On ne peut pas tenir un discours et avoir une pratique différente !
En dix ans, la dotation de l’IFP Énergies nouvelles a baissé de 40 %. Cet institut est pourtant tellement remarquable que vous-même lui confiez des compétences nouvelles, monsieur le ministre, mais en réduisant ses moyens… On ne peut pas prétendre vouloir protéger l’environnement et limiter les moyens de l’organisme de recherche qui est le plus en pointe dans ce domaine !
Ma deuxième inquiétude porte sur l’Agence nationale de la recherche, ou ANR, dont les crédits d’intervention baissent de 1, 6 %. Mon collègue Michel Berson a parlé de « machine à gaz » : je crains en effet qu’elle n’en devienne une, après avoir été pourtant un outil formidable : elle a créé un tel appel d’air pour les projets qu’elle se trouve aujourd’hui complètement asphyxiée.
Mais comme on lui accorde avec parcimonie les moyens supplémentaires qu’elle demande, le taux de sélection des projets est aujourd’hui d’à peine 20 %. Or pour celle qui vous a précédé dans vos fonctions, monsieur le ministre, ce taux devait atteindre 25 ou 30 % pour que le système fonctionne bien... Nous n’y sommes pas !
Sans compter que le programme Investissements d’avenir vient d’être lancé. L’idée en est formidable, mais on a l’impression que la machine patine et que les choses n’avancent pas…
Ceux qui s’en occupent ne sont d’ailleurs pas forcément en cause : je conviens volontiers que le système, complexe, est difficile à mettre en place. J’ai même découvert que, à la tête des plus grands instituts de recherche du pays, des personnalités éminentes – non politiques, monsieur le ministre, si cela peut vous rassurer… – avaient une conception un peu étriquée de la coopération. J’en ai été très contrarié, mais c’est ainsi.
C’est dans ce contexte que l’ANR, avec seulement la douzaine de postes supplémentaires que vous allez lui accorder en 2012, est chargée d’évaluer les projets.
Cela étant, comme l’a dit M. Berson, cette agence doit veiller aussi à ne pas devenir une superstructure bureaucratique qui, en étant trop tatillonne, retarderait ou empêcherait le choix des projets. Le risque est bien réel. Nous avons auditionné un certain nombre de partenaires de l’ANR et certains d’entre eux se plaignent des difficultés que leur cause son zèle excessif.
L’utilité de l’agence est avérée et c’est la raison pour laquelle il faut trouver un juste équilibre entre subventions aux organismes et financement sur projets. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas en réduisant ses crédits qu’on atteindra cet équilibre ; au contraire, c’est la recherche sur projets qui en pâtira directement.
Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous répondiez sur l’ensemble de ces sujets.
Enfin, le principe qui préside aux sélections du programme des investissements d’avenir, le PIA, ne retient que le critère d’excellence et ne préjuge aucune thématique a priori. Dans ces conditions, comment est assurée la coordination entre le PIA et la stratégie nationale de recherche et d’innovation ?
Bien sûr, une évaluation des politiques de recherche ne saurait se réduire à la question des moyens, aussi importante fût-elle. Depuis 2006, notre pays a à la fois renforcé les moyens alloués et procédé à une restructuration importante du paysage institutionnel.
À ce jour, je n’ai entendu aucun interlocuteur remettre en cause le principe même de ces réformes ni les mutations majeures de l’organisation structurelle de la recherche et de l’enseignement supérieur qu’elles ont permis d’engager dans notre pays, en dépit de quelques tiraillements, prévisibles dans la mesure où tout changement suscite des craintes. Aujourd’hui, le bilan est plutôt positif.
Cette réorganisation se traduit également dans le domaine de la valorisation et de la diffusion de la culture scientifique et technique.
Chef de file de cette nouvelle gouvernance, Universcience a pour mission de coordonner le réseau national des acteurs de la culture scientifique. Notre commission a souhaité unanimement qu’il prenne en compte les inquiétudes et attentes des plateformes territoriales, en vue d’approfondir la réflexion sur leur financement, leurs missions et l’échelle des regroupements.
Le risque existe d’une sorte de régression scientifique, et les actions en faveur de l’information des jeunes doivent encore être confortées. La culture scientifique doit irriguer nos territoires, et ce travail en réseau devrait y contribuer.
Certes, il ne faudrait pas que le budget pour 2012 marque un temps d’arrêt dans des réformes qui nécessitent un accompagnement financier. J’appelle donc le Gouvernement à poursuivre les efforts en faveur de ces priorités nationales.
Je reconnais volontiers que ce budget est globalement préservé compte tenu de la crise internationale sévère que nous traversons. Voilà le côté positif. Pour autant, la commission de la culture a émis défavorable sur les crédits de la MIRES pour 2012.
Par ailleurs, je me réjouis que le Sénat ait adopté deux amendements identiques présentés, pour l’un, par la commission des finances, pour l’autre, par la commission de la culture, et qu’il ait ainsi restauré, par l’insertion dans le projet de loi de finances d’un article 5 bis B, le soutien public en faveur des jeunes entreprises innovantes, supprimé l’an passé contre l’avis de notre commission.
Nous devons être vigilants : les entreprises ont besoin de visibilité. À mes yeux, cela vaut aussi pour le crédit d’impôt recherche.