Intervention de Louis Duvernois

Réunion du 3 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Compte spécial : prêts à des états étrangers

Photo de Louis DuvernoisLouis Duvernois, rapporteur pour avis :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, l’examen de la mission « Aide publique au développement » me permet de faire une analyse des crédits consacrés à la francophonie, qui sont en partie inscrits au sein du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement ».

La francophonie occupe une place à part entière au sein de notre politique extérieure. J’en veux pour preuve la consécration récente, à l’occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, de la francophonie dans notre loi fondamentale, et ce à la suite d’un amendement présenté par le président de la commission affaires culturelles, Jacques Legendre, et que j’avais cosigné.

Autre motif de satisfaction et non des moindres : la voix de notre commission semble avoir été entendue par le Gouvernement sur la question, longtemps laissée en suspens, de la rationalisation administrative de notre politique francophone.

La future direction générale des affaires politiques et multilatérales annoncée par le ministre des affaires étrangères et européennes devrait comporter une direction consacrée à l’Organisation internationale de la francophonie et aux opérateurs de la francophonie. Je me réjouis que la francophonie gagne ainsi en visibilité sur le plan administratif, comme vous vous étiez engagé à le faire, monsieur le ministre, en réponse à une question que je vous avais posée lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles. Je tiens donc à vous féliciter pour vos efforts en ce sens.

S’agissant plus précisément des crédits de la francophonie institutionnelle, inscrits dans le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », ils sont en très légère hausse par rapport à l’année dernière : 68, 14 millions d’euros seront attribués à l’Organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs.

Toutefois, je sollicite l’attention de notre Haute Assemblée sur la tendance baissière des crédits spécifiquement consacrés à la promotion du français par la Direction générale de la coopération internationale et du développement : les crédits centraux de promotion du français accusent une baisse substantielle de 31 % sur le programme 209, c’est-à-dire dans le cadre de la coopération avec les pays en développement.

Je note au passage que ces crédits sont également en baisse non moins substantielle de 35 % au titre du programme 185 de la mission « Action extérieure de l’État », dans le cadre de la coopération avec les pays développés au sens de l’OCDE.

Bien que conscient des contraintes lourdes qui pèsent à l’heure actuelle sur notre budget, je regrette cependant une tendance à la baisse qui, selon moi, fragilise notre action linguistique extérieure, d’autant plus qu’un amendement adopté en seconde délibération à l’Assemblée nationale minore davantage les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

La politique francophone de la France n’a pas vocation à se fondre complètement dans celle de l’Organisation internationale de la francophonie, qui dérive de plus en plus vers ce que Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS, qualifiait d’ « ONU bis sans moyens ». La France se doit de développer sa propre politique francophone en s’appuyant, notamment, sur ses moyens bilatéraux d’influence, qu’elle contrôle mieux et pour lesquels elle obtient un meilleur retour sur investissement. Il serait enfin temps de passer d’une politique francophone de contribution à une politique francophone d’initiative !

Nos moyens bilatéraux d’influence, au sein du programme 209, sont justement censés nous permettre de mettre en œuvre une politique de soutien à des associations aux initiatives très prometteuses. Il serait absurde que ces associations, qui font la preuve de leur efficacité sur le terrain, fassent les frais des restrictions budgétaires. Il en va de même, par exemple, pour les revues Planète Jeunes et Planète Enfants, très appréciées de la jeunesse francophone, en particulier africaine et haïtienne.

Comment espérer que les Français se réapproprient la francophonie si celle-ci continue de se cantonner aux enceintes intergouvernementales ? Il nous faut impérativement trouver les moyens de rendre la francophonie plus proche du citoyen pour lui démontrer qu’il a lui-même sa part de responsabilité dans la promotion du français. À cet égard, monsieur le ministre, votre projet de portail francophone va dans le bon sens ; il devrait pouvoir trouver toute sa place.

Les collectivités territoriales, au travers de la coopération décentralisée, sont notamment appelées à être mieux associées à la mise en œuvre de notre politique francophone.

À ce titre, je tiens à rappeler que nos territoires ultramarins entretiennent des liens très étroits, sur les plans tant culturel, politique qu’économique, avec les pays qui les entourent, qui, bien souvent, s’inscrivent dans une zone de solidarité prioritaire. Pourquoi ne pas profiter de cette opportunité et faire de l’outre-mer français une fenêtre de notre politique francophone ?

Votre ministère compte-t-il s’appuyer plus fortement sur le levier exceptionnel de la coopération décentralisée pour mettre en œuvre sa politique francophone, notamment au niveau de nos collectivités territoriales ultramarines ?

Sur le plan économique, je suis persuadé que la francophonie a des valeurs propres à faire valoir, en particulier à l’heure où le système financier international d’inspiration anglo-américaine est profondément remis en cause : je vous encourage très vivement, monsieur le ministre, à saisir l’opportunité qui se présente à notre politique francophone de faire valoir les principes d’une économie mondialisée qui fait du développement solidaire et durable sa priorité et qui promeut le respect de la diversité linguistique et culturelle au sein des échanges commerciaux dans la droite ligne de la convention de l’UNESCO de 2005.

Enfin, bien que cela concerne la mission « Médias », je souhaite rappeler que, dans le cadre de la réforme en cours de l’audiovisuel public, l’audiovisuel extérieur de la France, levier de notre politique francophone, continue de faire l’objet de multiples interrogations : en particulier, l’articulation entre le pilotage stratégique exercé par la société holding « Audiovisuel extérieur de la France » et la tutelle administrative et financière exercée par Matignon au travers de la direction du développement des médias mériterait, sans aucun doute, d’être clarifiée.

Je conclurai mon intervention en indiquant qu’en dépit des réserves émises, notamment en ce qui concerne l’insuffisance des crédits centraux consacrés à la promotion du français, la commission des affaires culturelles a proposé d’émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

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