La première est la mise en place de garanties à l'égard des obligations d’État émises par les pays en difficulté, qui suscitent actuellement la méfiance des marchés. Ce système de garantie par le FESF permettra une relance des transactions sur le marché secondaire.
La seconde est l’utilisation de l’effet de levier que j’ai évoqué, c'est-à-dire la multiplication d’une base x par trois ou peut-être par quatre, selon l’évolution des marchés.
C’est à partir de ces éléments que la feuille de route a été définie la semaine dernière, dans le cadre de l’Eurogroupe et du conseil Ecofin. Cette feuille de route a été confiée à M. Riegling, le directeur du FESF, qui a maintenant toute latitude pour parcourir le monde afin de trouver des partenaires prêts à investir dans ce fonds, en l’efficacité duquel nous croyons.
Avec nos partenaires de la zone euro, nous veillons enfin à garantir la solidité des banques européennes.
Vous le savez, l’Autorité bancaire européenne a fixé un ratio de fonds propres – 9 % en juin 2012, sur une base actualisée en septembre – qui a fait l’objet d’un très large consensus parmi les membres de la zone euro et, au-delà, parmi les vingt-sept membres de l’Union européenne réunis au sein du conseil Ecofin. Cela signifie que les fonds propres des banques européennes seront renforcés à hauteur de 106 milliards d’euros, dont 8, 8 milliards d’euros pour les banques françaises.
Des engagements ont été pris et un calendrier a été fixé. C’est dans ce cadre que doivent s’inscrire les actions des établissements bancaires. Le Gouvernement sera très attentif à ce que les banques augmentent leurs fonds propres en réduisant les dividendes et bonus et non en réduisant leur degré d’implication dans l’économie, ce qui entraverait l’accès au crédit des entreprises et des particuliers.
Dans le même élan, le G20, sous présidence française, a pris la mesure des difficultés que nous traversons, et s’est engagé à mettre en œuvre un ensemble de mesures courageuses.
C’est la zone euro qui est actuellement mise à l’épreuve, mais – vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs – le problème est global. Les économies sont si imbriquées et interconnectées que, lorsqu’une zone s’enrhume, c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui tousse. C’est vrai aujourd'hui, alors que l’épicentre de la crise mondiale est en Europe. Cela l’était également lorsque, entre 2007 et 2008, l’épicentre se trouvait aux États-Unis, avec d'abord la crise des subprimes puis, un an plus tard, la faillite de Lehman Brothers : ces événements eurent un impact mondial, entraînant une récession qui nécessita, dans tous les pays, une adaptation des politiques publiques afin d’en amortir les conséquences.
Les conclusions du sommet de Cannes sont à la hauteur de ces enjeux. Contrairement à ce qui s’était passé lors des sommets de Toronto et de Londres, à l’issue desquels un seul axe avait été défini – tout pour la consolidation budgétaire, ou au contraire tout pour la relance économique –, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de mettre en œuvre des politiques différenciées selon les marges de manœuvre dont chaque pays dispose, en s’appuyant sur un jugement objectif, réaliste et adapté à la situation de chacun d’entre eux.
Les pays affichant un excédent budgétaire ont accepté de prendre l’engagement de conduire une politique de relance. La Chine a fait évoluer ses positions, qui étaient initialement assez fermées ; il en a été de même du Canada ou d’autres pays excédentaires. À l’inverse, les pays affichant un déficit budgétaire ont pris l’engagement de poursuivre leurs efforts de consolidation budgétaire.
C’est l’acquis essentiel du sommet de Cannes : une initiative globale, cohérente, structurée, équilibrée et coordonnée à l’intérieur des différentes zones – puissances économiquement avancées ou émergentes – qui participeront au soutien de l’activité économique, afin d’éviter que le ralentissement ne se transforme en une récession dont les conséquences sociales seraient douloureuses.
