Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 10 octobre 2006 à 22h15
Secteur de l'énergie — Discussion générale suite

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Votre projet ne peut, de toute évidence, que servir l'intérêt des actionnaires, qui s'approprieront ainsi un bien qui appartient à la collectivité, sans garantir aucunement que ce bien sera au service du public.

Gaz de France est toujours une entreprise publique.

À écouter M. le ministre de l'économie, tout à l'heure, on pouvait croire que le statut de GDF aurait des incidences sur sa compétitivité, sur son efficacité.

L'entreprise rencontrerait-t-elle actuellement des difficultés ? En aurait-elle souffert ? La présence de l'État dans le capital constituerait-t-elle un frein à son développement ? Sa viabilité serait-elle remise en cause ? Les résultats du premier semestre 2006 devraient à eux seuls nous convaincre du contraire. Le PDG de GDF, M. Cirelli, vient de déclarer que « Gaz de France réalise un excellent premier semestre, grâce au dynamisme de son développement, à la solidité de ses activités d'infrastructure et à la qualité du travail de ses collaborateurs. »

Et il ajoute : « Ces performances, auxquelles toutes les activités du groupe, sans exception, ont contribué, s'expliquent par la gestion rigoureuse de nos infrastructures, la très forte croissance de l'exploration-production, qui enregistre une hausse historique de son résultat au cours du premier semestre, et la très bonne performance des activités de négoce.

« Gaz de France poursuit, en outre, son développement rentable à l'international, où le groupe réalise désormais près de 40 % de son chiffre d'affaires.

« La progression de la performance économique et financière de Gaz de France, en 2006, traduit la solidité du groupe et de son modèle de développement. »

Le chiffre d'affaire a augmenté de 37 %, le résultat net de 34 %. Ces résultats ont besoin d'être consolidés. Je ne vois pas en quoi une fusion avec Suez pourrait les améliorer, sauf à verser dans de délirantes spirales.

Ce qui est, en revanche, plus difficile à comprendre pour les usagers, particuliers ou entreprises, ce sont les hausses inacceptables que vous avez autorisées, monsieur le ministre, alors que l'entreprise réalise de confortables bénéfices. Ces hausses de tarifs n'ont pas les mêmes conséquences pour tous.

Vous prétendez que les golden shares, ou actions spécifiques, seraient la solution pour préserver la présence de l'État. Ces actions peuvent en effet permettre à l'État de conserver un droit de veto sur l'évolution du capital et des activités dans la société, mais elles ne lui permettent pas de décider des investissements ni d'orienter l'activité.

Il ne s'agit pas d'une maîtrise effective et offensive : ces actions spécifiques permettent seulement de s'opposer à des décisions de cession d'actifs ou d'activités stratégiques ; ce n'est donc qu'un contrôle défensif.

Ce subterfuge n'est qu'un moyen de temporiser, comme le prédécesseur de M. Breton le faisait quand il jurait que la participation de l'État ne descendrait jamais en dessous de 70 % du capital.

Vous n'êtes pas sans savoir que ce « gadget » juridique n'a d'autre utilité que de faire croire aux salariés et aux usagers que vous avez le souci de maintenir la présence de l'État dans cette société.

Vous connaissez comme moi les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes, et en particulier la dernière en date. Celle-ci confirme que l'État néerlandais contrevient à la législation européenne parce qu'il détient une action spécifique dans l'opérateur de télécoms KPN et dans la société de messagerie TNT.

L'État néerlandais a dû renoncer à sa golden share au sein de KPN l'an dernier et a vendu le reste de sa participation dans l'opérateur la semaine dernière.

Vous savez également que la Cour de justice s'est déjà prononcée contre les golden shares en France, au Portugal, en Espagne et au Royaume-uni. Elle n'a accepté qu'un seul cas, en Belgique.

Rien, à ce jour, ne nous garantit que cette action spécifique permettra à l'État de s'opposer à toute tentative de privatisation totale.

Vous annoncez, de plus, qu'en détenant un tiers du capital, « l'État dispose d'une minorité de blocage dans les assemblées générales d'actionnaires puisque les votes y interviennent à la majorité des deux tiers ».

La compétence de ces assemblées générales d'actionnaires s'étend à toute modification de l'objet social, à tout transfert du siège social, à toute décision entraînant une modification immédiate ou à terme du capital social, à toute opération de rapprochement de l'entreprise avec une société tierce.

Vous oubliez toutefois de dire que la détention d'une minorité de blocage - soit, en France, dans les sociétés anonymes, un tiers des voix plus une - donne à l'actionnaire minoritaire la possibilité de bloquer toute décision prise par la seule assemblée générale extraordinaire. La minorité de blocage ne permet pas d'influer sur les décisions d'une assemblée générale ordinaire : il s'agit donc d'un contrôle négatif, et non pas d'un contrôle actif. Votre stratégie reste bien essentiellement défensive, comme avec les golden shares.

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