Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure tardive et compte tenu de l’extrême qualité des débats, je me bornerai à aborder deux points : le multilatéralisme et, en réponse, notamment, à M. Edmond Hervé, rapporteur spécial, la situation financière et économique.
S’agissant du multilatéralisme, je me réjouis sincèrement, monsieur Charasse, de l’annonce que vous avez faite d’un prochain contrôle conjoint.
En effet, Christine Lagarde et moi-même avons lancé, voilà quelques semaines, une réflexion stratégique concernant la Banque mondiale.
Elle portera sur l’équilibre, qui me semble bon, entre multilatéralisme et bilatéralisme, sur une meilleure utilisation de l’effet de levier, et le recentrage de nos actions sur nos priorités.
Je confirme, à cet égard, nos deux priorités essentielles : l’Afrique et l’environnement, plus particulièrement la gestion de l’eau et l’urbanisation, cette dernière ayant notamment été évoquée par M. Dauge. Nous avons, cette année, privilégié l’environnement.
Il sera intéressant de vérifier que la France reste bien en deuxième position, de par le nombre de ses agents travaillant au sein de la Banque mondiale.
Je ne doute pas que d’autres organismes multinationaux – le FED, pour ne pas le nommer, puisqu’il a été évoqué à plusieurs reprises – bénéficieront de votre vigilance, qui stimulera à coup sûr la réflexion du Gouvernement. Vous pouvez compter sur la plus totale collaboration des services de Bercy, de ceux de Mme Christine Lagarde et des miens.
La visibilité des choix et des actions réalisées sur le terrain est extrêmement importante.
J’en viens à un dossier qui a été moins évoqué par mes collègues MM. Brice Hortefeux et Jean-Pierre Joyandet : la gestion des crises.
Conformément à l’un des engagements du Président de la République, nous sommes intervenus avec force pour lutter contre la crise alimentaire qui sévit depuis le début de l’année, et qui s’est un peu atténuée depuis quelques semaines.
Je ne vais pas entrer dans le détail : je préciserai simplement que tous les instruments dont nous disposons ont été mobilisés, qu’il s’agisse d’aides financières ou de prêts fléchés, plus traditionnels.
Nous avons également décidé de consacrer 1 milliard d’euros à l’agriculture africaine, afin de remédier quelque peu au désintérêt dont ont malheureusement fait preuve les institutions internationales à l’égard de l’agriculture vivrière.
Au-delà de la crise alimentaire, j’en viens à la situation économique et financière.
Elle entraîne des difficultés spécifiques pour les pays en développement : le retrait de capitaux, qui dépendent des investissements internationaux, publics ou privés, ou encore le ralentissement des transferts effectués par les travailleurs expatriés, eux-mêmes en difficulté dans les pays industrialisés, et qui ont donc moins d’argent à envoyer dans leur pays d’origine.
Nombre de pays émergents ou en transition ont déjà été touchés par ce phénomène et certain d’entre eux ont fait appel au FMI ou à d’autres soutiens multilatéraux.
S’agissant de l’Afrique, j’ai présidé, voilà quelques semaines, le conseil des ministres de la zone franc. Les analyses qui résultent des dernières estimations disponibles font état d’une certaine résilience – pour employer un mot à la mode – des économies africaines : en zone franc, la croissance pourrait se maintenir à environ 3 % en 2008.
Le premier des risques encourus par l’Afrique est un risque de manque de liquidités et de difficultés d’accès au crédit pour les investisseurs et les entreprises. Ce risque que nous connaissons dans les pays industrialisés peut être encore plus grand dans les pays en développement.
C’est la raison pour laquelle on peut considérer comme particulièrement bienvenu le fait que l’année 2008 ait été marquée par le coup d’envoi de l’« Initiative pour le soutien à la croissance en Afrique », annoncée par le Président de la République à l’occasion de son discours dit « du Cap ». Il s’agit justement de prêts à un moment où les pays dont nous parlons risquent d’en manquer. De même, il est intéressant que l’Agence française de développement intervienne de plus en plus pour accorder des prêts. Cela arrive à point nommé.
Le second risque encouru, d’ordre économique, et non plus financier, c’est la contraction des exportations à la fois vers les pays développés et vers les pays émergents ou en transition, autrement dit le commerce Sud-Sud.
Pour faire face à ce second risque, nos interventions bilatérales et multilatérales tendent à développer une forte dimension contracyclique.
L’AFD a ainsi créé un prêt très concessionnel contracyclique, le PTCC, qui permet de concilier l’augmentation des engagements sous forme de prêts dans les pays les moins avancés, notamment en Afrique subsaharienne, tout en assurant la soutenabilité de leur endettement.
Le FMI, pour sa part, utilise ses instruments d’intervention dans les pays à faible revenu, principalement la « Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance », pour compenser les effets de la hausse des prix énergétiques et alimentaires, qui, au début de l’année, a fortement grevé les budgets de ces pays, compte tenu des mécanismes de subventions aux consommateurs qu’ils ont dû mettre en place pour des raisons sociales.
À la demande de la France, notamment, le FMI a par ailleurs réformé sa « Facilité de protection contre les chocs exogènes » – on est vraiment au cœur du sujet – pour la rendre plus flexible et plus réactive qu’elle ne l’était. Il est vrai que, malheureusement, la crise n’attend pas.
De même, et nous nous en réjouissons, la Banque mondiale a mis en place, pour lutter contre la crise alimentaire, une facilité d’urgence qui a été dotée de 200 millions de dollars à partir du revenu net de la Banque et dont le mode de fonctionnement est très réactif.
L’un des rapporteurs spéciaux, M. Edmond Hervé, suggère que le Club de Paris adopte ce type de comportement et d’approche. La France y est très favorable, elle tentera de convaincre ses partenaires, mais vous savez qu’il faut obtenir un consensus.
Je terminerai en indiquant que le Gouvernement présentera un amendement visant à augmenter les crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers », afin de pouvoir octroyer des prêts permettant de relancer, dans des pays émergents, de grands projets tout en contribuant à l’activité des entreprises françaises.