Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'aurai pas la cruauté, en cet instant, de reprendre la totalité du débat, d'autant que les interventions de mes collègues de l'UMP ont très largement restitué ce qui est notre conviction commune, à savoir l'opportunité de ce texte et, sans doute aussi, l'opportunité de la réflexion approfondie qui a été conduite tout au long de l'été, alors que l'annonce, en février dernier, de la fusion de Suez et de GDF par M. le Premier ministre avait ouvert un champ d'interrogations qui ne pouvait être épuisé en quelques jours, voire en quelques semaines.
Nous avons donc bien travaillé. Aujourd'hui, ce projet de loi, qui permet de construire, pour GDF, un avenir solide, rassemble la majorité, et même au-delà.
Si je n'ai pas l'ambition de reprendre l'ensemble des points qui ont été évoqués, je tiens cependant, monsieur le ministre, à souligner quelques singularités du marché de l'énergie, qui se distingue du marché des télécommunications, que M. Pierre Hérisson - il l'a évoqué tout à l'heure - et moi-même avons suivi ensemble depuis une vingtaine d'années.
La grande différence, c'est que, en matière d'énergie, il existe, et c'est fort heureux, des volontés politiques de maîtriser la consommation, qui se sont notamment exprimées au niveau international. C'est ainsi que les accords de Kyoto, auxquels la France a souscrit, ont reconnu l'importance de la maîtrise de l'énergie en général.
Voilà pour la demande.
En ce qui concerne l'offre, force est de reconnaître que, contrairement à ce qu'il en est pour les télécommunications, l'énergie est soumise à des contraintes fortes : certaines nous échappent, en particulier lorsqu'il s'agit de l'énergie fossile, tandis que d'autres sont maîtrisées, mais impliquent, par l'intensité capitalistique que la production suppose, des conditions spécifiques d'accès au marché, qui sont parfois dissuasives ou au moins décourageantes. Une telle situation crée naturellement des conditions très particulières lorsqu'on s'efforce de faire régner dans ce marché un climat de concurrence, de compétition et de dérégulation, pour reprendre les termes à la mode.
C'est la raison pour laquelle l'un des dispositifs importants du projet de loi, est, me semble-t-il, la régulation. La puissance publique n'est jamais autant elle-même que lorsque, éclairée par un débat politique et une volonté clairement affirmée, elle se donne les moyens non pas d'être opérateur, ce qui la conduit souvent à être prisonnière des institutions qu'elle prétend diriger, mais d'être régulateur, à partir de convictions politiques fortement exprimées devant l'opinion publique. Après tout, les élections présidentielle et législatives de l'année prochaine permettront, j'en suis persuadé, de placer le thème de l'énergie et de sa maîtrise au coeur du débat.
Pour autant, j'ai ressenti le besoin de soutenir trois séries d'amendements, sur des sujets qui peuvent paraître secondaires, mais qui devraient, à l'occasion de ce débat et, surtout, de l'examen des articles, permettre d'éclairer l'opinion sur la volonté du Gouvernement.
Le premier thème concerne l'avenir de GDF en tant qu'entreprise, dans la perspective de ce qui est annoncé, en tout cas de ce qui a été annoncé par M. le Premier ministre lui-même il y a près de sept mois, à savoir la fusion avec Suez.
J'ai déposé un amendement qui pourrait apparaître à une fraction de nos collègues comme une forme de provocation et qui traduit, en réalité, la volonté de donner à l'État actionnaire plus d'autorité pour défendre les intérêts du patrimoine collectif que représentera sa participation dans le futur ensemble.
Il s'agit en effet de faire sauter le principe de la participation plancher prévue par le projet de loi et que vous avez fixée à 34 %, au-delà de la minorité de blocage. Dans un texte précédent, elle devait être de 70 %.
Quelle serait la conséquence pratique d'un tel plancher ? Chaque fois qu'une décision d'entreprise devra être prise, il faudra se tourner vers le législateur, ce qui, reconnaissons-le, n'a pas placé, hier, GDF dans une situation facile ! En février dernier, en effet, l'entreprise publique était le « chevalier blanc » qui allait sauver Suez d'un prédateur international : on peut présenter les faits en ces termes si l'on a le goût de la polémique. En d'autres termes, GDF se trouvait dans une position de force pour négocier avec Suez.
