Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 13 janvier 2011 à 9h30
La ruralité : une chance pour la cohésion et l'avenir des territoires — Discussion d'une question orale avec débat

Bruno Le Maire, ministre :

L’État est attentif au maintien d’un service public de qualité sur l’ensemble du territoire dans bien d’autres domaines encore.

Je pense notamment aux transports : mon collègue Thierry Mariani a signé avec la SNCF, en décembre dernier, une convention visant à maintenir les lignes d’équilibre des territoires.

Je pense aussi aux distributeurs automatiques de billets, équipements de proximité dont l’absence constitue un réel problème pour les habitants des communes rurales qui en sont dépourvues. Nous avons déjà installé trente-deux nouveaux distributeurs et nous allons, grâce à la convention tripartite entre La Poste, l’Autorité des marchés financiers et l’État qui sera signée dans les prochains jours, en mettre en place de nombreux autres encore dans les communes rurales.

Je pense, enfin, aux structures d’accueil de la petite enfance. C’est un point très important. Sur la proposition du sénateur Jean Arthuis, nous soutiendrons la création de maisons d’assistantes maternelles, qui sont indispensables à la vie des familles dans les territoires ruraux.

La quatrième priorité, pour les territoires ruraux, est le développement de nouvelles activités économiques pour créer des emplois.

La politique de la ruralité ne consiste pas simplement à faire en sorte qu’il y ait suffisamment de médecins, de services publics et à faciliter l’accès à internet ; il convient aussi de promouvoir l’activité économique, l’emploi, sinon les territoires ruraux, notamment ceux qui sont proches de grandes agglomérations, risquent de se transformer en zones dortoirs pour les salariés n’ayant pas eu la chance de trouver un emploi à proximité de leur domicile ou n’ayant pas les moyens de se loger près de leur lieu de travail. Il est donc indispensable de développer l’activité économique dans les territoires ruraux.

À cet égard, je rappelle qu’un actif sur quatre vit en milieu rural, mais qu’un actif sur cinq seulement y travaille. Nombre de nos concitoyens sont donc obligés de se déplacer, parfois sur de longues distances, pour rejoindre leur lieu de travail.

Quelles sont les solutions ? Nous avons exploré un certain nombre de voies, qui ont montré leur fécondité.

En ce qui concerne tout d’abord les pôles d’excellence rurale, je tiens à remercier Rémy Pointereau des recommandations extrêmement utiles qu’il a faites à propos des nouvelles orientations à leur donner, en matière de développement économique ou de services à la population.

Je rappelle que deux appels à projets ont déjà été lancés : le premier a abouti en décembre dernier à la labellisation de 114 pôles d’excellence rurale, avec un soutien public de 108 millions d’euros ; le second a rencontré un succès encore plus grand, puisque 460 dossiers ont été déposés. On peut se réjouir de ce succès, parce que c’est un signe de dynamisme, ou s’en inquiéter, parce que ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour nos finances publiques…

Il ne sera évidemment pas possible de retenir tous ces projets. Nous sommes en train d’examiner attentivement chacun d’entre eux avec la Direction interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité des régions, en suivant les recommandations de Rémy Pointereau. Le Premier ministre fera des choix au cours du premier trimestre de 2011, les projets sélectionnés devant bénéficier d’un soutien financier comparable à celui qui a été accordé aux projets de la première génération. Je ne cache pas que trancher est difficile : j’ai déjà reçu de très nombreuses sollicitations de la part de parlementaires. Cela est tout à fait légitime, car il n’y a pas de mauvais projets. Tout cela témoigne du dynamisme des territoires ruraux, ainsi que de l’imagination et de la capacité à concevoir un développement économique de leurs acteurs.

Les pôles de compétitivité ont également montré leur efficacité. Ils marquent l’inscription des territoires ruraux dans les secteurs d’excellence, ceux de l’innovation, de la recherche, des hautes technologies. Je pourrais citer des dizaines d’exemples témoignant de la qualité de tels pôles installés dans les zones rurales. Ainsi, le pôle de compétitivité « industries et agroressources » a permis de faire des régions Champagne-Ardenne et Picardie une référence mondiale pour la chimie verte. Nous affecterons 1, 5 milliard d’euros sur la période 2009-2011 au lancement d’une seconde phase.

Enfin, les grappes d’entreprises viennent en complément des pôles de compétitivité. Ce dispositif concerne tous les territoires, y compris les territoires ruraux. Il n’est pas forcément toujours possible de faire émerger un pôle de compétitivité ou un pôle d’excellence et d’innovation de niveau européen ou mondial. En revanche, des territoires peuvent regrouper leurs entreprises pour établir des synergies : c’est la logique des grappes d’entreprises. Ce dispositif fonctionne et nous continuerons à le soutenir dans les années à venir.

