Mon intervention sur l’article 1er se fonde sur deux raisons.
La première est purement technique. Dans le cadre de cette semaine d’initiative sénatoriale, si nous examinons certes un nombre non négligeable de propositions de loi, nous le faisons dans des conditions difficiles : temps de parole chronométré – nous l’avons expérimenté lors de l’examen de notre proposition de loi sur le bouclier fiscal –, discussions générales n’excédant quasiment jamais une heure, ce qui aboutit pour mon groupe à un temps de parole de sept minutes ! Comment, en sept minutes, développer notre position sur tel ou tel sujet, en l’occurrence notre opposition à ce texte ?
La seconde raison repose sur une interrogation. Quand bien même serait justifié le transfert du contentieux du refus de l’entrée sur le territoire au titre de l’asile vers la Cour nationale du droit d’asile – mais ce n’est pas le cas à nos yeux –, permettrait-il d’assurer un recours effectif et suspensif aux demandeurs d’asile ? Je ne le crois pas.
En effet, l’article 1er de la proposition de loi, qui constitue le cœur de cette dernière, réécrit les neufs premiers alinéas de l’article L. 231-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le recours contre une décision de refus d’entrée sur le territoire français, au titre de l’asile, serait désormais introduit devant la CNDA et non plus devant le tribunal administratif.
L’article 1er prévoyait, dans sa version initiale, de conserver l’actuel délai de quarante-huit heures permettant à l’étranger d’introduire ce recours, et l’exigence de présenter une requête motivée.
Ce délai de quarante-huit heures actuellement en vigueur est beaucoup trop court, surtout lorsqu’il expire un dimanche ou un jour férié. Nous avions d’ailleurs dénoncé ce point en 2007, lors de l’examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, car ce délai atténue le caractère effectif du recours. Voilà pourquoi nous avons déposé une proposition de loi en octobre dernier. Il s’agissait de rendre ce recours réellement effectif en allongeant ce délai.
La commission des lois, sur l’initiative du rapporteur et de nos collègues socialistes, a porté ce délai à soixante-douze heures. L’allongement du délai constitue à n’en pas douter une avancée, tout autant que la suppression de l’exigence de requête motivée. Cette exigence représente en effet un obstacle pour les demandeurs d’asile qui doivent rédiger en très peu de temps une requête motivée en français, éventuellement étayée par des documents, des témoignages, etc. et qui, si elle est insuffisamment motivée, peut être rejetée.
L’allongement du délai de recours et la suppression de la requête motivée constituent donc deux avancées, mais ce seront les seules de cette proposition de loi.
En effet, la décision de refus d’entrée sur le territoire prise par la CNDA ne sera même plus susceptible d’appel : l’étranger devra former un recours en cassation devant le Conseil d’État.
Actuellement, la décision du tribunal administratif est susceptible d’appel devant la cour administrative d’appel territorialement compétente, dans un délai de quinze jours. Hélas ! ce recours n’étant pas suspensif, il arrive que l’étranger ait déjà quitté le territoire français lorsque la décision de la cour administrative d’appel est rendue, ce qui est évidemment trop tard. Nous en reparlerons à l’occasion de certains de nos amendements revenant sur ces questions.
Enfin, l’article 1er entérine le principe du juge unique et des audiences foraines au sein de la zone d’attente, ainsi que celui de la visioconférence. Ces trois dispositions contribuent au développement de ce que Mme Assassi appelait, dans la discussion générale, une « justice au rabais » pour les étrangers, puisqu’elles privent ces derniers d’un procès dans des conditions équivalentes à celles que nous assurons aux autres justiciables.
Toutes ces raisons, conjuguées à celles qui ont été exposées dans la discussion générale et que nous développerons tout au long du débat, confirment que l’article 1er et le transfert du contentieux vers la CNDA constituent un recul pour les étrangers qui viendront demander l’asile.