Mme Assassi a évoqué, dans la discussion générale, les raisons de notre opposition à ce transfert de contentieux vers la CNDA. Vous comprendrez donc que nous demandions la suppression de l’article qui le met en œuvre.
Les objectifs de cette réforme ne trouvent pas leur raison d’être dans la pratique : le tribunal administratif de Paris n’est ni engorgé, contrairement à la CNDA, ni incompétent pour juger des recours contre des décisions de police administrative. Au contraire, les juges administratifs de droit commun ont vocation à juger des recours pour excès de pouvoir et n’ont pas besoin de connaissances géopolitiques pour examiner les recours contre un refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile. En effet, le rôle du juge administratif consiste à examiner si la demande d’entrée sur le territoire au titre de l’asile est, ou non, « manifestement infondée », rien de plus. Il ne doit pas se prononcer sur le fond de la demande : nul besoin d’être spécialiste du droit d’asile !
Est-il nécessaire, dans ces conditions, de transférer ce contentieux à un juge qui est justement spécialisé, la CNDA ? Cette juridiction de plein contentieux examine les recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, chargé d’octroyer ou non le statut de réfugié. Elle n’est pas plus qualifiée que le juge administratif de droit commun pour statuer sur une mesure de police ; au contraire, elle risque de statuer a priori sur la demande d’asile.
On nous demande de faire confiance aux magistrats et de nous fier à leur intime conviction. Étant donné que le caractère « manifestement infondé » d’une demande asile, malgré la jurisprudence du Conseil constitutionnel, peut faire l’objet d’appréciations très différentes, certains magistrats prendront position dans un sens ou dans l’autre, ce qui aggravera les distorsions entre les décisions. Il vaut donc mieux que nous restions méfiants, malgré tout le respect dû aux magistrats.
Le risque existe bel et bien que la CNDA procède non seulement à un contrôle du caractère « manifestement infondé » de la demande d’asile mais aussi à une analyse du fond de cette demande. Ce risque est aggravé par le fait que la formation qui sera chargée de juger ne sera pas collégiale : un juge unique devra examiner la demande, ce qui empêchera de tempérer la tentation de certains de juger sur le fond la demande d’asile.
Enfin, confier ce contentieux à la CNDA, spécialisée dans la contestation des décisions refusant d’octroyer le statut de réfugié politique, aboutit à enfermer ce contentieux dans le seul champ du droit d’asile : l’extension du recours suspensif aux autres étrangers, que nous demandions avec notre amendement n° 28, devient ainsi impossible.
Toutes ces raisons doivent vous conduire, mes chers collègues, à rejeter le transfert du contentieux du refus de l’entrée sur le territoire au titre de l’asile vers la CNDA.