Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’urgence toute relative dans laquelle le projet de loi pour le développement économique des outre-mer a été examiné par les deux assemblées nous amène aujourd’hui à tirer les conclusions de la commission mixte paritaire.
Le projet de loi, comme nous l’avions souligné lors de la discussion en première lecture, a connu un certain nombre d’évolutions.
En effet, sur l’initiative du Gouvernement, le texte a subi des modifications sensibles, notamment celle qui consiste à donner une certaine forme de reconnaissance législative à ce que l’on a appelé « l’accord Jacques Bino », ce protocole de fin de conflit négocié en Guadeloupe.
Pour le reste, l’essentiel des dispositions du projet de loi ne diffère pas sensiblement des orientations jusqu’ici imprimées par la politique concernant l’outre-mer. La plus grande partie des articles votés ouvre, en effet, de nouvelles voies à l’optimisation fiscale et le souci de « recentrage » d’une partie du dispositif Pons-Girardin ne doit pas faire illusion.
Nous ne pouvons que le regretter, ne serait-ce que parce que l’urgence des solutions à apporter à la situation de l’outre-mer telle qu’elle s’est manifestée à l’occasion des puissants mouvements sociaux de l’automne dernier en Guyane et de cet hiver en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion, avait donné un relief tout particulier à la discussion de ce projet de loi.
Même si nous ne sommes aucunement d’accord sur les solutions à appliquer au constat de crise sociale profonde que connaissent nos départements et collectivités ultramarins, le fait est que la première lecture avait été l’occasion d’un examen approfondi de nombre de questions.
Pour ce qui nous concerne, nous attendions depuis de fort longues années que la situation de l’outre-mer français soit appréhendée d’une autre manière que celle qui avait jusqu’ici présidé à son examen.
Lors de la discussion en première lecture, nous avons repoussé au plus loin les « clichés », les idées reçues, le conformisme satisfait du passé. Le Sénat, d’une certaine manière, avait l’audace ou le courage de dire les choses comme elles étaient ou comme elles étaient ressenties.
Le problème, c’est que le contenu du projet de loi semble terriblement éloigné des attentes des populations et ne répond qu’à la marge aux questions soulevées par la situation sociale et économique de l’outre-mer.
Nous attendons d’ailleurs avec une certaine impatience la publication effective des chiffres du sous-emploi dans les départements d’outre-mer, publication dont nous devions avoir communication depuis l’adoption de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, promulguée, je le rappelle, en août 2007.
Le projet de loi, nous l’avons dit, perfectionne, en les rendant plus sophistiqués, les dispositifs de défiscalisation, quand bien même un certain volume de la dépense fiscale découlant des dispositifs d’aide à la construction de logements sera finalement supprimé.
Nous sommes plutôt circonspects devant un texte qui fait de la défiscalisation l’arme principale des politiques publiques, proclame par ailleurs certaines priorités d’engagement direct de l’État sans leur en attribuer les moyens correspondants et finit par faire de la régulation budgétaire, comme nous le voyons sur un certain nombre de demandes sociales telle celle qui a trait à la continuité territoriale.
Nous avions voté contre le projet de loi au terme de la première lecture et rien ne semble devoir faire varier notre position de fond.
De surcroît, s’il fallait trouver une ultime raison d’adopter cette position, elle résiderait dans l’état actuel de la situation de l’outre-mer.
Depuis plusieurs semaines, en effet, les médias, les journaux, la télévision publique, se répandent en articles et reportages pour expliquer que nos départements et collectivités d’outre-mer ont vu leur image écornée par les différents mouvements sociaux qui s’y sont déroulés. Des reportages quasiment apocalyptiques prétendent nous montrer, par exemple, que la saison touristique aux Antilles est plus ou moins perdue, que l’économie de l’ensemble des îles va être gravement touchée... que sais-je encore !
Mais les faits sont têtus.
Alors même que se déroulent les états généraux de l’outre-mer, en l’absence de beaucoup des acteurs du mouvement social, syndical et culturel ultramarin – on peut le regretter, mais c’est la réalité ! –, il semble bien que ce soit l’État lui-même qui ait quelque peine honorer ses engagements ! C’est sans doute là qu’il faut trouver la raison de la poursuite, sous des formes diverses, du mouvement social en outre-mer.
L’impatience est grande et les réponses apportées semblent encore aujourd’hui sans commune mesure avec l’attente... Pourtant, quelqu’un nous a dit : « Je crois que nous sommes arrivés à la fin d’un cycle historique en outre-mer. Nous n’apporterons pas de réponses appropriées si nous nous contentons d’accumuler des annonces financières et techniques. »
C’est bien à l’aune de cette appréciation qu’il conviendrait, sur le fond, de concevoir, enfin, un texte prenant mieux en compte les réalités ultramarines, ce qui fait blocage ou handicap comme ce qui fait potentiel ou capacité.
Nous ne sommes pas au bout du travail, c’est le moins que l’on puisse dire, et nous espérons beaucoup des auditions menées par notre mission d’information sur la situation des départements d’outre-mer.
Dans cette attente, en cohérence avec l’expression des mouvements sociaux, avec l’affirmation grandissante de la personnalité de chacun de nos territoires ultramarins, nous ne pouvons que confirmer notre rejet du texte au terme de la présentation des conclusions de la commission mixte paritaire.