Eh bien, comme vous pouvez le constater, c’est tout le contraire ! Encore une fois, vous êtes démentis, mais nous n’en tirerons pas de conclusion définitive…
En tout cas, le maintien de la procédure accélérée apporte la garantie que la réforme sera menée à son terme et sera bien opérationnelle dès le 1er janvier 2011, dans l’intérêt ô combien important des artisans, des commerçants, des professionnels libéraux et des agriculteurs.
J’en arrive à la simplicité du dispositif proposé, relevée à juste titre par de nombreux orateurs.
M. le rapporteur pour avis a rappelé les simplifications introduites par la commission de l’économie dans le texte du projet de loi. Le Gouvernement est notamment favorable à ce que les émoluments des notaires pour l’affectation de biens immobiliers soient fixes, et non proportionnels à la valeur du bien. M. Yves Pozzo di Borgo a opportunément souligné que le coût des procédures constitue l’une des clés du succès ou de l’échec d’un dispositif juridique.
De même, le Gouvernement sera favorable à une meilleure proportionnalité des sanctions en cas de non-respect des formalités administratives prévues. Il faut, par exemple, éviter que le non-dépôt des comptes n’ait pour conséquence la confusion du patrimoine. Ce serait là, de mon point de vue, une sanction disproportionnée.
M. Yves Pozzo di Borgo a proposé que la déclaration d’affectation s’effectue auprès des chambres d’agriculture. Le Gouvernement n’est pas, sur le principe, défavorable à cette proposition. Mais je lui demande – et il le comprendra - d’attendre, pour le proposer, que le répertoire agricole soit pleinement opérationnel dans les chambres d’agriculture, ce qui, reconnaissons-le, n’est pas le cas à l’heure où nous parlons.
MM. Jean-Jacques Hyest et Antoine Lefèvre ont rappelé la volonté de la commission des lois de réaffirmer le principe de non-rétroactivité du dispositif sur les créances antérieures. Le Gouvernement souhaite, en effet, faire reposer le dispositif sur une absence de rétroactivité, en particulier en ce qui concerne les créances antérieures. Bien entendu, comme l’a rappelé également Jean-Jacques Hyest, il est important de trouver un équilibre entre sécurité juridique et protection du patrimoine de l’entrepreneur.
En ce qui concerne l’insaisissabilité, vous souhaitez, messieurs Antoine Lefèvre et Michel Houel, le maintien du dispositif de l’insaisissabilité. Comme vous le savez, le texte initial proposé par le Gouvernement et voté par l’Assemblée nationale prévoyait la suppression – pour l’avenir – du dispositif de l’insaisissabilité au moment de l’entrée en vigueur de la loi sur l’EIRL, sans remettre en cause les droits acquis au titre des déclarations d’insaisissabilité effectuées antérieurement.
Cette mesure s’expliquait.
D’abord, le dispositif de l’insaisissabilité créé par la loi Dutreil d’août 2003 n’a jamais connu le succès escompté, même si l’on constate pour l’année 2009, avec la crise financière, un regain d’intérêt récent pour ce mécanisme.
Ensuite, dans un souci de simplicité, il peut paraître préférable de ne pas maintenir plusieurs dispositifs de protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel. On le sait bien ici, l’empilement des dispositifs offerts aux entrepreneurs finit, en effet, par être pour eux un facteur de complexité et de perplexité supplémentaire.
Enfin, seule l’option du patrimoine d’affectation permet de distinguer clairement patrimoine personnel, immobilier ou non, et patrimoine professionnel.
Ces arguments, que j’avais déjà servis à la commission des lois, n’ont pas été reçus. En effet, le texte qu’elle a établi prévoit le maintien des deux dispositifs, l’insaisissabilité et le patrimoine affecté. Je le regrette, vous l’aurez compris sans que j’y insiste davantage.
Vous m’avez interrogé, monsieur le rapporteur pour avis, sur les modalités d’intervention d’OSEO vis-à-vis des agriculteurs. La question est d’importance, et ma réponse sera précise.
Tout d’abord, aucune disposition réglementaire ou législative de droit interne ne s’oppose à l’intervention d’OSEO en faveur des exploitations agricoles.
Ensuite, OSEO intervient d’ores et déjà en faveur des agriculteurs. Ainsi, dans le cadre du plan de relance, OSEO a garanti en 2008 plus de 40 millions d’euros de prêts en faveur des agriculteurs. Plus globalement, OSEO intervient aujourd’hui en faveur des exploitations importantes, c'est-à-dire dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 000 euros.
