Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 6 octobre 2005 à 10h30
Diverses dispositions relatives à la défense — Adoption d'un projet de loi

Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de défendre aujourd'hui devant vous a pour objet de ratifier l'ordonnance du 20 décembre 2004, prise sur la base de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

La codification est un élément important pour nous, mais aussi pour les Français, puisqu'elle permet de refonder nos textes relatifs à la défense et de les rendre plus lisibles et plus accessibles à l'ensemble de nos concitoyens ; or nous savons toute la complexité du droit. Elle donne également l'occasion de confirmer l'actualité de ces textes. Bref, la codification est une oeuvre qui va dans le sens de la modernisation et de la qualité du droit.

Le code que je vous présente aujourd'hui reprend tout d'abord, et c'est normal, des textes anciens, parfois même très anciens, mais qui sont toujours d'actualité, pour les présenter de manière plus structurée et plus lisible. Ce sont notamment la loi du 28 germinal an VI, dont certaines dispositions régissent l'usage des armes par les gendarmes ; la disposition fondamentale de 1791 relative aux relations des autorités civiles et militaires, c'est-à-dire à la répartition de compétences en matière de défense ; les dispositions relatives aux régimes juridiques exceptionnels tels que le temps de guerre, l'état de siège ou l'état d'urgence ; le décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre et des armes.

Le code regroupe également toutes les législations les plus modernes, dont certaines sont d'une grande actualité, portant sur l'interdiction des armes chimiques et biologiques et des mines antipersonnel, sujet que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ensemble.

Une place est bien évidemment prévue dans le code pour la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, que vous avez adoptée voilà quelques mois, ainsi que pour un texte que vous n'avez pas encore examiné mais qui, je l'espère, pourra vous être présenté avant la fin de cette année : le projet de loi sur les réserves, dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter en commission. Il sera soumis à l'Assemblée nationale dans quelques semaines, et je souhaite qu'il vienne immédiatement après devant vous.

Dès l'adoption de ce texte par le Parlement, une ordonnance permettra ainsi de procéder à l'achèvement de cette codification.

Au-delà de la codification à droit constant prévue à l'article 1er, que je qualifierai de banale et courante, le présent projet de loi contient certaines évolutions du droit de la défense qui vont dans le même sens de la simplification et de la clarification.

Deux amendements viendront compléter ce texte pour répondre à deux défis actuels : l'insertion professionnelle des jeunes et la lutte antiterroriste, points sur lesquels j'insisterai plus particulièrement.

Il s'agit d'abord pour nous de moderniser des règles de fonctionnement de la justice pour les affaires concernant la défense, et c'est l'objet de la suppression de l'obligation de la plainte préalable du ministre de la défense ou du ministre des finances en cas de poursuite d'infractions à la législation sur les armes. J'ai tenu à mettre un terme à cette disposition, héritage de la tradition de la justice retenue, et j'ai souhaité qu'en la matière nous rejoignions le droit commun ; il me semble que la Haute Assemblée est également favorable à ce que le plus grand nombre possible de dispositions s'en rapprochent, chaque fois que les intérêts supérieurs de la nation ne sont pas en jeu.

Il appartiendra donc désormais aux procureurs de la République d'apprécier la suite à donner à ces procédures dans les conditions du droit commun. C'est là une avancée importante.

Le projet de loi vise par ailleurs à simplifier le régime juridique de certaines activités économiques de la défense.

Ainsi, le régime juridique actuellement applicable aux produits explosifs à usage militaire, extrêmement complexe et issu d'un passé lointain, repose sur des délégations de service public accordées par décrets en Conseil d'Etat, formule relativement lourde ; il est complété par un régime d'autorisation.

Le projet de loi vise à simplifier ce dispositif en supprimant la délégation de monopole, qui est obsolète, largement redondante et très lourde ; toutefois, compte tenu du sujet, le régime d'autorisation sera bien entendu maintenu. L'Etat conservera ainsi un encadrement strict de ces activités par les procédures d'agrément et de contrôle, tout en étant plus réactif dans un monde économique en mouvement.

Dans le même esprit de simplification, le projet de loi tend à actualiser les dispositions relatives à l'Institution de gestion sociale des armées, l'IGESA, pour les rapprocher du droit commun des établissements publics.

Le principe reste le même : nous essayons dans toute la mesure du possible de rejoindre le droit commun, ce qui me paraît être un élément de clarification répondant au souhait des parlementaires.

Enfin, le présent projet de loi doit permettre, parce que c'est actuellement l'une de nos préoccupations majeures, de mieux veiller à la protection du pays contre les atteintes les plus graves. Nous le savons, car nous avons eu de nombreuses occasions d'en discuter ici, nous sommes aujourd'hui dans un contexte stratégique extrêmement mouvant et des menaces et des risques très réels pèsent sur notre pays, notamment en matière de terrorisme.

