Intervention de Jean Boyer

Réunion du 13 janvier 2011 à 9h30
La ruralité : une chance pour la cohésion et l'avenir des territoires — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean BoyerJean Boyer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Didier Guillaume – je le dis très franchement – connaît parfaitement la France rurale. J’essaierai d’apporter mon point de vue sur les différentes questions qu’il a évoquées.

La France d’après-guerre comptait 40 millions d’habitants, dont 20 % étaient localisés en ville et 80 % en zone rurale. Aujourd’hui, la répartition est diamétralement opposée.

Cependant, certains territoires ruraux connaissent un regain d’attractivité, qu’il faut soutenir. Il faut fortifier leurs espérances et leurs atouts avant que nous ne nous trouvions face à des territoires sans hommes. Mon département – mais il ne doit pas être le seul – compte un canton de moins de cinq habitants au kilomètre carré !

Un an après les conclusions des Assises de la ruralité, il me semble opportun de rappeler trois éléments fondamentaux.

Premièrement, l’avenir des territoires ruraux passe nécessairement par une diversification de leur économie. Cette dernière est aujourd’hui encore trop limitée à l’agriculture ; c’est d’autant plus regrettable qu’on ne laisse à cette dernière qu’une mission de production brute, sans lui permettre de développer la valorisation. Je donnerai un exemple : dans mon département, la Haute-Loire, en 1990, sur 34 000 tonnes de viandes bovine ou ovine produites, 28 000 tonnes passaient par les sept abattoirs locaux ; aujourd'hui, il reste un abattoir pour prendre en charge 3 500 tonnes de viande. Nous n’allons pas dans le sens du développement des circuits courts prévu dans la dernière loi de modernisation agricole ni dans celui de la valorisation in situ des productions.

Il faudrait donc, monsieur le ministre, œuvrer pour ancrer et pérenniser territorialement les entreprises.

Des dispositifs comme les pôles d’excellence rurale – reconnaissons leur apport positif – ont contribué à soutenir et à ancrer les entrepreneurs ruraux, mais cela n’est pas suffisant. Les pôles d’excellence rurale constituent un plus, car ils sont des soutiens de projets et non des soutiens de guichets.

En outre, monsieur le ministre, le mille-feuille des dispositifs d’appui économique et des structures administratives freine vraiment le développement des projets. Certains de ceux qui souhaitent entreprendre se découragent et ne vont pas jusqu’au bout de leurs initiatives. Œuvrons donc pour plus de souplesse, de simplicité et de proximité.

Outre la fonction économique, la ruralité assure une fonction résidentielle, dopée par une mobilité croissante et la recherche d’une qualité de vie ne se rencontrant pas dans les villes. Néanmoins, la solidarité doit être objective, comprise et dénuée de démagogie.

Seulement, l’extension urbaine et le mitage des campagnes constituent un danger de surconsommation des espaces agricoles. Nous sommes passés de 35 000 hectares de terres agricoles consommés chaque année dans les années soixante à 75 000 hectares aujourd'hui. J’espère que la mise en place de l’Observatoire de la consommation des espaces agricoles jouera pleinement son rôle de régulateur et favorisera la réhabilitation d’anciennes bâtisses plutôt que le mitage incontrôlé des campagnes par la construction de maisons à 100 000 euros ! La ruralité doit pouvoir conserver l’image de son patrimoine, et des lotissements ne doivent pas dénaturer le paysage.

Si l’on considère ces trois fonctions comme structurantes, il faut désormais déterminer quelles mesures permettent au monde rural de les remplir au mieux.

Parce que deux territoires ont des problématiques différentes, il faut impérativement adopter des approches différenciées, et donc accorder aux élus locaux, notamment aux régions, des marges de manœuvre accrues.

En termes financiers, les collectivités des zones rurales sont au bord de l’asphyxie : elles n’ont qu’un faible potentiel fiscal du fait de leur densité peu importante, alors que la taille de leurs territoires engendre des surcoûts importants pour l’entretien des réseaux, des voiries et de l’assainissement.

Monsieur le ministre, le problème ne date pas d’aujourd'hui. Étant responsable agricole et très modestement rural, j’ai toujours pensé que les dotations de l’État devaient prendre en compte non seulement les hommes, mais aussi les espaces à gérer. Aujourd'hui, une commune de 200 habitants peut avoir à s’occuper d’un parking et d’une station d’épuration comme elle peut avoir à gérer – et c’est souvent le cas – vingt à trente kilomètres de voirie, divers ouvrages, des équipements d’eau ou des équipements sanitaires. Il faut donc tenir compte de cette gestion et encourager toutes les initiatives des territoires ruraux. C’est en donnant à ces derniers leur chance grâce aux pôles d’excellence rurale ou à d’autres initiatives que nous susciterons chez nos concitoyens l’envie et la possibilité de rester vivre au pays !

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