Le Gouvernement n’est pas, sur le principe, opposé à un renforcement de l’intervention d’OSEO en faveur des exploitations agricoles de taille plus modeste. Mais il est exact qu’aujourd’hui les dispositifs notifiés au niveau communautaire ne prévoient pas cette intervention pour les plus petites exploitations. Cela étant, une notification supplémentaire pourrait y remédier.
Je souhaite que nous étudiions l’opportunité et la faisabilité de cette extension aux exploitations de faible taille, en lien avec OSEO, et en tenant compte, bien sûr, des autres dispositifs existants qui sont déjà accessibles au monde agricole. Je veux parler notamment des prêts bonifiés.
Les travaux auront lieu rapidement et nous pourrons ainsi revenir devant la Haute Assemblée avec des conclusions précises en prenant en compte l’ensemble des interventions actuelles des pouvoirs publics dans le domaine agricole.
En ce qui concerne OSEO, vous contestez, madame Nicole Borvo Cohen-Seat, que sa fusion ait sa place dans ce projet de loi. Je ne partage pas votre avis.
Je ne reviens pas sur l’utilité de cette fusion, qui apportera près de 4 millions d’euros d’économie par an à OSEO et simplifiera les circuits comptables de versement des aides aux entreprises.
Mais laissez-moi vous rappeler qu’OSEO soutient la création des entreprises individuelles sous forme de cofinancement et de garanties : 43 % des entreprises soutenues par OSEO au titre du prêt à la création d’entreprise concernent les entreprises individuelles, les entrepreneurs individuels. Nous sommes bien obligés de constater l’existence d’un lien qui, loin d’être ténu, est très fort entre OSEO et ce texte. Et un article qui vient s’insérer opportunément pour renforcer la capacité d’OSEO à agir dans ce domaine a donc parfaitement sa place dans le projet de loi.
En ce qui concerne le durcissement de la clause anti-abus, votre rapporteur ainsi que M. Claude Bérit-Débat se sont interrogés, à juste titre, sur la formulation de la clause anti-abus en cas d’option à l’impôt sur les sociétés.
Je voudrais rappeler quelques faits sur ce sujet.
En premier lieu, l’accès à l’impôt sur les sociétés est une question d’équité : l’EURL a accès à l’impôt sur le revenu, alors que c’est une société. Au nom de quoi l’EIRL n’aurait-elle pas accès à l’impôt sur les sociétés ? Les régimes fiscaux doivent être accessibles à toutes les formes d’activité. Et il ne doit pas y avoir de pratique ou de règle – ni a fortiori de loi -qui induise une préférence pour un statut, d’autant moins que l’EURL existe déjà depuis près d’un quart de siècle et qu’il n’a pas recueilli le succès escompté.
Si nous voulons donner toutes ses chances à notre création, il ne faut pas maintenir une injustice fiscale et donc ne pas remettre en cause la possibilité, pour l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, d’opter pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, car ce mode d’imposition est un moyen pour le Gouvernement d’inciter les entrepreneurs à l’autofinancement.
En effet, aujourd’hui, un entrepreneur individuel est redevable de l’impôt et des cotisations sociales sur l’intégralité de son bénéfice, quel que soit le montant des prélèvements de l’exploitant. Il n’est donc pas incité à laisser une partie du résultat dans l’entreprise.
En optant pour l’impôt sur les sociétés, son bénéfice sera taxé à 15 % ou 33, 33 %, après déduction de ses rémunérations et cotisations sociales afférentes. Ses rémunérations seront elles-mêmes imposables à l’impôt sur le revenu.
L’entrepreneur est donc davantage incité à réinvestir dans son entreprise la part de son bénéfice qui serait, sinon, soumise à cotisations sociales. Au total, le dispositif proposé par le Gouvernement me semble tout à fait pertinent.
Toutefois, pour éviter une perte de recettes sociales – certains s’en sont émus – au cas où l’entrepreneur ferait, malgré tout, un arbitrage entre les rémunérations et les distributions, le Gouvernement, s’inspirant de ce qui existait pour les sociétés d’exercice libéral, a prévu un dispositif adapté à la faiblesse des investissements dans les entreprises individuelles : c’est ce que l’on appelle la clause anti-abus.
Le texte qui vous est soumis prévoit ainsi que les distributions de bénéfices de l’EIRL sont soumises aux cotisations sociales pour leur montant excédant l’une des deux limites la plus favorable : 10 % de la valeur du patrimoine affecté ou 10 % du bénéfice net. Les 10 % de la valeur du patrimoine affecté sont assimilés à la rémunération du capital.
