Nous revenons à un débat que nous avons lancé dès la discussion générale.
À l’origine, le projet de loi disposait en son article 1er : « Un même entrepreneur individuel ne peut constituer plusieurs patrimoines affectés ». Cet article prohibait la constitution par un même entrepreneur de plusieurs patrimoines affectés. Un amendement du rapporteur, adopté par la commission des lois, a supprimé cet alinéa et ajouté un nouvel alinéa 7, prévoyant qu’« un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer que dans la composition d’un seul patrimoine affecté ».
L’amendement du rapporteur vise à éviter la solidarité financière entre deux activités indépendantes au sein d’un même patrimoine affecté, solidarité qui peut se traduire par l’extension des difficultés d’une activité à l’autre. Il prévoit donc une pluralité de patrimoines d’affectation, tout en garantissant leur étanchéité par l’intermédiaire de l’interdiction de l’affectation d’un même bien à plusieurs patrimoines.
Cet amendement est cependant problématique, car on lit dans son objet qu’« il est possible à un entrepreneur de créer plusieurs SARL de forme unipersonnelle ». Non seulement cela montre que l’EIRL n’apporte pas grand-chose au droit positif, mais surtout cela prouve qu’il recèle un piège. En effet, la différence entre l’EURL et l’EIRL se manifeste non pas dans leur régime, mais dans leur constitution.
L’EURL est une personne morale distincte de la personne de l’entrepreneur ; l’EIRL connaît la séparation des patrimoines, mais pas la distinction des personnes : c’est le principe même du patrimoine d’affectation.
Dans le cadre d’une EURL est prévue une obligation de déclaration de l’activité de la personne morale, quel que soit le montant du chiffre d’affaires, obligation qui n’existe pas hors du cadre du droit des sociétés et qui ne s’impose pas à l’auto-entrepreneur. On peut donc craindre que des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et « initiés » ne se servent de la relative opacité de leur statut pour multiplier les structures et se verser des formes de dividendes exonérés de l’impôt sur le revenu et, dans une certaine mesure, de cotisations sociales.
Instaurer la possibilité de la pluralité du patrimoine d’affectation revient à laisser à ces initiés toute latitude pour exploiter des niches fiscales et sociales.
Comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure à la tribune, peu d’entreprises, en tout cas dans le secteur du commerce et de l’artisanat, recourront à cette possibilité. Quel est donc économiquement l’intérêt d’une telle mesure ?