Ces arguments prouvent pourtant que vous avez tort.
En effet, l’Europe et la France ont accepté l’immigration légale ; 200 000 étrangers entrent chaque année sur notre sol au titre du long séjour ; deux millions de titres de court séjour sont accordés chaque année à des étrangers ; 100 000 personnes accèdent à la nationalité française chaque année ; et la France est le pays le plus généreux en termes de droit d’asile, et donc de réfugiés politiques venant s’installer sur son sol.
En outre, concernant la rétention administrative, sujet qui vous inquiète, je vous rappelle que la France, avec trente-deux jours légalement et dix jours dans les faits, a le délai de rétention le plus court en Europe. Ce délai est de trois mois ou de six mois dans de nombreux pays européens ; il est ailleurs encore de douze mois ou de vingt-quatre mois. Six pays européens appliquent même une durée de détention illimitée ! Madame la sénatrice, la France n’est pas telle que vous la décrivez !
Comme vous nous soupçonnez de mauvaises intentions, vous discutez non plus des faits mais de nos intentions supposées, ce qui rend le débat certes intéressant, mais surtout un peu plus complexe, comme vous en conviendrez.
Il n’y a pas et il n’y aura pas de confusion entre l’immigration et l’asile. Aucune confusion n’est possible pour les personnes de bonne foi.
L’OFPRA examine les demandes et statue en toute indépendance. Et le ministre de l’immigration, que ce soit mon prédécesseur ou moi-même, a toujours avalisé sans aucune exception les avis de l’OFPRA. Ce dernier agit donc en toute indépendance.
Par ailleurs, la CNDA est le juge de l’asile. La réforme, loin d’instaurer une confusion, comme vous le suggérez, instaure au contraire une distinction absolue.
Mais ne soyons pas naïfs : certaines personnes cherchent à entrer en France sous couvert de l’asile pour des raisons économiques, situation qualifiée par certains spécialistes d’« asile économique ». C’est humainement compréhensible et respectable, mais nous sommes obligés de renforcer la distinction à cet égard.
J’en viens maintenant à l’intervention de Mme Escoffier, qui a tenu des propos justes et équilibrés. Celle-ci considère que la proposition de loi de François-Noël Buffet apporte des améliorations certes modestes, pour reprendre ses propres mots, mais réelles, à défaut d’être révolutionnaires. C’est ainsi qu’il faut considérer, par exemple, la proposition de M. le rapporteur et de la commission de prolonger le délai de recours, proposition à laquelle le Gouvernement souscrit.
J’aurai l’occasion, dans la discussion des articles, de redire quelques mots sur le concept de « requête motivée ».
Madame Boumediene-Thiery, vous avez évoqué le contenu de la réforme du droit d’asile. Le texte est clair : la vérification porte exclusivement sur le caractère « manifestement infondé » de la demande d’entrée en France afin de bénéficier de ce droit.
Par ailleurs, pour répondre à la deuxième préoccupation que vous avez exprimée, je tiens à vous préciser que la CNDA ne sera pas liée par sa décision initiale, ni dans un sens ni dans l’autre.
Ensuite, sachez que votre suggestion visant à reconnaître un droit à un recours suspensif pour tous les refus d’entrée, et pas seulement au titre de l’asile, conduirait dans les faits à abolir toute distinction entre asile et immigration, et donc à une plus grande confusion. Nous y reviendrons peut-être au cours du débat.
En ce qui concerne les mineurs isolés, j’ai mis en place un groupe de travail afin qu’il se penche sur cette question. Reconnaissons que nous sommes confrontés à une difficulté particulière liée, là encore, à notre générosité : la France se montre particulièrement accueillante envers les jeunes mineurs isolés entrant sur son territoire, qu’elle traite fort correctement ; néanmoins, une fois que ceux-ci sont parvenus à la majorité, les difficultés apparaissent, et ce sont ces dernières que je m’efforce de traiter.
Madame la sénatrice, la première partie de votre intervention était technique. En revanche, vous avez évoqué dans la seconde partie ce que seraient les noirs desseins du Gouvernement, affirmant – cela m’a presque rassuré – que nous voulions une justice « expéditive, secrète, partiale ». De ce jugement, je dirai qu’il est certes expéditif et partial, mais qu’il a le mérite d’être public, et donc de ne pas rester secret !