Madame Troendle, je puis vous assurer que le garde des sceaux est pleinement conscient de la nécessité de réformer en profondeur le dispositif actuel de protection des personnes vulnérables.
En effet, les textes applicables en la matière, qui datent de 1968, ne sont adaptés ni au besoin de mieux protéger les personnes vulnérables ni à l'accroissement considérable du nombre de mesures. Vous l'avez souligné vous-même, c'est un sentiment partagé.
Aujourd'hui, plus de 600 000 personnes font l'objet d'une mesure de tutelle ou de curatelle. Cela représente près de 1 % de la population française. Ce chiffre est en constante augmentation.
Une réforme d'ampleur est donc nécessaire.
Cette réforme poursuit deux objectifs : d'une part, rendre plus efficients les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures de protection juridique, d'autre part, mieux assurer le respect des libertés individuelles.
Ainsi, les mesures de protection juridique qui sont privatives de droits ne seront prononcées que pour les personnes présentant une altération de leurs facultés personnelles médicalement constatée et les empêchant de pourvoir seules à leurs intérêts. Ces mesures seront prises pour un temps limité et elles seront révisées régulièrement.
En outre, toute personne pourra, par un mandat de protection future, organiser à l'avance sa propre protection juridique pour le jour où elle ne sera plus en mesure d'agir seule.
Afin d'améliorer la prise en charge des personnes protégées, il sera créé une véritable profession de « mandataire judiciaire de protection des adultes », regroupant toutes les personnes extérieures à la famille à qui sont confiées les mesures de protection juridique.
Par ailleurs, avec la réforme, de nouvelles mesures d'accompagnement budgétaire et social seront instaurées, qui n'entraîneront pas d'incapacité juridique.
Ainsi sera-t-il proposé aux personnes qui se placeront dans une situation de danger du fait de leur inaptitude à gérer leurs prestations sociales une mesure d'accompagnement social spécifique destinée à rétablir leur autonomie financière. En cas d'échec ou de refus de cette mesure, le juge des tutelles pourra être saisi afin que soit prononcée une mesure judiciaire de gestion budgétaire et d'accompagnement social permettant la gestion des prestations sociales versées à l'intéressé.
Enfin, le dispositif de financement des mesures de tutelles, actuellement incohérent et injuste pour les personnes vulnérables, sera entièrement refondu.
L'avant-projet de loi fait actuellement l'objet d'une concertation approfondie auprès de l'ensemble des organismes publics et des collectivités concernés.
Le rétablissement du principe de subsidiarité des mesures de protection judiciaire par rapport aux mesures d'aide et d'assistance à caractère administratif implique en effet un important transfert de la sphère judiciaire vers l'aide sociale, c'est-à-dire vers les départements.
Or, à ce jour, les conditions de financement et de compensation de ce transfert n'ont pas encore fait l'objet d'un accord global.
Le travail de concertation doit donc se poursuivre, en particulier avec l'Assemblée des départements de France, qui est saisie de ce projet. Le Parlement examinera ce projet de loi dès que les conditions d'un accord global seront réunies.
Croyez bien, madame le sénateur, que le garde des sceaux est déterminé à poursuivre l'élaboration de cette réforme, qui crée de légitimes attentes chez nos concitoyens.