Intervention de Xavier Darcos

Réunion du 3 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Questions et réponses

Xavier Darcos, ministre :

Il s’agit là encore d’un sujet que nous avons déjà abordé. Le problème de la préscolarisation des tout-petits présente deux aspects.

Le premier tient à la question de savoir si la scolarisation à cet âge est utile à l’enfant, s’il en tire un bénéfice en termes scolaires. Or cette question est âprement débattue entre ceux qui pensent que c’est le cas et ceux qui sont persuadés du contraire. Moi-même, je n’ai pas un avis absolument définitif sur le sujet, tant les controverses sont vives et les affirmations péremptoires, d’un côté comme de l’autre ! Certains proclament que, dans les départements où il n’y a pas de scolarisation à deux ans, on observe de très bons résultats scolaires. Quant à vous, monsieur le sénateur, vous venez d’apporter une pierre à l’édifice de la position exactement inverse en citant l’exemple de votre région.

Ce dont je suis certain, c’est que l’école maternelle est une école à part entière, ayant ses propres programmes et ses ambitions spécifiques. Nous avons élaboré des programmes pour le primaire, dans lequel l’école maternelle est pleinement intégrée. Dès lors, on peut craindre qu’à scolariser des enfants de plus en plus jeunes on n’en vienne à changer la nature même de cette école maternelle, qu’on ne soit contraint de définir d’autres objectifs pédagogiques et, partant, de modifier toute l’organisation de l’enseignement des petits.

Le second aspect du problème, quant à lui, dépasse la simple question de la scolarisation. En effet, ce qui est tout de même visiblement l’enjeu véritable, depuis quelque temps – disons plutôt depuis quarante ans ! –, c’est de savoir si nous sommes en mesure de répondre d’une manière satisfaisante aux besoins des familles en ce qui concerne l’accueil des enfants âgés de dix-huit mois à trois ans. Avons-nous trouvé une solution à ce problème ? Force est de constater que non.

Des propositions ont été faites, ici même, par Mme Monique Papon et M. Pierre Martin dans leur rapport d’information ; d’autres rapports ont insisté sur le fait qu’il conviendrait de se demander comment organiser, partout en France, un système d’accueil des tout-petits.

Vous craignez un transfert de cette responsabilité aux communes. Je comprends votre inquiétude : si j’étais maire, je serais, moi aussi, très vigilant sur ce point.

Mais je voudrais insister sur le fait que la France ne s’est pas posé, comme l’ont fait la plupart des pays qui lui sont comparables, notamment l’Allemagne, la question d’une organisation universelle de l’accueil des tout-petits.

Pour ce qui relève de mes responsabilités, j’ai fait ce matin une affirmation qui me semble assez importante ; elle mérite en tout cas de retenir l’attention de ceux qui, ces temps-ci, battent le pavé en agitant des couches-culottes et en m’accusant de détruire l’école maternelle… Je ne crois donc pas inutile de la réitérer : pour le moment, l’intention du ministère de l’éducation nationale, c’est le maintien du statu quo. Cela signifie que tous les enfants de trois ans seront accueillis et que, là où l’habitude a été prise de scolariser les enfants plus jeunes, on continuera à le faire. Il en sera ainsi tant que nous serons dans l’attente d’une solution collective concernant l’accueil des plus petits. Et nous espérons qu’elle sera trouvée parce que nous en avons besoin.

Vous dites que, chez vous, les enfants de deux ans sont scolarisés. Mais en bien des points du territoire, ils ne le sont pas du tout ! Il y a donc de grandes disparités et le système actuel est injuste.

Quant à l’argument de la Cour des comptes, selon laquelle l’accueil des plus petits à l’école maternelle est souhaitable pour des raisons financières, il n’est pas vraiment recevable : que valent en effet les économies si l’on se place d’un point de vue pédagogique et politique ?

Je tiens donc de nouveau à vous féliciter, madame la présidente, de l’excellent travail que vous avez réalisé sur ce sujet avec votre collègue Pierre Martin. Je le demande instamment, il faut à tout prix que les parties prenantes puissent trouver un accord sur l’accueil des tout-petits avant leur entrée en petite section de maternelle et sur la préscolarisation. C’est tout ce que je souhaite.

Je n’ai jamais eu l’intention d’insulter qui que ce soit. Au contraire, j’ai toujours exprimé ma grande reconnaissance à l’égard du travail effectué par les enseignants de maternelle. Le fait que je m’interroge sur l’opportunité de scolariser les tout-petits n’a rien de scandaleux. La seule certitude que nous avons, c’est que la scolarisation précoce, à trois ans, présente pour l’enfant un avantage certain en termes pédagogiques.

De surcroît, pour avoir été directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale en 1993, je connais très bien – et vous aussi, d’ailleurs ! – les raisons pour lesquelles on a favorisé la scolarisation dès l’âge de deux ans : à l’époque, l’objectif était d’éviter certaines fermetures de classes ! L’intérêt des enfants n’était donc pas un élément prédominant.

Ce sujet a toujours été perturbé par des problématiques extérieures à toute vision pédagogique. J’ai au moins eu le mérite de reposer la question – peut-être un peu brutalement – en la recentrant sur la pédagogie, sur l’école. Et l’école maternelle, c’est une école à part entière !

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