Intervention de Jean-Pierre Fourcade

Réunion du 10 octobre 2006 à 22h15
Secteur de l'énergie — Discussion générale suite

Photo de Jean-Pierre FourcadeJean-Pierre Fourcade :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'agissant d'un débat aussi important pour l'avenir de notre pays, pour sa place dans le monde, il faut parfois s'écarter des problèmes juridiques et faire un peu d'économie.

Ayant examiné le projet de loi, sans reprendre l'analyse développée dans son excellent rapport par Ladislas Poniatowski et faisant miens les propos de mon collègue et ami M. Henri Revol, je ferai quatre constats.

Premier constat : que nous le voulions ou non, la transposition totale des directives européennes est pour demain puisqu'elle est fixée au 1er juillet 2007, et il est évident que, si nous ne faisions rien, nous ne pourrions pas mettre en place les protections tarifaires et les mécanismes de transition qui sont prévus dans le texte. C'est un fait.

Il est inutile de savoir qui, en 2002, en 2004, etc., est à l'origine de la décision. Tous les gouvernements français qui ont participé à la construction européenne sont également responsables, comme l'est le parti socialiste, qui avait appelé à voter en faveur de la Constitution européenne.

Le premier élément à partir duquel nous devons donc réfléchir, c'est que, à partir du milieu de l'année prochaine, le système énergétique sera complètement libéralisé et que n'importe qui pourra venir vendre de l'électricité, du gaz ou du pétrole sur notre territoire.

Par conséquent, un texte est nécessaire afin de préciser le fonctionnement convenable de ce marché, sans léser les intérêts des consommateurs, ni ceux des entreprises, ni ceux des personnels qui sont à l'heure actuelle employés dans ces entreprises.

Deuxième constat : nous assistons, depuis l'année dernière, à un renchérissement des prix du pétrole et du gaz qui n'est pas de la même nature que les hausses que nous avions subies lorsque j'occupais des fonctions analogues aux vôtres, monsieur le ministre.

Lors des premier et deuxième chocs pétroliers, nous avons pensé - sans doute à tort - que nous avions affaire non à une crise structurelle mais à une crise d'adaptation, conjoncturelle, dont la survenue était liée à des événements militaires, politiques, géopolitiques.

En dépit des mesures courageuses qui ont été adoptées par les gouvernements de l'époque, notamment la mise en place de notre système nucléaire et d'une politique d'économies d'énergie, avec la création de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, nous n'avons pas fait tout ce qu'il aurait été nécessaire de faire. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous sommes confrontés, compte tenu de l'extinction progressive des ressources en énergies fossiles, à une montée des prix qui, hélas, va s'accentuer et va devenir un élément important du fonctionnement de nos économies occidentales, comme de celles des pays émergents.

Tout à l'heure, ont été cités des chiffres concernant la consommation chinoise, américaine ou européenne. Tous ces chiffres vont se modifier, car nous sommes entrés dans une époque de pétrole et de gaz chers. C'est un élément de « réglage » de nos économies dont personne ne peut aujourd'hui ignorer les conséquences.

Mon troisième constat concerne un événement tout récent, et dont les conséquences à long terme pourraient, de mon point de vue, se révéler particulièrement graves : il s'agit de l'accord passé le 4 août dernier entre Gazprom et Sonatrach.

En effet, ce rapprochement prévoit la mutualisation d'un certain nombre de ressources et une codirection de la vente du gaz aux pays européens. En réalité, mes chers collègues, il s'agit d'un véritable encerclement de ces derniers, la totalité des énormes productions de Gazprom et de Sonatrach étant mises dans le même « panier ».

Or, GDF n'ayant plus de ressources qui lui soient propres, la totalité de la consommation française de gaz doit être importée. Dès lors, en dehors des gaz russe et algérien, il ne reste que quelques autres possibilités d'approvisionnement : en Afrique, en Égypte, en Norvège.

À l'évidence, cette nouvelle donnée est donc essentielle.

Monsieur le ministre, permettez-moi d'adresser au passage un léger reproche au Gouvernement, même si cette remarque va dans un sens totalement contraire aux critiques qui ont été émises jusqu'à présent.

Si nous avions pu accélérer notre « cadence textuelle » et débattre dès l'année dernière de ce sujet, peut-être aurions-nous été en mesure d'envisager une négociation avec Gazprom, dont chacun connaît l'importance en Russie, et d'éviter ainsi l'accord entre celui-ci et Sonatrach. En effet, à mon sens, ce rapprochement constitue l'élément le plus important de ces derniers mois et commande la totalité de notre raisonnement.

Quatrième constat : le projet de fusion de Gaz de France et de Suez répond à la nécessité de constituer un groupe de dimension mondiale avec un approvisionnement varié, en particulier en gaz naturel, notamment grâce aux ressources qu'on peut trouver en Afrique. En outre, il donne une capacité d'investissement suffisante pour développer la prospection et les clientèles.

D'après tout ce que nous avons pu entendre ou observer sur le sujet - je pense notamment à la très longue concertation que vous avez menée avec les organisations professionnelles et syndicales, monsieur le ministre -, cette fusion ne porte pas atteinte aux droits des salariés. De surcroît, elle a l'avantage de mettre en place un certain nombre de mécanismes tarifaires tant pour les catégories les plus modestes que pour les entreprises, ce qui permet d'envisager l'avenir avec un peu plus de sérénité.

En effet, nous avons en France trois grands groupes énergétiques de dimension mondiale : il s'agit d'Areva, qui est le plus grand groupe nucléaire mondial, de Total, qui est un groupe pétrolier de très grande dimension, et d'EDF, dont la capacité nucléaire est tout à fait importante. Comparé à ces groupes, Gaz de France est tout petit et, en l'état actuel, n'est manifestement pas en mesure de faire face à la concurrence, notamment dans le contexte de l'accord entre Sonatrach et Gazprom.

C'est la raison pour laquelle le projet de fusion me paraît aller dans le bon sens.

Certes, nous aurions pu envisager d'autres solutions, par exemple la fusion de GDF avec Total ou Areva, qui sont des entreprises privées. Mais votre projet me semble intéressant, monsieur le ministre.

J'en viens à présent aux raisons pour lesquelles mes collègues de l'UMP et moi-même voterons en faveur de ce projet de loi.

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