Cet amendement a pour objet de modifier sur un point l’article 1er du texte adopté par la commission. En clair, il vise à réintégrer dans ce dernier les mots : « par requête motivée ».
En effet, la suppression de la requête motivée, comme vous nous le demandez, aboutirait à introduire une dérogation, valable pour le seul contentieux de l’asile à la frontière, à une règle générale de procédure selon laquelle toute requête « contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge ». Cette règle, énoncée à l’article R. 411-1 du code de justice administrative pour les juridictions administratives de droit commun, est actuellement rappelée, s’agissant du contentieux de l’asile à la frontière, à l’article L. 213-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : l’étranger peut « demander l’annulation [du refus d’entrée], par requête motivée, au président du tribunal administratif ».
L’exposé des moyens, c’est-à-dire des raisons de droit ou de fait – ces dernières sont essentielles dans le domaine de l’asile – qui fondent la contestation de la décision administrative, permet au juge de se concentrer sur les aspects de la décision posant difficulté. Ces indications peuvent être sommaires, j’y insiste particulièrement : le juge administratif a coutume, en ce domaine, de se montrer extrêmement bienveillant, sans s’encombrer d’un formalisme excessif. Il demande simplement que le requérant lui précise sur quoi se fonde la contestation de la décision : raisons de droit, de fait, mauvaise interprétation, etc. Par ailleurs, ces indications permettent également, dans les procédures d’urgence, de gérer efficacement le temps disponible et de bien préparer l’audience.
La suppression de l’exigence de motivation de la requête en matière de contentieux de l’asile à la frontière pourrait créer un précédent fâcheux pour d’autres procédures contentieuses, notamment dans le domaine des procédures d’urgence. Vous avez souhaité l’allongement de quarante-huit heures à soixante-douze heures du délai de recours. La satisfaction de ce souhait fait tomber l’objection selon laquelle la brièveté du délai ne permettrait pas au requérant de motiver, même sommairement, sa requête : il serait paradoxal que l’allongement du délai aboutisse à la suppression de l’obligation de motivation de la requête, qui était jusque-là imposée.
Aujourd’hui, la loi prévoit un délai de recours de quarante-huit heures et la présentation d’une requête motivée. Vous avez souhaité allonger ce délai à soixante-douze heures, et le Gouvernement a émis un avis favorable sur ce point. Mais, dans ces conditions, supprimer l’obligation d’une requête motivée introduirait un grand déséquilibre dans notre législation.
Pour rassurer la Haute Assemblée, en particulier la commission des lois, je rappellerai que le Haut commissariat pour les réfugiés, le HCR, a relevé de son côté, dans son avis sur la proposition de loi, que « l’allongement des délais de recours de quarante-huit à soixante-douze heures [...] est une mesure positive susceptible d’améliorer les conditions de préparation du recours. Par conséquent, la suppression de l’obligation de motivation de la requête pourrait s’avérer superflue si les personnes concernées disposent d’un peu plus de temps pour se préparer à leur passage devant le juge ».
Voilà pourquoi je demande instamment au Sénat d’adopter cet amendement du Gouvernement.