Avec cet article 12 et les suivants, nous abordons la question des risques directs ou indirects, immédiats ou différés, de la dissémination des OGM pour la santé publique et l'environnement. Il s'agit de faire référence à la directive 2001/18/CE quant à l'évaluation des risques considérés.
Or, pour ma part, j'ai le sentiment que le principe constitutionnel de précaution n'est pas véritablement pris en considération ; il n'est d'ailleurs pas mentionné explicitement dans le projet de loi.
De fait, l'évaluation des risques liés aux OGM, telle que définie par le projet de loi, manque de fondement scientifique. En particulier, aucune méthode ni aucun critère d'analyse des risques ne sont imposés, et ce contrairement aux prescriptions de la directive précitée.
Pourtant, la conduite d'analyses scientifiques sérieuses n'est possible que dans un cadre précis et objectif.
À cet égard, je voudrais évoquer ici plusieurs études récentes, réalisées par des chercheurs crédibles, affichant leur neutralité. Publiées dans des revues scientifiques, elles concordent pour jeter un doute sur la totale innocuité des OGM et démontrent que ceux-ci suscitent des effets biologiques qui devraient être plus largement étudiés.
Par exemple, durant l'été de 2005, une équipe italienne a démontré que l'absorption de soja transgénique par des souris induisait des modifications dans les noyaux de leurs cellules du foie et que le retour à une alimentation non transgénique faisait disparaître les différences observées.
En novembre 2005, des chercheurs australiens ont mis en lumière que des souris nourries avec des pois transgéniques développaient des réactions allergiques fortes.
En Norvège, enfin, au mois de janvier dernier, l'Institut d'écologie génétique de l'université de Tromsö a mis en évidence qu'un élément des constructions génétiques utilisées pour modifier une plante, le fameux promoteur 35S CaMV, peut susciter l'expression de gènes dans des cellules humaines en culture. Or, selon les défenseurs des OGM, ce promoteur n'a normalement cet effet que chez les plantes.
La multiplication de ces expériences a conduit la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, à déclarer, en octobre 2005, que « ce qui se dégage est qu'il faut être attentif à ce genre d'études », puisque, « dans plusieurs cas, il y a eu mise sur le marché d'OGM sans que les dossiers de sûreté soient très clairs ».
Une condition majeure de l'objectivité des études est que l'instance responsable de l'évaluation dispose de l'indépendance et des moyens nécessaires, mais le projet de loi, monsieur le ministre, ne garantit nullement la pluralité - et donc l'impartialité - du Haut conseil des biotechnologies, qui est précisément chargé de l'évaluation. Enfin, on apprend que l'autorité publique disposera toujours des moyens de passer outre l'avis de ce haut conseil, sans pour autant avoir à motiver sa décision !
Le droit à l'information du public est donc très insuffisamment pris en compte dans ce projet de loi. Ainsi, le citoyen ne se voit même pas reconnaître le droit d'être informé de la localisation géographique exacte des cultures génétiquement modifiées. Le droit de participation du public, s'agissant des demandes d'autorisation, est tout autant malmené, aucune réelle procédure de consultation n'étant prévue.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste a déposé des amendements concernant les commissions locales d'information et de surveillance, les CLIS.
Par ailleurs, je voudrais soulever une autre objection majeure, qui porte sur le principe de réparation, dont le respect est mis à mal, au détriment des finances des cultivateurs.
La protection des cultures non génétiquement modifiées ne semble pas être l'un des objectifs visés au travers du projet de loi, puisque celui-ci normalise, en quelque sorte, la contamination. Or le caractère irréversible de la contamination aura de lourdes conséquences pour certaines activités économiques, pour l'indépendance de l'agriculteur, pour la liberté de choix du consommateur et pour la préservation de la biodiversité.
Surtout, le principe pollueur-payeur n'est pas appliqué. En effet, le projet de loi ne prévoit pas la souscription obligatoire, par l'exploitant cultivant des OGM, d'un contrat d'assurance, ce qui est impensable compte tenu des risques liés à la dissémination incontrôlée des OGM. À la place, le texte prévoit que cet exploitant peut se défausser de toute responsabilité, par le simple versement d'une taxe à un fonds d'indemnisation.
On aurait pu s'attendre à ce que, à défaut du principe pollueur-payeur, le principe de réparation mentionné à l'article 4 de la Charte de l'environnement trouve à s'appliquer dans ce texte. Or, là encore, la création du fonds de garantie, alimenté par des taxes levées sur les seuls agriculteurs et par un abondement de l'État, aboutit à exonérer les firmes productrices d'OGM de toute responsabilité financière !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces arguments justifient pleinement le dépôt par le groupe socialiste de nombreux amendements aux articles que nous allons examiner. Ce que l'on attend de nous, c'est bien que nous fassions appliquer le principe constitutionnel de précaution.