Intervention de André Vantomme

Réunion du 3 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Compte spécial : prêts à des états étrangers

Photo de André VantommeAndré Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue M. Robert del Picchia traitera dans un instant, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, des crédits de la mission « Aide publique au développement ». Je voudrais, pour ma part, évoquer plus largement l’effort français en faveur du développement, dont les crédits de la mission représentent environ un tiers.

C’est cet effort global qui doit parvenir, en application de nos engagements internationaux, à 0, 7 % de notre richesse nationale en 2015, une échéance qui nous fixe une feuille de route mais qui n’est pas sans susciter certaines interrogations.

Quelle part de la richesse nationale représentera notre effort d’aide au développement en 2009 ? Nous n’en avons pas une idée très précise.

Les documents budgétaires indiquent 0, 47 % du revenu national ; vous avez préféré vous engager sur 0, 41 % devant notre commission, monsieur le ministre, reconnaissant bien volontiers l’incertitude qui s’attache aux opérations d’annulation de dette prévues en 2009, après l’avoir été, rappelons-le, en 2007 puis en 2008.

Retracer toutes les composantes de notre aide est un effort certes nécessaire, pour les besoins de la comptabilisation internationale, mais bien complexe. Or cette complexité conduit parfois à mettre en doute la réalité de nos efforts.

Ainsi en est-il des procédures d’annulation de dettes, reportées d’année en année pour certains pays et qui représentent des montants importants.

Il en est de même des modalités de comptabilisation de l’aide publique au développement qui doivent être conformes aux directives - lesquelles, hélas ! ne sont pas toujours très précises - du Comité d’aide au développement de l’OCDE.

Tant l’OCDE que les ONG nous reprochent une comptabilisation extensive des frais d’accueil des étudiants étrangers dans nos universités, des dépenses liées à l’accueil des réfugiés sur le territoire français, des dépenses de recherche sur le développement.

Toutes ces dépenses ne peuvent qu’être constatées in fine, une fois l’année écoulée Elles ne résultent pas d’un véritable choix et contribuent à donner un aspect artificiel à une aide publique au développement qui reste pourtant importante.

Notre pays, troisième bailleur mondial, consent un effort important en faveur des pays du Sud mais, à bien des égards, il s’agit d’un effort composite et dispersé sur lequel il ne semble pas toujours avoir de prise.

Tout l’enjeu de la réforme annoncée est en effet de permettre à notre pays de reprendre l’initiative et de définir une stratégie claire au service d’une efficacité accrue et d’un rayonnement à la hauteur de nos ambitions.

Repenser ce dispositif était une nécessité mais, en ces temps de crise mondiale, cette réforme doit aussi contribuer à garantir que l’effort nécessaire et légitime que notre pays entend apporter aux pays les plus pauvres continue d’être orienté vers les plus déshérités.

À niveau d’effort égal, notre pays doit prendre garde à ce que, par la modification de ses outils d’intervention, on n’abandonne pas, de fait, certains pays très défavorisés, au profit des pays émergents. Accorder une aide sous forme de subvention, ce n’est pas la même chose qu’accorder un prêt à des conditions proches de celles du marché.

Conflits, crise alimentaire ou crise financière : chaque année voit le bouleversement de l’ordre de nos priorités, ce qui nous fait plaider pour un système souple qui parte de la réalité concrète de chacun des pays dont nous entendons soutenir le développement et s’appuie sur une réflexion stratégique solidement charpentée.

La transformation de la DGCID en une direction générale de la mondialisation, direction « d’état-major » chargée de la stratégie et de la tutelle des opérateurs, vise à renforcer la cohérence globale de notre outil.

Cette direction générale constitue en quelque sorte l’aboutissement de la réforme de 1998 en achevant le transfert aux opérateurs de toutes les interventions opérationnelles du ministère.

Ce transfert était déjà bien entamé, ce qui avait conduit à priver de crédits les services en centrale et sur le terrain. Sur le terrain, les services de coopération et d’action culturelle, les SCAC, devraient être fusionnés avec l’opérateur culturel tandis que le directeur local de l’Agence française de développement, l’AFD, sera le conseiller de l’ambassadeur pour les questions de développement.

Cette réforme nous paraît logique et souhaitable mais elle ne sera viable qu’à deux conditions : que la nouvelle direction générale change véritablement de nature et ne constitue pas une DGCID « amaigrie » et qu’un volume raisonnable de crédits bilatéraux à mettre en œuvre soit disponible.

Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, au nom de laquelle mon collègue Robert del Picchia, qui remplace M. Christian Cambon, et moi-même intervenons, vous recommandera l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Cependant, en tant que corapporteur, je me dois d’exprimer quelques observations.

Tout d’abord, l’aide publique de la France est tenue par des engagements. En 2010, nous devrions y consacrer 0, 51 % du PIB, afin de respecter l’engagement européen d’augmentation régulière de cette aide pour qu’elle puisse atteindre 0, 7 % du PIB en 2015.

Dans le document de politique transversale sur la politique française en faveur du développement, il est indiqué que l’aide publique au développement atteindra 0, 41 % du PIB en 2010, soit 0, 10 % de moins que l’engagement européen.

Ensuite, l’aide publique de la France, pourtant importante, est contestée en raison de l’emploi, pour les allégements de dettes, de méthodes extra-comptables peu orthodoxes, qui conduisent à majorer les chiffres de plus de 2 milliards d’euros.

De même, l’Union européenne nous reproche des comptabilisations excessives, notamment pour les frais d’écolage et les frais liés à l’accueil des étrangers sur le territoire français.

Enfin, monsieur le ministre, votre souci de sacrifier une bonne partie des subventions et de développer, par l’intermédiaire de l’Agence française de développement, une politique de prêts, conduira nécessairement à une réorientation de notre aide au bénéfice des pays émergents et au détriment des pays les plus pauvres de l’Afrique subsaharienne.

C’est pour ces raisons, trop brièvement exposées, que je m’en remettrai, pour ma part, à la sagesse de notre assemblée.

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