J'ai donc souhaité, dans ce texte, ajouter à la définition des actes de terrorisme les infractions relatives aux matières nucléaires : paradoxalement, cela n'était pas encore prévu ! Seront également complétés la définition et le dispositif de contrôle des matières nucléaires civiles.

Par ailleurs, j'ai déposé deux amendements afin de tenir compte de deux problèmes majeurs apparus après le dépôt du texte.

Le premier problème est celui de l'insertion professionnelle des jeunes ; nous le connaissons tous, et tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, y sont sensibles.

Le ministère de la défense est un acteur majeur de l'emploi en France, tout particulièrement de l'emploi des jeunes puisque, chaque année, il propose un contrat à près de 35 000 d'entre eux, de tous niveaux scolaires, depuis des polytechniciens jusqu'à des jeunes sans aucune formation, ce qui fait d'ailleurs de lui le premier employeur de jeunes du pays ; parmi ces contractuels, 7 000 n'ont aucune qualification, aucun diplôme, et quasiment aucune formation.

Notre rôle à leur égard consiste à leur donner une formation de base, une formation professionnelle et une insertion professionnelle, et nous pouvons affirmer que nous rencontrons un grand succès puisque ceux qui choisissent de ne pas faire toute leur carrière dans les armées et en sortent à la fin de leur contrat connaissent un taux de réinsertion professionnelle extrêmement élevé : entre 90 % et 95 % d'entre eux, qui n'avaient rien quand ils sont entrés et que nous avons formés, trouvent des contrats à durée indéterminée lorsqu'ils quittent l'armée.

C'est sur la base de ce dispositif que j'ai souhaité pouvoir étendre notre action en utilisant les savoir-faire et les capacités des militaires et, en même temps, l'ensemble de la structure. A cet effet ont été intégrées dans le code de la défense des dispositions créant l'établissement public d'insertion de la défense, l'EPID.

L'article additionnel que le premier amendement vise à insérer tend à compléter le dispositif déjà proposé en autorisant le futur établissement public à mettre à la disposition du ministère des jeunes recrutés au titre des contrats d'accompagnement dans l'emploi : il s'agit de faire accéder davantage de jeunes à des formations qui pourront leur être utiles, soit pour la suite de leur carrière s'ils souhaitent rester dans des activités relatives à la défense, soit pour trouver une activité à l'extérieur, comme cela se passe aujourd'hui dans le cadre des contrats de cinq ans que nous proposons.

Le second amendement que je vous soumettrai porte sur la lutte contre le terrorisme, et je rappelais il y a un instant que nos préoccupations en la matière sont majeures.

Compte tenu des nouvelles formes que prend le terrorisme, il est évidemment essentiel d'essayer d'adapter notre stratégie préventive, de tenter d'empêcher les actes et, par conséquent, d'agir préventivement.

Cela implique notamment de rendre moins vulnérables des points ou des réseaux d'importance vitale. Outre celles de la défense, il faut donc protéger les installations essentielles à la continuité de la vie de la nation et qui peuvent être des cibles du terrorisme : les gares et les aéroports les plus importants, les réseaux de production d'énergie et les réseaux de communication. Doivent également être protégées les installations dont la destruction pourrait entraîner des conséquences extrêmement graves pour la population ou pour l'environnement, par exemple les nucléaires centrales ou les installations classées « Seveso ».

Ce second amendement vise donc à adapter le droit en vigueur aux nouvelles menaces. C'est pourquoi son champ d'application concerne l'ensemble des opérateurs, publics et privés, car certains risques peuvent viser des opérateurs privés et non pas les seules « entreprises », terme qui est employé dans le droit en vigueur mais qui me paraît trop restrictif compte tenu de l'enjeu.

De la même façon, la qualification de « menace » doit être élargie. Nous constatons en effet une grande diversification des méthodes d'action des terroristes, et les renseignements dont nous disposons nous donnent à penser qu'elle pourrait s'accentuer encore ; à nous de savoir nous adapter en la matière. Au-delà de la notion actuelle, trop restrictive, de « sabotage », il faut donc, me semble-t-il, se prémunir contre toute menace, notamment à caractère terroriste. Cela nous donne effectivement des possibilités d'action.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi illustre la volonté constante du ministère de la défense d'actualiser, dans un contexte mouvant, le droit qui régit ses activités. Les propositions que je vous soumets visent à mieux répondre aux exigences de sécurité qu'expriment nos concitoyens et à renforcer les liens entre les Français et leur défense en permettant que chacun comprenne mieux les règles applicables et leur pourquoi, en permettant que chacun se sente plus en sécurité, mais aussi davantage concerné par la défense de notre pays.

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