Enfin, la question des niches fiscales est récurrente. Celles-ci représentent 65 milliards d'euros de dépenses fiscales. Le rapport Guillaume fait un état des lieux en la matière et conclut à l’inefficacité de nombre d’entre elles. Évaluer, une à une, l’efficacité de ces niches serait souhaitable, mais prendrait beaucoup trop de temps. En effet, chacune trouverait des défenseurs pour expliquer qu’il faut s’attaquer aux autres.
Un coup de rabot généralisé de 15 % serait douloureux mais efficace, car immédiat, et rapporterait près de 10 milliards d'euros. Cette mesure est sans doute moins fondée qu’un examen individuel des niches, mais le sort de chacune d’entre elles étant identique, elle serait plus facilement acceptée.
Le contexte économique international et l’état de nos finances publiques nous incitent à prendre des décisions fortes et difficiles, certes, mais indispensables. Ayons à l’esprit, avant de voter le projet de loi de finances pour 2012, la perspective d’une perte du triple A et ses conséquences très négatives.
Compétitivité et croissance sont les leviers qui relanceront notre économie, et donc nos recettes fiscales.
Or la compétitivité de nos entreprises est en chute libre. Le rapport du Forum économique mondial de Davos a rétrogradé la France du quinzième au dix-huitième rang mondial. Nous avons perdu, en moyenne, 2, 4 % de parts de marché entre 2000 et 2008, alors que l’Allemagne améliorait ses résultats de 1, 2 % par an. Pourquoi ?
De même, les exportations de notre agriculture sont passées, en Europe, du premier au troisième rang, voire au quatrième. Ce n’est pas acceptable.
La compétitivité de nos PME est une priorité absolue. À l’opposé de leurs voisines allemandes et italiennes, elles ont en effet les plus grandes difficultés à s’internationaliser. Plus grave, elles sont, en proportion, infiniment plus taxées que nos groupes multinationaux : 30 %, contre 10 % à 15 %.
De surcroît, et c’est un point crucial, les charges sociales des employeurs français s’élèvent à 11 % du PIB, alors que la moyenne de l’OCDE est de 5, 5%. Quelle en est la raison ?
La compétitivité de nos PME est grevée par les charges qui se répercutent nécessairement sur le prix de vente des biens et services qu’elles produisent. À ce titre, je milite pour qu’une partie de ces cotisations soit transférée sur la TVA. Cette proposition n’est pas nouvelle, mais sa mise en œuvre s’avère indispensable. L’Allemagne s’est dotée, en janvier 2007, d’un point de « TVA compétitivité », mais le Danemark et le Japon l’ont fait bien avant.
La Cour des comptes, dans son rapport sur la convergence fiscale franco-allemande, a fortement souhaité, comme l’OCDE quelques mois plus tard, que la France se dote d’un tel dispositif. Cela aurait le mérite de faciliter la fiscalisation du financement des risques « famille » et « maladie », désormais universalisés.
Le niveau de déficit de notre balance commerciale – 75 milliards d'euros –, entraînant chômage et perte de recettes, est une plaie au flanc qui nous appauvrit chaque jour.
Favoriser la compétitivité de nos entreprises me semble donc d’une exigence évidente, mais la mise en œuvre d’un tel objectif prendra, hélas ! du temps. La mission d’information de l’Assemblée nationale sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale n’a pu déboucher sur des analyses communes ni sur des propositions concrètes, en raison d’incompatibilités idéologiques, ce qui est consternant alors qu’il y a urgence.
Enfin, la croissance est, bien sûr, un des fondamentaux de l’économie, un socle sur lequel reposent emplois et recettes. Les prévisions dans ce domaine doivent être réalistes, sous peine de rendre les projets de loi de finances, au mieux incertains, au pire caducs dans les mois qui suivent leur discussion.
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, adoptée à la toute fin de l’année dernière, était fondée sur une prévision de croissance, encore une fois trop optimiste, de 2 %, ramenée à 1, 75 % avant d’être enfin évaluée à 1 %, soit le taux qui faisait consensus parmi les experts.
Les divergences de prévisions ne permettent pas d’être péremptoires sur cette croissance, et donc sur les ressources qui seront celles du pays. Il serait pragmatique de mettre en place, dès à présent, des ressources supérieures à celles qui sont prévues pour atteindre l’objectif du déficit programmé, à savoir 4, 6 % pour 2012. S’il y a excédent, il pourra être affecté à la dette.
Madame la ministre, mes chers collègues, soyez pédagogues, dites la vérité aux Français, montrez l’exemple ! Soyez cohérents, innovants, imaginatifs. Surtout, soyez justes ! Nos concitoyens, alors, vous suivront.
Chaque Français attend de vous courage politique et justice fiscale. Il comprendra qu’il est temps que nous soyons tous solidaires dans l’effort, car la crédibilité et l’avenir de notre pays sont en jeu.
Ayons à l’esprit que celui, de droite ou de gauche, qui présidera aux destinées de notre pays devra conduire une politique peu différente de celle qui aurait été menée par son concurrent.
Ne nous perdons pas dans des querelles idéologiques ! Il n’y a pas deux solutions opposées pour résoudre un même problème : il n’y a que des différences de façade.
Les prélèvements ne sauraient, globalement, être augmentés. Déjà trop lourds par rapport à ce qu’ils sont chez nos concurrents, ils ne peuvent être que plus orientés vers les hauts revenus et les grandes entreprises. En Grande-Bretagne, où règne la City, temple du capitalisme, nos amis conservateurs n’ont pas hésité à taxer les plus gros contributeurs, sans crainte de faire fuir les contribuables à l’étranger.
J’ajouterai que les transactions financières appartiennent à l’économie virtuelle et ne rapportent rien à la richesse nationale. On peut s’interroger sur le point de savoir si un banquier taxé à 0, 001 % va quitter une place financière… Ne soyons pas victimes des lobbys financiers ! Je le dis d’autant plus volontiers que cette taxe nous rapporterait quelque 12 milliards d’euros.
C’est dans les dépenses de l’État que réside le véritable gisement. Là aussi, soyons convaincus que les efforts ne doivent pas être demandés aux plus fragiles, car un sentiment d’injustice rendrait inopérante toute politique fiscale.
Madame la ministre, la devise des mousquetaires, « Un pour tous et tous pour un », doit devenir la devise des Français.