Intervention de Bernard Seillier

Réunion du 9 février 2006 à 9h30
Retour à l'emploi — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Bernard SeillierBernard Seillier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit ce matin, initialement très resserré puisqu'il ne comportait que onze articles, a été considérablement enrichi au cours de la navette parlementaire : il compte désormais trente-deux articles.

À l'issue des travaux du Sénat, vingt-quatre articles restaient en discussion. La commission mixte paritaire, réunie mardi dernier au matin, est parvenue à un accord sur l'ensemble de ces dispositions.

Elle a adopté quinze articles dans leur rédaction issue des travaux du Sénat et élaboré un texte nouveau pour les neuf autres. Parmi les modifications apportées, quatre méritent plus particulièrement d'être mentionnées.

La commission mixte paritaire a d'abord précisé l'articulation des sanctions administratives et pénales applicables en cas de fraude aux trois minima sociaux d'insertion, afin d'assurer la primauté du juge pénal, lorsque celui-ci est saisi, et de respecter le principe du non bis in idem.

Dans un même souci de conformité à la Constitution, elle a introduit une obligation de motivation des sanctions administratives.

La commission mixte paritaire est également revenue sur la modification du régime de l'aide versée aux entreprises par les départements dans le cadre des contrats insertion-revenu minimum d'activité, ou CI-RMA, et des contrats d'avenir, modification que le Sénat avait adoptée en première lecture sur l'initiative de Michel Mercier.

La proposition de M. Mercier avait pour mérite de relayer l'inquiétude ressentie par les présidents de conseils généraux quant au coût de ces contrats par rapport à celui du maintien des personnes concernées dans le système d'assistance et, plus encore, quant aux insuffisances de la compensation financière du transfert du RMI aux départements ; nous y avions évidemment été sensibles.

En revanche, elle présentait trois inconvénients.

Tout d'abord, elle rendait le montant de l'aide totalement imprévisible pour les entreprises, en la faisant varier en fonction de la composition du foyer de la personne embauchée et de ses autres ressources. Ce faisant, elle nuisait à l'attractivité du dispositif pour les employeurs.

Ensuite, elle était contraire au principe constitutionnel d'égalité puisqu'elle conduisait à des différences de traitement entre les bénéficiaires de minima sociaux selon des critères n'ayant aucun lien avec l'objet des contrats. Le risque était, en outre, de voir les entreprises tenter de maximiser l'aide en sélectionnant les candidats en fonction de leur niveau antérieur d'allocation.

Enfin, elle entraînait une réduction très sensible du montant des ressources des bénéficiaires, la baisse de revenu pouvant atteindre, dans certaines configurations familiales, jusqu'à 200 euros par mois.

Le souci des présidents de conseils généraux concernant le coût des contrats d'avenir et des CI-RMA est toutefois légitime. En effet, l'aide versée à ce titre aux employeurs est supérieure au RMI moyen versé aux allocataires. Ces contrats coûtent donc aujourd'hui plus cher aux départements que le maintien des allocataires dans le dispositif du RMI.

Pour cette raison, dans un premier temps, j'avais pensé proposer à la commission mixte paritaire de répartir la charge de l'activation de l'allocation entre les départements et l'État. Cependant, compte tenu des contraintes financières imposées, l'économie ainsi réalisée aurait été négligeable au regard des enjeux financiers plus généraux en matière de financement du RMI décentralisé, et elle aurait très certainement été absorbée par les frais de gestion de ce système de répartition, qui exigeait un suivi comptable plus élaboré.

C'est la raison pour laquelle la commission mixte paritaire a préféré en revenir au droit actuellement en vigueur. Il me semble toutefois que nous ne pourrons pas nous dispenser, à l'avenir, d'une réflexion approfondie sur l'attractivité de ces contrats et, au-delà, sur le financement du transfert du RMI aux départements.

La commission mixte paritaire a ensuite voulu assouplir la procédure relative à la désignation des catégories d'employeurs autorisées à gérer des chantiers d'insertion.

Vous vous souvenez certainement, mes chers collègues, que la liste des employeurs susceptibles de mettre en oeuvre ces chantiers a été complétée à la fois par l'Assemblée nationale et par le Sénat au cours de la navette parlementaire. Or, depuis le vote de notre assemblée sur ce texte, il y a moins de quinze jours, on nous a déjà signalé plusieurs autres catégories d'employeurs qui auraient été oubliés dans ce dispositif. Il est vraisemblable que d'autres organismes demanderont bientôt, et de façon légitime, à pouvoir gérer ces chantiers.

Considérant qu'il serait excessif de devoir sans cesse modifier la loi pour s'adapter aux demandes du terrain, la commission mixte paritaire a donc décidé de renvoyer à un décret le soin de fixer la liste des employeurs susceptibles de mettre en oeuvre ces chantiers.

Enfin, la commission mixte paritaire a voulu sécuriser le recours à l'expérimentation pour la mise en place du contrat de transition professionnelle, le CTP.

S'agissant d'une mesure aussi novatrice, qui constitue les prémices d'une politique de l'emploi tournée vers la sécurisation des parcours professionnels, la procédure de l'expérimentation semble en effet particulièrement judicieuse.

Or le Conseil constitutionnel a défini des critères très stricts pour encadrer le recours à l'expérimentation : limitation dans le temps et évaluation préalable à toute généralisation éventuelle du dispositif testé. La commission mixte paritaire s'est donc assurée que, dans le cas de l'expérimentation du CTP, tous ces critères étaient bien réunis.

Avant de conclure, je tiens à souligner la qualité du dialogue que nous avons pu nouer, tant avec le Gouvernement qu'avec nos collègues députés, sur un sujet aussi important que le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.

Je tiens également à rappeler que nous sommes désormais au milieu du gué. Après cette première étape centrée sur la question de l'articulation entre minima sociaux et revenus d'activité, deux autres chantiers nous attendent, celui des droits connexes et celui de l'accompagnement des bénéficiaires. Nous souhaitons que, sur ces deux sujets, la collaboration entre nos deux assemblées et le Gouvernement soit aussi fructueuse.

En conclusion, au nom de la commission des affaires sociales, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

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