Les pays du G20 se sont également engagés à réformer le système monétaire international. Dans ce domaine également, il faut souligner l’évolution des positions de la Chine.
Les pays du G20 se sont également engagés à renforcer les moyens du FMI en cas de besoin, afin que l’institution internationale puisse jouer son rôle de rempart contre les risques systémiques. Dans cet esprit, nous examinons des pistes très concrètes : une contribution bilatérale pour le FMI, l’utilisation des droits de tirages spéciaux par zone ou encore la possibilité de créer une entité spécifique au sein du FMI. Cela constitue une avancée significative.
J’achèverai ce tour d’horizon des grands enjeux internationaux par un point sur les évolutions constatées dernièrement sur les marchés financiers.
La situation sur les marchés financiers est complexe – je ne vous apprends rien. Les tensions sont présentes, et la France n’est pas épargnée. Toutefois, il est important, s'agissant de questions aussi techniques, de conserver une approche lucide et pragmatique.
La lucidité, c’est de constater que ces tensions agitent d’abord le marché secondaire, plus exposé aujourd’hui à la spéculation sur les taux. En revanche, sur le marché primaire, nos adjudications se déroulent dans des conditions satisfaisantes. Les taux des titres que nous émettons sont identiques à ceux qui prévalaient en avril dernier : il n’y a donc pas de défiance vis-à-vis de la France. L’adjudication de ce matin s’est déroulée normalement, et notre offre de titres a été sursouscrite.
Il est d’ailleurs important de ne pas confondre cet écart de taux – le spread – avec le niveau des taux. C’est bien ce dernier qui détermine la charge de notre dette. Or, je le redis, le niveau actuel de nos taux correspond toujours à des conditions de financement favorables.
Bien entendu, avec nos homologues allemands, nous suivons très attentivement l’évolution des marchés. Nous sommes en contact permanent : hier à midi, j’étais encore au téléphone avec Wolfgang Schäuble. Les interrogations existant sur l’évolution des spreads aux Pays-Bas, en Finlande ou en Autriche, rendent encore plus nécessaire la coordination de nos actions.
Nous prenons toutes nos responsabilités et sommes attentifs à l’exactitude des informations qui s’échangent au sujet de notre dette souveraine. Jeudi dernier – vous le savez –, l’agence de notation Standard and Poor’s a commis une « boulette », en diffusant une information erronée sur la notation française. J’ai aussitôt demandé aux autorités européennes et nationales compétentes d’enquêter sur les circonstances de cette erreur. Nous tirerons toutes les conséquences de cette enquête.
Tout le monde peut commettre des erreurs ; Standard and Poor’s a d'ailleurs reconnu la sienne. Toutefois, dans un contexte aussi turbulent, instable et incertain, les agences de notation ont une lourde responsabilité, puisque leurs décisions peuvent être lourdes de conséquences.
C'est pourquoi nous ne laisserons passer aucun message négatif qui mettrait en cause la sincérité de l’action entreprise par le Gouvernement et sa stratégie d’assainissement en profondeur de nos finances publiques, a fortiori s’il s’agissait d’altérer négativement, éventuellement de manière orchestrée, l’image que possède notre pays aux yeux des investisseurs. Ces derniers pourront nous maintenir leur confiance compte tenu de notre réactivité et de notre détermination à poursuivre nos efforts pour atteindre, quoi qu’il arrive, quelles que soient les évolutions de l’activité économique, nos objectifs intangibles en matière de déficit public. Valérie Pécresse a rappelé tout à l'heure les prochains rendez-vous : en 2013, 3 % de déficit, c'est-à-dire le niveau d’avant la crise ; en 2016, 0 % de déficit.
Nous entrons dans une nouvelle époque : nous tournons définitivement le dos au financement des politiques publiques par l’endettement, qui équivaut à faire payer aux générations futures le confort d’un modèle social que nous souhaitons certes préserver, mais qui a besoin d’autres financements.