Intervention de Didier Boulaud

Réunion du 6 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Défense

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud :

Madame la ministre, je tiens à insister, dans le court laps de temps qui m'est imparti, sur l'autre aspect de ce débat, qui concerne bien évidemment la doctrine.

D'aucuns disent que la doctrine française n'a pas changé, que la doctrine de la dissuasion à la française reste immuable. D'autres voix, et non des moindres, reconnaissent qu'il y a eu, qu'il y a des adaptations.

Alors, qui croire ? En juin 2001, le Président de la République parlait de l'adaptation de la doctrine nucléaire. Certaines inflexions existaient en filigrane depuis quelques années sans qu'il y ait eu débat sur la question. Or, depuis cette date, on croit savoir que « l'adaptation » a eu lieu. Quel est le contenu de cette adaptation ?

La dissuasion anti-cités et la dissuasion du faible au fort sont-elles dépassées ? La dissuasion française se place-t-elle aujourd'hui en état de répondre aux « fous », aux puissances non étatiques, à toute menace provoquée par des armes de destruction massive ?

Sommes-nous en train d'adapter, comme envisagent de le faire les Etats-Unis, la capacité de frappe, la précision - vous y avez fait allusion dans votre propos - et la puissance explosive des têtes nucléaires aux actions militaires préemptives ou préventives ?

Le Premier ministre a déclaré, le 16 octobre 2003, que « les forces nucléaires sont [...] adaptées pour faire face à une diversité de scénarios de chantages et de menaces auxquels nous expose, de façon de plus en plus plausible, le développement d'armes de destruction massive. » Cette « diversité de scénarios » mérite explication.

La loi de programmation militaire 2003-2008 affirme que la dissuasion « implique de disposer des moyens diversifiés permettant d'assurer sa crédibilité face aux évolutions des menaces, quelles que soient leur localisation et leur nature ».

En ce qui concerne la « localisation », il s'agirait d'un retour à l'orthodoxie gaullienne : la dissuasion s'exerce « tous azimuts ».

En revanche, la « nature » de la menace pose problème. Cela veut-il dire que l'on élargit le champ d'action du nucléaire ? Est-ce la nature de l'agression ou la dimension de celle-ci qui détermine la riposte ? Toute attaque avec des armes de destruction massive - nucléaire, biologique ou chimique -, indépendamment de la nature de l'attaque, doit-elle attirer le feu nucléaire comme réponse ? Nous savons que ces attaques pourraient ne pas être « signées » et qu'il n'y aurait donc pas d'Etat clairement identifié sur lequel riposter.

Est-il donc crédible d'affirmer que la dissuasion s'exerce contre toute menace quelle que soit sa localisation et sa nature ?

Nous voyons aujourd'hui resurgir les vieilles lunes de l'utilisation offensive, et non pas dissuasive, de cette arme effroyable. Le problème est donc politique. Doit-on évoluer vers une doctrine qui intègre l'emploi de certaines armes nucléaires ? Doit-on, au nom de la modernisation de la panoplie, chercher à tout prix à se procurer des armes tactiques ?

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