S’il est un sujet qui nous est apparu non seulement consensuel, mais aussi capital pour l’avenir de nos collectivités, c’est bien celui de l’intercommunalité.
La loi Chevènement fut un succès : comme elle était bien faite, elle a recueilli un véritable consensus. Certes, nous ne l’oublions pas, sa mise en œuvre a été facilitée par l’utilisation de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, mais elle fut un réel succès parce que, dans une nation viscéralement attachée au fait communal, elle a fait comprendre, dans ce qui constitue le nouveau bloc communal, les avantages de la coopération intercommunale, levier essentiel du développement local.
Dans le cadre de l’actuelle réforme, une large majorité s’était dessinée sur la question de l’achèvement de la carte intercommunale et de sa rationalisation. Oui, l’avenir du bloc communal passe par le renforcement de l’intercommunalité : si la commune est le lieu de proximité par excellence, l’intercommunalité est le moteur du développement. Ceux qui opposent commune et EPCI s’égarent, car l’intercommunalité est le seul moyen efficace de préserver le maillage communal.
La réforme devrait être l’occasion de conforter les pôles de centralité autour des bassins de vie, ainsi que de passer, il faut le dire, à l’offensive contre les intercommunalités défensives. Une vision prospective doit partir de la constatation que, pour faire du développement local, pour avoir les moyens de mener une politique d’investissement, pour éviter les implantations anarchiques d’équipements, il est impératif que les intercommunalités disposent d’une taille critique, celle qui donne les moyens d’agir.
Cependant, nous le savons sur le terrain, il est des fusions ou des extensions de périmètre souhaitables qui sont freinées ou bloquées par des conflits personnels, certes respectables, par des querelles de clochers, voire, tout simplement, par la méconnaissance des avantages à en attendre. L’alchimie des relations entre ville-centre, bourg-centre et communes périphériques est délicate ; souvent la peur de la ville-centre engendre des réticences. Il faut donc faire preuve de patience, de tolérance, de clarté, tout en se calant sur les échéances électorales : cela impose beaucoup de concertation, de dialogue, d’études financières.
Disons-le, la manière dont est conduite cette réforme est détestable parce qu’elle est diverse, voire contradictoire, selon les départements et les préfets, parce que le travail préparatoire technique et politique fut insuffisant, parce que, de ce fait, nombre d’élus ont eu une réaction de repli, sinon de rejet. Pourquoi ne pas le dire ? Souvent, la noria incessante des préfets n’a pas donné à ceux-ci le temps d’acquérir une bonne connaissance des hommes et des territoires. Il était donc inadéquat de leur donner tant de pouvoir, concentré sur si peu de temps !
D’ailleurs, le Gouvernement lui-même s’en est rendu compte, grâce d’abord aux récentes élections sénatoriales. Vous avez ainsi fait la déclaration suivante devant le Sénat, monsieur le ministre : « la date butoir du 31 décembre 2011 devra être respectée autant que possible, mais elle pourra être dépassée si cela se révèle nécessaire » !
Certes, il n’y a pas de sanction prévue en cas de dépassement, mais avouez que ce n’est pas très sérieux ! On n’applique pas la loi « si c’est nécessaire »… Est-ce vous le juge de la nécessité, par le canal de chacun des préfets ?
Voilà, en tout cas, la démonstration par l’absurde que la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur était indispensable pour remettre le dispositif dans le sens de la marche : sans modifier la date butoir du 1er juin 2013, le texte de la commission apporte la souplesse nécessaire, prévoit le temps indispensable pour mener la concertation, la poursuite des mandats en cours des élus communautaires, le renforcement de la place des suppléants, auquel nous tenions beaucoup pour les petites communes, une marge de manœuvre pour les présidents d’EPCI quant au transfert partiel des pouvoirs de police, l’obligation de conseil pour l’État en matière financière et fiscale…
En revanche, je suis plus réservé s’agissant des dispositions relatives au seuil minimal de 5 000 habitants pour les intercommunalités : les « spécificités géographiques locales » peuvent tout permettre, monsieur le rapporteur, en particulier le maintien ou la création d’EPCI à vocation défensive ; les zones de montagne et les « îles » présentent des spécificités qu’il conviendrait d’encadrer, au lieu de généraliser le dispositif.
De la même manière, je considère que les dispositions relatives au choix des compétences optionnelles transférées d’un EPCI créé ont été intégrées trop rapidement dans le texte qui nous est soumis. Cette question mériterait un débat plus approfondi ; l’avenir le montrera.
Sous ces réserves, notre groupe votera très majoritairement en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, car elle est légalement indispensable et souhaitée par la grande majorité des élus locaux, confrontés aux réalités du terrain. Il conviendra ensuite de veiller à supprimer le conseiller territorial, mais c’est une autre histoire…