Toujours au titre du développement économique, je voudrais évoquer, à la suite de MM. Signé et Guillaume, la culture. Il est très important de soutenir le développement des activités culturelles en milieu rural, car il permet aussi de créer des emplois et de rendre les territoires plus attractifs. Des dizaines de festivals voient chaque année le jour en France dans un certain nombre de zones rurales. J’ai proposé à mon collègue Frédéric Mitterrand d’établir une convention entre nos deux ministères en vue de développer les activités culturelles dans les territoires ruraux. La dimension culturelle représente un atout considérable pour ces derniers.

Si nous devons donc cultiver l’excellence dans les territoires ruraux grâce aux pôles de compétitivité, aux pôles d’excellence rurale et à la culture, nous devons également y favoriser le maintien de l’activité commerciale et artisanale. Cela correspond à une attente de nos concitoyens et c’est un moyen de revitaliser ces territoires.

Pour maintenir et accroître la présence des petits commerces et de l’artisanat, nous porterons à 40 % le taux d’intervention du FISAC pour les projets d’investissements en zones de revitalisation rurale. Voilà une dimension concrète du soutien que je souhaite personnellement apporter au développement des activités commerciales et artisanales dans les zones rurales.

Dans les zones de revitalisation rurale, nous étendrons aux transmissions d’entreprises artisanales le dispositif d’exonération fiscale prévu pour la création d’entreprise. Je suis très attaché à cette mesure, pour avoir constaté, dans mon département, à quel point les charcutiers, les bouchers ou les boulangers parvenus à l’âge de la retraite peinent à trouver un successeur. Ces difficultés sont dues d’abord au manque de jeunes disposant des qualifications nécessaires pour reprendre de telles entreprises, mais aussi à des raisons fiscales. En appliquant aux transmissions d’entreprises artisanales le régime d’exonération fiscale des créations d’entreprises, nous les faciliterons et nous favoriserons ainsi le maintien des activités commerciales dans les territoires ruraux.

S’agissant également des ZRR, plusieurs intervenants, en particulier Rémy Pointereau, ont évoqué la question de la révision des critères de zonage. Nous travaillons actuellement sur ce sujet très sensible, afin de mieux cibler les territoires ruraux les plus fragiles. Je ne vous le cache pas, les choix sont là aussi difficiles. Avant de les arrêter, je souhaite donc procéder à une large consultation des représentants des collectivités territoriales et des élus ruraux. Je vous propose de vous associer à cette démarche, mesdames, messieurs les sénateurs.

Bien entendu, je ne saurais conclure mon intervention sans évoquer l’agriculture. Mais, pour ne pas allonger exagérément mon propos sur un sujet qui m’inspire beaucoup, je m’en tiendrai à rappeler cette évidence qu’il n’y a pas de territoire rural en France sans agriculture forte. Par conséquent, il est impératif de poursuivre notre soutien à l’agriculture, qui commence à donner des résultats, n’en déplaise à certains.

Certes, des difficultés majeures subsistent dans le domaine de l’élevage, notamment bovin. J’ai réuni hier pour la troisième fois l’ensemble des représentants des professionnels concernés afin d’examiner les solutions envisageables. Des voies existent, et nous continuerons à défendre l’élevage bovin partout sur le territoire français.

Dans les autres filières, la situation s’améliore considérablement, avec bien sûr des disparités. Ainsi, les choses vont un peu mieux pour les céréaliers que pour les viticulteurs ou les producteurs de lait, mais, même dans ces deux dernières filières, les revenus progressent de manière significative. Aujourd’hui, le prix de la tonne de lait est de 70 euros plus élevé que voilà un an. Dans le secteur viticole, les prix ont aussi fortement augmenté, et la France est redevenue le premier producteur mondial de vin en 2010. Ce n’est pas un petit résultat ! §Par conséquent, la situation s’améliore.

Nous avons besoin d’une agriculture respectueuse de l’environnement, qui soit présente partout sur le territoire, que ce soit dans les zones de plaine, de piémont ou de montagne, et non d’une agriculture intensive concentrée sur 10 % du territoire, comme c’est le cas dans d’autres pays.

Je terminerai par un sujet sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer hier à l’Assemblée nationale : la politique agricole commune.

Certains États membres de l’Union européenne continuent de prétendre que la PAC est une politique du passé, que l’agriculture n’est pas une activité stratégique et qu’il est tout à fait envisageable de changer de modèle en important les produits alimentaires que nous consommons. Je les invite simplement à observer ce qui se passe actuellement en Allemagne, où est survenue une contamination par la dioxine, à considérer les nombreuses crises sanitaires qui éclatent partout dans le monde, les émeutes de la faim et la situation d’un certain nombre de pays dont l’approvisionnement en céréales dépend des prochaines récoltes en Amérique du Sud.

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