Intervention de Gérard Cornu

Réunion du 8 avril 2010 à 15h00
Entrepreneur individuel à responsabilité limitée — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Gérard CornuGérard Cornu :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la moitié des entrepreneurs français exercent en nom propre leur activité professionnelle et s’exposent ainsi à ce que la totalité de leur patrimoine professionnel et personnel soit saisie en cas de difficultés.

Il y a une très profonde injustice dans notre pays, un décalage trop important entre le régime de l’entrepreneur, littéralement « sans filet », et, à l’extrême opposé, celui du fonctionnaire, « superprotégé ». Si le risque professionnel est un choix assumé, il ne doit pas conduire à la ruine des familles.

Le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée répond à cette injustice et à une demande formulée depuis près de trente ans par tous les professionnels – artisans, commerçants, dirigeants de petite entreprise –, en consacrant, enfin, la notion de patrimoine affecté.

Le rapport commandé à Xavier de Roux, ancien député, remis en novembre 2008, a permis de rompre avec le dogme de l’unicité du patrimoine. Nul doute que votre volontarisme, monsieur le secrétaire d'État, et le soutien du Président de la République auront eu raison des dernières réticences de la Chancellerie.

Après l’auto-entrepreneur – votre « bébé », en quelque sorte ! –, l’affectation du patrimoine constitue une avancée majeure dans la possibilité de créer une entreprise.

En effet, je l’ai moi-même vécu, la création de sa propre entreprise débute toujours dans l’enthousiasme. On ne se pose pas forcément la question au départ de la forme juridique la plus appropriée. Souvent, on choisit l’entreprise individuelle. Puis, un petit peu plus tard, certains experts en la matière viennent vous mettre en garde : l’entreprise individuelle n’est pas une forme juridique très protectrice, et mieux vaut créer une société. À cet égard, je le souligne à mon tour, l’EURL a constitué une vraie avancée.

Pour autant, l’EURL a un seul actionnaire : pour certains des clients et des fournisseurs, c’est une barrière psychologique difficile à franchir. Beaucoup d’entrepreneurs préfèrent donc se constituer en SA ou en SARL.

Dans le cas de la SARL, si vous voulez être majoritaire, vous ne pouvez pas être salarié et, donc, vous protéger de manière satisfaisante. Ou alors vous créez une SARL avec gérant minoritaire, mais, alors, vous n’avez plus le droit de détenir 50 % ou plus des actions. Et vous partez alors à la recherche d’actionnaires…

Voilà, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le système actuel ! C’est tout juste si l’on ne vous conseille pas de changer de régime matrimonial. Pour ne pas nuire à votre conjoint, mieux vaut peut-être tout simplement divorcer : avec des patrimoines distincts, vous serez tous les deux tranquilles !

Certes, beaucoup a déjà été fait pour protéger les entrepreneurs individuels, depuis la création de l’EURL par la loi du 11 juillet 1985. M. le rapporteur l’a rappelé, la mise en œuvre d’un patrimoine affecté avait déjà été envisagée lors de la discussion de ce texte, avant d’être écartée, car considérée comme « extrêmement compliquée ». C’est d’ailleurs toujours la raison qui est invoquée en premier par ceux qui refusent d’agir…

La question s’est reposée depuis à de nombreuses reprises. Chaque fois, une avancée a été obtenue, mais aucun dispositif n’avait jamais encore été aussi clair et abouti que celui qui nous est soumis aujourd’hui.

Les deux premières tentatives législatives sont apparues dans la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle, dite loi Madelin, et dans la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi Dutreil, dont l’article 8 permet de déclarer l’insaisissabilité de la résidence principale.

Lors de l'examen de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, que j’ai eu l’honneur de rapporter ici même, j’ai le souvenir d’une nouvelle tentative intitulée « société civile artisanale à responsabilité limitée », la SCARL ! Celle-ci avait été écartée au motif qu’elle manquait singulièrement de la simplicité recherchée par les professionnels.

La dernière initiative en date figure dans la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, avec l’extension de l’insaisissabilité à l’ensemble du patrimoine foncier.

Monsieur le secrétaire d'État, le patrimoine affecté représente donc un changement d’approche radical. Si des zones d’ombre demeurent qui devraient encore être éclaircies, surtout s’agissant des mécanismes de garantie des crédits professionnels, vous nous avez donné, me semble-t-il, les explications nécessaires tout à l’heure.

Mes chers collègues, je tenais donc à féliciter sans réserve M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, car voilà un texte qui rencontre l’adhésion et le soutien de tous les professionnels !

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