En outre, afin de tenir compte d’un spectre d’activités très vaste – activités artisanales, commerciales, libérales, agricoles – que couvre le projet de loi et qui conduit à des situations assez peu comparables, il a paru nécessaire de prévoir une seconde limite, ce qui a été évoqué par M. Philippe Marini.
Ce seuil exprimé en pourcentage - je parlais de 10 % du bénéfice net - est utile, car il permet de ne pas totalement priver de dividendes les activités naissantes et faiblement capitalistiques, ayant un patrimoine affecté très limité. Il y a des cas dans lesquels cette limite est fort utile.
Enfin, ce dispositif anti-abus, je le rappelle, n’existe pas pour les EURL, qui peuvent opter pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à un durcissement de la clause anti-abus.
De nombreux orateurs ont parlé des banques.
Mme Borvo Cohen-Seata eu raison de poser cette question cruciale pour l’avenir du nouveau régime : comment empêcher les banques de reconstituer leurs sûretés au travers de cautions personnelles, garanties des dirigeants et autres pratiques qui pèsent aujourd’hui sur l’entrepreneur ? C’est pour résoudre ce problème que j’ai obtenu d’OSEO l’engagement d’accompagner la mise en place de l’EIRL.
OSEO offrira à la banque une garantie pouvant aller jusqu’à 70 % des crédits, la banque s’engageant, en contrepartie, à ne retenir que les garanties sur les actifs affectés à l’activité, et pas sur les biens personnels de l’entrepreneur. Cette garantie aura un coût, bien sûr, estimé à 1, 20 % de l’encours par an. Mais ce coût est raisonnable au regard de la sécurisation qui est apportée aux différentes parties prenantes, l’entrepreneur, d’une part, et l’établissement bancaire, de l’autre.
Il s’agit d’une innovation importante, qui est de nature à répondre aux questions légitimes soulevées par nombre d’entre vous. C’est en effet le développement des mécanismes de garantie et de caution mutuelle qui permettra de répondre à votre préoccupation.
S’agissant du rôle des banques en matière de financement, je vous confirme, monsieur Vall, la totale détermination de l’État. Le Président de la République a d’ailleurs réuni, le 5 mars, les représentants des principales banques françaises, en présence de François Fillon et de Christine Lagarde. Le chef de l’État, avec lequel il est vrai j’avais évoqué ce sujet quelques jours auparavant, a particulièrement insisté sur l’importance de l’accès au crédit des PME, notamment en matière de trésorerie.
Les banques se sont engagées à consacrer en 2010 une enveloppe de 96 milliards d’euros aux crédits des PME et TPE. Dans cette enveloppe, 38 milliards d’euros seront dédiés aux crédits d’investissement. Ce montant engage les cinq principaux réseaux bancaires français et constitue une augmentation de 3 % par rapport aux crédits accordés en 2009.
Je conclurai par le régime de l’auto-entrepreneur, souvent évoqué au cours des débats.
Vous avez mentionné, madame Borvo Cohen-Seat, messieurs Bérit-Débat et Yung, des cas d’abus du régime de l’auto-entrepreneur. Je me suis déjà longuement exprimé sur ce sujet au début de la discussion générale, et j’y reviendrai lors de l’examen des amendements déposés sur ce sujet.
Une législation est bonne lorsqu’elle vise l’ordre général des choses. On ne crée pas une législation nouvelle pour réprimer tel ou tel abus. On légifère d’abord, puis le droit vient sanctionner les abus.
Nous avons trop souvent tendance à considérer qu’en tout Français il y a un fraudeur qui sommeille. §Je ne partage pas cette vision punitive de la vie économique.
Je rappelle simplement que les problèmes de travail dissimulé, dont certains d’entre vous se sont fait l’écho, ne sont pas propres au régime de l’auto-entrepreneur. Nous connaissons déjà ces cas de salariat déguisé : le droit du travail ne les ignore pas et la chambre sociale de la Cour de cassation, aux termes d’une jurisprudence constante qui couvre des rayons entiers de bibliothèque, condamne ces pratiques depuis des années, bien avant la création du régime de l’auto-entrepreneur.
Les services de l’État, c’est-à-dire l’URSSAF, l’inspection du travail et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, sont mobilisés pour réprimer les abus dès qu’ils apparaissent. Je peux vous assurer que, si ces abus sont avérés, notamment ceux qui ont été rapportés dernièrement par la presse – même s’il ne faut pas prendre toutes ces informations au pied de la lettre ! –, ils seront réprimés.
Mais, de grâce, ne remettons pas en cause un régime choisi par plus de 400 000 Français au nom de quelques abus isolés, et je remercie Philippe Marini de son intervention lumineuse sur le sujet.