Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 28 avril 2010 à 14h30
Saisie et confiscation en matière pénale — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui a pour objectif de renforcer l’effet dissuasif d’une sanction pénale en offrant aux autorités judiciaires la possibilité de lui adjoindre une privation des profits que les délinquants auraient pu tirer de leur activité illicite.

S’inspirant du rapport de mission de Jean-Luc Warsmann, consacré, en 2004, à la lutte contre les réseaux de trafiquants de drogue, cette proposition de loi s’inscrit dans une évolution législative tendant à consolider notre arsenal juridique en matière de confiscation.

Avec la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, le Parlement avait déjà élargi les possibilités de confiscation, en visant notamment des biens qui ne constituent pas strictement l’instrument ou le produit de l’infraction.

Un an après, nous adoptions la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance afin de perfectionner la détection en amont des biens susceptibles de faire l’objet d’une mesure de confiscation.

Malgré ces profondes réformes, notre excellent rapporteur, François Zocchetto, dont je salue le travail, a judicieusement souligné que la saisie « restait privée en partie de son effectivité dès lors que les biens susceptibles d’être concernés n’avaient pu faire l’objet d’une saisie ou d’une mesure conservatoire dès le début de l’enquête ».

La procédure de saisie aux fins de confiscation souffre principalement de deux lacunes : en premier lieu, un manque de précision quant au régime de la saisie avant jugement des biens ne constituant pas l’instrument ou le produit de l’infraction ; en second lieu, un manque d’adaptation quant aux saisies d’immeubles ou de meubles incorporels, et quant aux saisies n’impliquant pas dépossession.

C’est pourquoi ce texte, déposé sur l’initiative de nos collègues députés Jean-Luc Warsmann et Guy Geoffroy, tend, d’abord, à élargir le champ des biens susceptibles d’être saisis et de la peine complémentaire de confiscation, ensuite, à créer une procédure de saisie pénale aux fins de confiscation, et, enfin, à améliorer la gestion des biens saisis avec la création d’une agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.

Le principe prévu par notre droit pénal de la confiscation des instruments et des biens en rapport avec l’infraction apparaît très dissuasif. En effet, pouvant être prononcé soit à titre de peine alternative, soit à titre de peine complémentaire, le transfert de la propriété de biens, sans indemnité ni contrepartie, au profit de l’État se révèle un moyen puissant pour lutter contre les activités criminelles.

Néanmoins, la peine de confiscation ne peut être exécutée qu’une fois la décision de condamnation devenue définitive. C’est en raison de ce caractère tardif, et au regard des forts risques de voir dissipés les éléments du patrimoine issus des activités illicites d’une personne mise en cause, que la mesure perd son effectivité.

C’est pourquoi la proposition de loi prévoit la possibilité pour les autorités judiciaires de saisir, dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire et de l’instruction, l’ensemble des biens confiscables.

Cette disposition instaure donc une véritable assurance de résultat pour la peine de confiscation et permet ainsi de garantir les droits des tiers lors de leur indemnisation.

De plus, le texte étend le champ des biens confiscables à l’ensemble des biens meubles ou immeubles, divis ou indivis, et aux biens ou droits incorporels. Sur proposition de notre rapporteur, il a été décidé d’inclure expressément les sommes acquises de façon illicite et placées sur des contrats d’assurance sur la vie.

Le texte étend par ailleurs la peine complémentaire de confiscation en cas de condamnation pour proxénétisme, trafic de stupéfiants et infraction à la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard.

Ainsi, la saisie ne se limite plus seulement aux éléments de preuve tendant à la manifestation de la vérité, mais va apporter, dès le début de l’enquête, les sûretés nécessaires à l’exécution de la peine de confiscation.

Les membres du groupe UMP et moi-même nous en réjouissons.

La présente proposition de loi vise également à instaurer une nouvelle procédure pénale de saisie.

En l’état actuel de notre droit, les mesures de saisie aux fins de confiscation ne sont possibles qu’en cas d’infraction relevant de la criminalité organisée et sont régies par les modalités prévues par les procédures civiles répondant à une logique spécifique de recouvrement de créance.

Constatant l’inadéquation de la procédure civile et le vide juridique dans la procédure pénale, les auteurs de la proposition de loi instaurent une procédure spéciale de saisie pénale. Elle permet ainsi d’éviter l’insécurité juridique, cette dernière étant liée au fait que certains magistrats ne s’opposent pas à ce qu’un juge d’instruction autorise la saisie des biens sur le fondement des articles 81 et 99 du code de procédure pénale, alors même que d’autres sont réticents.

Le juge pénal est dès lors doté de prérogatives de puissance publique lui permettant de saisir, de manière rapide, les éléments du patrimoine constitués par l’exercice d’une activité illicite.

L’ensemble des évolutions que je viens de vous présenter, auxquelles le groupe UMP et moi-même sommes favorables, fait l’objet d’un large consensus au sein de l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale.

Mes chers collègues, la commission a adopté à l’unanimité l’ensemble des amendements présentés, traduisant le consensus que recueille cette proposition de loi. Nous nous en félicitons.

Au-delà de ce consensus national, ce texte s’inscrit dans un processus de réforme plus large. En effet, l’Union européenne et les pouvoirs publics cherchent, depuis plusieurs années, par différents moyens et instruments juridiques, à lutter plus efficacement contre les activités criminelles au niveau transnational.

Concernant les moyens juridiques affectés à cette lutte, notre droit pénal a, au fil des années, et au regard de la décision-cadre du 22 juillet 2003 transposée en juillet 2005, rendu plus facile la saisie de biens à des fins conservatoires dans le cadre d’une procédure engagée par un autre État membre.

Le texte dont nous débattons renforce cette coopération interétatique en insérant un ensemble de dispositions de coordination, notamment l’inscription dans notre droit du principe de la communication directe entre les autorités compétentes de chaque État. Il en résulte une simplification et une clarification des procédures de coopération.

S’agissant des instruments juridiques, plusieurs entités ont été constituées sur le plan national, tels les groupements d’intervention régionaux, créés par une circulaire interministérielle de mai 2002, ou encore la plateforme d’identification des avoirs criminels, créée en septembre 2005.

Le but est d’améliorer l’identification des patrimoines des délinquants, aussi bien en France qu’à l’étranger, en vue d’augmenter les saisies et les confiscations.

Comme le souligne notre rapporteur, « cette approche pluridisciplinaire et ce décloisonnement des services » permettent de systématiser la « vision financière des investigations » afin d’augmenter le montant total des saisies et des mesures conservatoires, toujours dans une visée dissuasive.

Parce que l’efficacité des peines confiscatoires passe par une bonne gestion, la proposition de loi établit dans la continuité l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Cet établissement public administratif sera chargé essentiellement de gérer, sur mandat d’une juridiction nationale ou étrangère, les biens saisis.

Au vu de ces quelques remarques, le groupe UMP votera favorablement cette proposition de loi.

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