Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour en finir avec les clichés, je soulignerai d’emblée que, contrairement aux idées reçues, le monde rural connaît un nouveau souffle. Même s’il reste encore des défis importants à relever, notamment pour assurer un accès équitable à certains services publics, un accompagnement des mutations de l’activité agricole ou une plus grande synergie entre les acteurs économiques et le territoire, ruralité n’est plus forcément synonyme de déclin et de désertification.
Cette question orale sur la ruralité posée par notre collègue Didier Guillaume me fournit l’occasion de rappeler que l’État, le Gouvernement ne désertent pas, quoi qu’on dise, les zones rurales, malgré la contrainte qu’exerce sur nos finances publiques la crise économique et financière que nous traversons.
En tant que rapporteur pour avis des crédits de la mission « Politique des territoires » et membre de la commission nationale de présélection des pôles d’excellence rurale, mais aussi en tant que maire d’une commune de 400 habitants et élu d’un département rural, le Cher, je suis bien sûr très attaché à la cohésion territoriale et très soucieux de l’avenir des territoires ruraux.
Bien entendu, tout n’est pas parfait, mais tout est perfectible. Les assises des territoires ruraux, mises en place par votre prédécesseur Michel Mercier, monsieur le ministre, ont permis de mettre en lumière nombre de propositions.
Il faut tout d’abord constater que de nombreux outils d’intervention existent déjà : s’ils méritent d’être améliorés pour accroître leur efficacité, leur pertinence n’est pas en cause. L’action publique a donc moins besoin d’outils nouveaux que d’un renforcement de la cohérence entre des initiatives d’origines diverses.
Cette cohérence passe d’abord par l’affirmation de trois principes pour l’intervention des pouvoirs publics : il faut préciser le rôle de l’État au sein des pouvoirs publics pour accroître l’efficacité de son action, améliorer la gestion publique et la lisibilité des outils d’intervention ; soutenir les territoires ruraux les plus fragiles par la péréquation et l’aide aux projets ; enfin passer de la protection du patrimoine naturel, culturel et bâti à sa valorisation et mobiliser les ressources humaines pour développer les capacités d’initiative locales.
Ainsi, l’avenir des territoires ruraux peut certes passer par des mesures nouvelles, mais aussi, tout simplement, par l’amélioration des nombreux dispositifs existants.
Parmi ceux-ci figurent les pôles d’excellence rurale, dont j’ai eu l’occasion de présenter ici même une évaluation et un bilan. Ce dispositif a été un formidable accélérateur de projets pour les territoires. Un effet de levier a pu être constaté pour la première vague de projets, en 2006 : 380 pôles d’excellence rurale ont alors été labellisés, en complément des pôles de compétitivité qui irriguent aussi nos territoires ruraux. Les territoires se sont mobilisés très rapidement, même si cela a été un peu moins vrai pour certains départements ou régions. L’État a laissé l’initiative aux acteurs locaux, dans un esprit de partenariat, en faisant travailler ensemble des collectivités et des partenaires privés qui n’en avaient pas l’habitude. Cette opération a finalement été un succès pour les territoires ruraux.
S’agissant du nouvel appel à projets – 179 ont déjà été retenus –, j’avais formulé vingt préconisations. Toutes ont été reprises, sauf deux que je tiens à présenter de nouveau pour améliorer le dispositif : il s’agit de l’apport d’une aide à l’ingénierie pour monter les projets et de la mise en place d’une ligne budgétaire spécifique aux pôles d’excellence rurale pour assurer une meilleure lisibilité de l’action.
Autre dispositif important, les zones de revitalisation rurale ont contribué, depuis 1995, à créer ou, du moins, à mettre en place des conditions favorables au développement de l’activité économique dans nos territoires ruraux, en attirant des professionnels par des exonérations fiscales et sociales.
Même si nous nous sommes inquiétés, à un moment donné, de la remise en cause trop brutale de l’exonération de charges pour les organismes d’intérêt général prévue à l’article 88 du projet de loi de finances, les choses sont rentrées dans l’ordre. Monsieur le ministre, ne changeons pas trop les règles d’un dispositif qui joue un rôle correctif indispensable pour des territoires en situation d’inégalité démographique et économique.
Je pourrais également évoquer, à la suite de mon collègue Bernard Fournier, le programme national « très haut débit », qui doit permettre de couvrir l’ensemble des foyers d’ici à 2025 : il faudra pour cela que le Fonds d’aménagement numérique du territoire soit suffisamment alimenté. Mais n’oublions pas ceux qui, aujourd'hui encore, n’ont même pas accès au haut débit. Les départements et les régions doivent aussi faire un effort pour améliorer la situation.
L’opération de financement de 200 maisons de santé pluridisciplinaires contribuera à enrayer la désertification médicale en milieu rural, phénomène dont la responsabilité n’incombe pas au présent gouvernement, puisqu’il résulte de décisions prises dans les années quatre-vingt, visant à réduire le numerus clausus pour les études médicales.
Je voudrais citer en outre l’opération « + de services au public », qui permettra d’expérimenter, dans vingt-trois départements, la mutualisation des moyens de partenaires tels que La Poste, EDF, la SNCF, les caisses d’allocations familiales, Pôle emploi, au sein de maisons de services publics et au public numérisées. L’objectif est de répondre aux attentes de nos concitoyens grâce à des formules innovantes. Il n’est pas satisfaisant qu’un bureau de poste ferme à 16 heures alors que la majorité des usagers souhaitent pouvoir y passer après leur journée de travail, vers 18 heures ou 19 heures. Les agences postales communales répondent parfois mieux que La Poste aux besoins de la population.
J’évoquerai enfin le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, par le biais duquel l’État soutient le maintien ou la reprise des petits commerces de proximité. Grâce à un amendement de mon collègue Gérard Cornu, son enveloppe financière a d’ailleurs été relevée de 20 millions d’euros dans le budget pour 2011. Il faudrait cependant rendre éligible au FISAC la petite hôtellerie rurale, qui, soumise à de nombreuses normes, a des besoins financiers importants.
En conclusion je parlerai brièvement de l’agriculture, qui occupe une place prépondérante dans l’économie rurale. Elle structure nos territoires, elle façonne nos paysages. Si, depuis peu, la situation s’est améliorée pour les grandes cultures, le marché étant porteur – mais pour combien de temps ? –, tel n’est pas le cas pour le secteur de l’élevage, où la crise n’a pas commencé en 2007, mais perdure depuis plus de dix ans. Il faut prendre des mesures d’urgence en faveur des éleveurs.
Monsieur le ministre, ce débat sur la ruralité, nous l’avons déjà engagé depuis longtemps. Je connais votre conviction, votre énergie pour défendre l’agriculture. Il est très cohérent d’avoir élargi le champ de vos compétences à l’aménagement du territoire et à la ruralité.
Cher collègue sénateur Didier Guillaume, ce qui compte, ce n’est pas seulement la quantité des moyens financiers, c’est aussi la qualité et l’efficacité des mesures mises en place. La boîte à outils, nous l’avons ; il faut savoir l’utiliser, mettre les mains dans le cambouis, ce qui est le rôle des élus, dont l’action peut parfois faire la différence entre les territoires.