La bataille politique, qui était inévitable, s'est alors engagée. Sa durée même fait que, aujourd'hui, il serait difficile au Gouvernement de revenir sur sa position, tandis que le partenaire privé dispose, pour sa part, d'une liberté totale : le Gouvernement s'étant publiquement engagé, Suez peut faire pression sur GDF pour imposer, dans le cadre de la fusion, des conditions qui lui sont plus favorables.
On en arrive ainsi à une situation paradoxale où le courage et la volonté politique du Gouvernement se retournent contre lui puisque, s'étant engagé devant l'opinion publique, il doit maintenant conduire cette fusion jusqu'à son terme.
Pour avoir, dans un passé lointain, couvert des fusions qui ont ultérieurement échoué, je puis vous dire, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la position d'un actionnaire qui, annonçant ses intentions, se lie lui-même les mains n'est pas des plus confortables !
Or nous risquons de nous retrouver, demain, exactement devant le même paradoxe ! En effet, bien que GDF représente, c'est vrai, un peu moins que Suez - son chiffre d'affaires atteint un peu plus de la moitié de celui de Suez et son capital équivaut aux trois quarts de la valorisation boursière de Suez, au cours actuel -, la puissance publique sera en réalité, bien au-delà des 34 %, le premier actionnaire, le noyau dur, l'actionnaire de référence du nouvel ensemble. Et pourtant, il sera minoritaire ! Avec, si j'ose dire, un prétendant plus petit que la fiancée, nous risquons d'avoir un déséquilibre dans la structure résultant de la fusion.
Monsieur le ministre, depuis sept mois, nous vous suivons et cela nous autorise à vous dire que la fusion doit être équilibrée ! Il ne peut en être autrement, en particulier dans les instances de direction.
Tout à l'heure, Pierre Hérisson a fait état des acquisitions qui ont été payées cash par France Télécom. Or, demain, cette fusion permettra justement, comme de nombreux orateurs l'ont dit, de ne plus procéder ainsi, ce qui signifie que, à tout moment, la nouvelle structure sera obligée de prendre des décisions qui pourront diluer le nombre des actionnaires en place. S'il s'agit, par exemple, de fusionner pour acquérir un gisement ou un partenaire intéressant ou bien s'il faut, au contraire, éviter un peu rapidement une OPA hostile, l'État actionnaire risque d'être paralysé par ce « butoir législatif » qu'il s'est fixé à lui-même. Alors que celui-ci a pour objet de protéger son patrimoine, il pourra, en réalité, l'affaiblir.
Le deuxième point que je souhaite évoquer est lié à la transposition des directives consacrées à la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz et à la dérégulation de l'électricité. Il s'agit du lancinant problème des tarifs de retour. J'ai déposé un amendement sur ce point, pour approfondir le débat que vous avez accepté, monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale, où une partie du sujet a été traitée, mais sans réussir à l'épuiser complètement.
J'évoquais tout à l'heure la singularité du marché de l'énergie. Force est de reconnaître que, pour l'électricité, il existe manifestement plusieurs marchés. L'un d'entre eux est celui de l'électricité de pointe, je dirai même de la pointe extrême. En effet, l'électricité ne se stockant pas, celui qui en a absolument besoin à un moment donné est déterminé à la payer bien plus cher qu'elle ne vaut, en dehors de toute notion d'utilité marginale, contrairement à ce que nous avons tous pu apprendre sur les bancs de l'école.
Existe également l'électricité de ruban qui, à l'opposé, est consacrée à la consommation normale, à long terme.
Il convient d'ailleurs de noter que, en France, l'une et l'autre forme d'électricité correspond à des technologies assez nettement réparties : au nucléaire le ruban et au gaz ou au thermique, la pointe ou l'extrême pointe.
Au-delà du cas particulier des chats échaudés qui craignent l'eau froide, c'est-à-dire des éligibles qui ont fait le choix de la liberté avec le sentiment que les arbres montaient toujours jusqu'au ciel et que les prix baissaient toujours jusqu'à terre