceptibles d’être interpellés, gardés à vue ou condamnés sur la base de l’article L 622-1.

Jean-Pierre Chevènement avait démonté l’argument en démontrant largement l’absence de fondement de cette suspicion, ainsi que l’inutilité et le danger des amendements en question. Si la Haute Assemblée choisit d’en débattre, j’essaierai d’apporter la même démonstration puisque le problème est le même.

J’attire votre attention sur le mal que vous faites à la nation et à l’image de la France à l’extérieur en colportant ce type de contre-vérités. Suggérer que les migrants sont traités comme des délinquants, c’est grave !

Les migrants de Calais, les réfugiés potentiels, les étrangers en situation irrégulière se trouvant à Calais ne veulent pas rester sur notre territoire ! Le mal vient de là. Ils sont anglophones et anglophiles ; ils ont de la famille outre-Manche et veulent à tout prix rejoindre le Royaume-Uni !

S’ils voulaient rester sur notre territoire, nous pourrions bien mieux les traiter ! Le problème de leur hébergement, ce qu’on appelle la « jungle », est lié au fait qu’ils veulent non pas être hébergés mais pouvoir dormir à proximité immédiate de la zone portuaire, pour accroître leurs chances statistiques d’entrer illégalement, à bord d’un camion ou d’un bateau, sur le territoire britannique, lequel n’en veut pas. Voilà le drame de Calais ! La France n’y est pour rien, elle essaie de traiter correctement cette situation, et nous ne devrions pas dénigrer notre propre action.

En ce qui concerne le fond, vous avez évoqué la réforme de la procédure d’instruction des dossiers de naturalisation. La rationalisation a pour objet d’éviter une double instruction.

Actuellement, une double instruction est en effet menée dans les préfectures et à la sous-direction de l’accès à la nationalité française, installée à Rezé. C’est un gâchis, une perte de temps pour l’État et une sous-utilisation des capacités des fonctionnaires.

Il n’y aura pas de rupture du principe d’égalité. La décision reviendra toujours à l’autorité ministérielle. Le décret sera toujours signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre en charge de l’immigration. La sous-direction de l’accès à la nationalité française aura au contraire pour fonction de veiller à la bonne harmonisation. N’ayez donc aucune crainte à ce sujet.

D’ailleurs, pourquoi y aurait-il par essence, sauf à démontrer l’existence d’un microclimat particulier, de bons fonctionnaires républicains soucieux de l’intérêt général à Rezé, mais de mauvais préfets et des fonctionnaires peu soucieux de l’intérêt général et de l’état de droit républicain dans toutes les préfectures de France ? Je ne souscris pas à cette analyse. Il n’y a pas de remise en cause de la naturalisation. Cette dernière reste, dans la tradition française, le moyen privilégié d’accès à la citoyenneté. Je vous le rappelle, la France est le pays d’Europe le plus généreux en matière de naturalisation puisqu’elle n’exige que cinq ans de suivi.

J’ajoute, monsieur Gautier, que votre remarque concernant Calais tombe singulièrement mal : depuis lundi, à la demande des associations, les migrants du Calaisis qui souhaitent demander l’asile en France peuvent le faire à la sous-préfecture de Calais. En effet, pour éviter aux étrangers en situation irrégulière et aux associations les aidant de faire les cent kilomètres qui séparent Calais d’Arras, l’État français, à ma demande, et après discussion avec les associations, a ouvert cette semaine une permanence, . Ainsi, ceux qui souhaiteraient demander l’asile en France pourront le faire à Calais. Vous aurez sans doute l’occasion tout à l’heure de m’en donner acte et de saluer la République française.

M. Zocchetto a parfaitement résumé les raisons pour lesquelles cette réforme peut être utile et nécessaire en évoquant ce que pourraient apporter des magistrats spécialisés. Je souscris à ses propos et n’y reviendrai donc que très brièvement.

Comme Mme Escoffier après lui, M. Zocchetto a insisté sur un point important : la réforme ne sera réussie que si nous donnons réellement des moyens à la CNDA. Comme ils l’ont tous deux souligné, le Parlement a voté l’affectation à cette dernière de dix juges permanents. C’est une grande avancée.

S’agissant du transfert des effectifs et des moyens des tribunaux administratifs à la CNDA, ainsi que des aménagements qui seront opérés au sein de la juridiction administrative, je rappelle que la CNDA est rattachée en gestion au Conseil d’État. La réforme aura donc une grande cohérence.

Mais nous avons besoin de temps. C’est pourquoi j’ai évoqué l’échéance de 2011. Comme vous, madame Escoffier – et vos propos renforcent encore ma détermination à cet égard –, j’espère que la réforme sera réalisée dans un délai plus court. Elle le sera en tout cas en 2011 au plus tard, mais nous essayerons d’aller plus vite et de tenir compte de vos remarques légitimes.

Madame Assassi, vous faites preuve d’une très grande constance : je retrouve en effet dans le propos que vous avez tenu tout à l’heure les positions que vous aviez défendues la semaine dernière, lors du débat sur la politique de lutte contre l’immigration clandestine.

Mais votre conviction est fondée sur un présupposé selon lequel la France traite mal les étrangers qui sont présents sur son sol ou qui souhaiteraient y venir, et veut ériger des barrières à l’entrée de son territoire. Vous êtes convaincue de nos mauvaises intentions et vous battez en brèche tous les arguments que l’on peut vous présenter...

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